Des projets culturels de quartier à Mulhouse

Autour de la bibliothèque-médiathèque

Danielle Taesch

Les bibliothèques-médiathèques de Mulhouse participent au développement culturel local, leurs missions s'appuyant sur les fonctions d'outil culturel, pédagogique et social. Trois actions, lancées en 1996, ont contribué à leur reconnaissance : un atelier contes ; des petits salons de quartier destinés à sensibiliser aux arts du spectacle ; enfin, l'opération Livre/Cinéma du quartier des Coteaux, qui est l'illustration la plus complète de ce travail sur le terrain engagé par la bibliothèque. La conclusion en est qu'il est possible de mener de telles actions à partir d'un réseau de bibliothèques.

The multimedia libraries in Mulhouse are taking part in the local cultural development, their missions relying on the functions of cultural, educational and social tool. Three actions, launched in 1996, have contributed to the recognition of these missions : a tale workshop, small district meetings intended to make people aware of the performing arts ; at last, the operation Book/Cinema in the Coteaux district, which is the most complete illustration of this ground work engaged by the library. The conclusion is that it is possible to lead such actions from a library net.

Die Mühlhausener Bibliotheken-Mediotheken tragen zur örtlichen kulturellen Entwicklung bei; ihre Aufträge fußen auf ihrer Tätigkeit als kulturelle, pädagogische und soziale Hilfsmittel. Sie haben 1996 eine zunehmende Bedeutung durch drei Veranstaltungen gewonnen: eine Märchenarbeitsgruppe, kleine Viertelsalons zur Erweckung der Theaterlust, und endlich die sogenannte Buch/Kino Aktion im Viertel der Coteaux, die die beste Illustration dieser von der Bibliothek an Ort und Stelle durchgeführten Grundarbeit darstellt. So darf man daraus ableiten, daß solche Veranstaltungen mittels eines Bibliotheksnetzes möglich sind.

Intégrée dans la vie locale et reconnue désormais comme équipement culturel indispensable, déployée en un réseau structuré et cohérent sur toute la ville, insérée dans un large réseau de communications et d’échanges culturels, la bibliothèque-médiathèque de Mulhouse a privilégié un triple rôle d’outil culturel, pédagogique et social.

La bibliothèque, outil culturel, pédagogique et social

Tout d’abord, outil culturel dynamique et moderne, largement impliquée dans la vie culturelle de la ville, la bibliothèque affirme sa vocation patrimoniale en étant un lieu de mémoire bien sûr, mais surtout en faisant connaître à tous ses richesses dans des expositions, des rencontres, des ateliers.

Outil culturel pluridisciplinaire par l’offre documentaire diversifiée qu’elle propose sur l’ensemble du réseau, et la mise en espace ludique ou dynamique de ses collections, elle affirme sa vocation à être un acteur de la promotion du livre.

Soutien à l’édition innovante et créatrice dans un domaine pointu comme le théâtre contemporain, la bibliothèque maintient son rôle de transmission par excellence de la littérature, et crée de nouvelles dynamiques en s’appuyant sur le centre d’action culturelle, La Filature.

Lieu culturel par l’ensemble des activités qui y sont proposées, prêt et consultation permanents d’ouvrages et de documents audiovisuels, activités ponctuelles, conférences-débats, conteurs, lieu de rencontre, de mémoire, elle marque ainsi sa spécificité.

Outil pédagogique original et attractif, elle favorise la découverte de la lecture par des méthodes d’animation active, parallèlement ou en opposition à la lecture contrainte. Relais des écoles, en particulier dans la lutte contre l’échec scolaire (en jouant un rôle d’assistance, menant des activités de soutien, et prodiguant des conseils), complémentaire du service « vie scolaire » qui les gère, la bibliothèque pilote et impulse, dans le cadre du contrat de ville le plan lecture, c’est-à-dire la mise en œuvre de toutes les actions concernant le livre. Une politique de développement culturel local peut ainsi se construire.

Enfin, la bibliothèque est un outil social visible de la politique de développement social, de cohésion, de « sollicitude » que la municipalité a mise en place. Elle est lieu de sociabilité, lieu d’appropriation, de convivialité pour les adolescents, mais aussi pour les personnes âgées, lieu de socialisation, d’apprentissage des codes et des règles de politesse, de considération des usages (l’établissement d’un règlement intérieur a permis de réguler l’appropriation de l’espace et la communication des documents).

Courroie de transmission de la politique sociale initiée par la ville, le réseau des bibliothèques est implanté au sein de quartiers et de publics différents, en contact avec les difficultés réelles. Il s’attaque aux exclusions culturelles et est confronté au rôle très politique de « l’apprentissage à vivre ensemble ». Entretenir le lien social pour maintenir une qualité de vie collective, telle est la préoccupation de Mulhouse et l’enjeu social désormais reconnu à la bibliothèque-médiathèque.

Organisées en réseau, avec une bibliothèque centrale, une médiathèque spécialisée dans les arts de la scène, six bibliothèques de quartier et un bibliobus, les bibliothèques peuvent décentraliser leurs actions en affirmant les spécificités de chaque membre du réseau.

Des horaires d’ouverture larges (de 30 à 50 h hebdomadaires selon les lieux), une politique tarifaire adaptée aux différents publics et un personnel qualifié permettent des accueils appropriés et des actions ciblées.

C’est cette organisation qui a permis de faire éclore, de développer et de structurer, au cours de l’année 1996, trois actions de taille et d’envergure différentes, mais qui participent de la même dynamique : un atelier contes avec des classes de SES (Sections d’éducation spécialisée) dans un quartier en voie de marginalisation, « les petits salons de quartier » proposant une découverte des ressources culturelles de la ville, répartis sur l’ensemble du réseau, et le projet Livre/Cinéma dans le cadre des sites pilotes du ministère de la Culture.

L’atelier « contes du Drouot »

La bibliothèque de quartier, service de proximité par excellence, située dans la maison des jeunes et de la culture (MJC) locale, comprenant un service adultes et un service jeunes en prise directe avec les problèmes de violence, de délinquance et de drogue sans solution apparente pour l’instant, a entamé des actions de promotion de la lecture, en particulier avec le collège.

Inscrite dans un projet de quartier large axé autour d’ateliers d’écriture (un groupe « théâtre jeunes », un autre « femmes du CEDIFF (Centre Documentation et information des femmes et familles) », deux écoles maternelles, quatre collèges, cette action a pu avoir des répercussions positives sur le quartier et les parents d’élèves.

La grosse difficulté du quartier est de lutter contre l’absentéisme scolaire, qui a une fâcheuse tendance à se développer dès l’entrée en 6e. Les partenaires institutionnels ont alors réfléchi à quelques constats comme : pourquoi les collégiens revendiquent-ils le fait de ne pas aimer lire (même quand ils sont en situation de réussite scolaire) ? Pourquoi s’affirmer lecteur devient-il alors exceptionnel ? Un partenariat réel collège-bibliothèquetravailleurs sociaux peut-il déboucher sur une réappropriation de la lecture ? Le contrat de ville a pu servir de cadre à un projet mettant en jeu deux classes de SES du collège, leurs professeurs de français, une conteuse bien connue, Marie-Hélène Gendrin, en « résidence » dans le quartier, la bibliothèque et son équipe jeunesse. Ce projet avait pour thème l’expression orale et l’écriture d’histoires, dites par les jeunes devant des publics divers.

L’opération s’est étalée sur six mois, durant lesquels la conteuse a dû apprivoiser les jeunes, leur apprendre à écouter, à s’exprimer, à structurer leur pensée, à imaginer des récits. Les bibliothécaires, en accompagnement, ont fait des lectures, organisé des séances de contes pour d’autres classes du collège, afin qu’il y ait soutien global de l’institution à cette entreprise. La mise en forme des histoires répertoriées, l’apprentissage de la parole pour leur restitution, ont démontré que tous ces jeunes, en difficulté scolaire, pouvaient s’investir dans un projet commun et en tirer des bénéfices : être capables, par exemple, de se concentrer sur un sujet, s’intéresser à ce que les autres avaient envie de dire, découvrir la richesse du vocabulaire et finalement connaître leur propre personnalité. La présentation en juin du petit spectacle réalisé a démontré, malgré le trac et de petites imperfections, que le chemin parcouru en avait valu la peine.

Le projet verra peut-être d’ailleurs une nouvelle concrétisation dans la rencontre organisée entre divers groupes de jeunes conteurs amateurs de niveau national l’année prochaine. La bibliothèque et ses partenaires seront alors réellement devenus des lieux de transmission culturelle, d’appropriation individuelle et affective du livre.

Cette opération, réalisée en partenariat, s’est appuyée sur un petit budget de 35 000 F, 25 000 F provenant du contrat de ville (axe réussite scolaire), 5 000 F du collège et 5 000 F des crédits animation bibliothèque.

Les petits salons de quartier

La sensibilisation aux arts du spectacle pour de petits groupes constitués (adolescents, troisième âge, public du cercle de lecture ou des stages de réinsertion, scolaires, etc.) recouvre quatre aspects :

– l’information dans chaque bibliothèque de quartier permet l’accès le plus large possible à l’offre culturelle mulhousienne ;

– l’action dans le cadre des visites de classes propose, sur une période donnée, une animation de sensibilisation à un spectacle précis programmé à Mulhouse et inclut ce module en remplacement de « l’histoire » racontée. Il s’agit d’une intervention par bibliothèque, le chef de service et son équipe choisissant, suivant le thème, la classe à qui l’animation sera proposée ;

– la sensibilisation des scolaires hors visites de classes. L’accompagnement théâtral des jeunes est une nécessité, du primaire au secondaire. Il se concrétise par la présentation, la préparation et l’analyse d’un spectacle donné. Le rôle de la bibliothèque de quartier est ici d’informer ses relais de l’Éducation nationale des propositions qui peuvent leur être faites et, si l’équipe le souhaite, de s’impliquer plus avant dans le projet ;

– le petit salon tous publics s’adresse soit à un groupe constitué de quartier (le CEDIFF dans le quartier du Drouot), soit à un noyau de fidèles curieux (de 5 à 10 environ) et leur propose une rencontre par mois autour de la vie culturelle mulhousienne. L’équipe de la bibliothèque de quartier a pour mission de découvrir ou de choisir le groupe et d’organiser un petit espace de rencontre (jours et heures les plus propices). Dans un premier temps, toutes les animations sont gérées par le conservateur chargé de l’animation théâtrale sur tout le réseau, accompagné d’intervenants extérieurs, comédiens, metteurs en scène, animateurs. Au fur et à mesure, les bibliothécaires de quartier qui le souhaitent prendront le relais.

Les premières propositions retenues donnent une idée de l’ouverture et de la diversité des possibilités d’action. Dans le cadre des visites de classes, une animation musicale de 25 minutes environ autour des contes de Ma Mère l’Oye, mis en musique par Maurice Ravel, permet l’écoute d’extraits de l’œuvre et la lecture du texte (Le petit Poucet, Laideronnette, etc.). Cela constitue aussi une autre forme de l’éveil musical pratiqué déjà dans plusieurs bibliothèques.

La sensibilisation des scolaires se fera autour du Haïku, forme de poésie japonaise. Il s’agira de proposer aux enseignants qui travaillent avec les élèves une approche de cette forme de poésie par une présentation dans la classe avec, pour objectif, la réalisation de Haïku 1 par les enfants.

Le petit salon est organisé autour de lectures du texte Max Gericke de Manfred Karge 2. Ce texte raconte l’histoire d’une femme dans l’Allemagne des années 30, qui, pour survivre après le décès de son mari, endosse son existence et devient grutier à sa place. A la fois découverte de l’univers masculin, récit de l’histoire de l’Allemagne, et parcours de femme dans un monde sans pitié, ces lectures organisées par un conservateur et une comédienne ont été le prélude à la rencontre, fin octobre-début novembre, avec l’actrice du rôle.

Cette mise en place un peu ambitieuse s’appuie sur la volonté de la bibliothèque de privilégier le développement culturel. La médiathèque spécialisée, située au cœur même de La Filature, est la cheville ouvrière de l’opération, grâce à ses collections et ses orientations. La volonté de décentraliser dans les bibliothèques de quartier des actions culturelles ouvertes à tous et de relayer, par des conventions et jumelages avec des établissements scolaires, le travail théâtral des structures institutionnelles et troupes existant sur Mulhouse, est un pari engagé, à suivre...

L’opération Livre/Cinéma

Dans le cadre des sites prioritaires de projets culturels de quartiers initiés par le ministère de la Culture, la ville de Mulhouse a accueilli, d’octobre 1995 à juin 1996, trois projets : le premier mené par Pascal Tedes autour du théâtre, le second (en cours) piloté par le photographe Eric Vazzoler, le troisième, concernant le livre et le cinéma, animé par Patrick Raynal et Paul Vecchiali.

Cette dernière action, que nous allons détailler, se voulait exemplaire et devait démontrer que l’action culturelle est un vecteur d’intégration et de cohésion sociale. Elle a pu être menée à bien, parce qu’elle s’appuyait sur un opérateur de terrain, la bibliothèque-médiathèque et son réseau, déjà impliqués dans des actions culturelles au quotidien.

Pour avoir une chance de réussite, il fallait que le projet s’appuie sur l’intervention d’acteurs culturels de qualité. Les deux parrains retenus par la Direction du livre ont été Patrick Raynal, écrivain, scénariste et directeur de la collection Série Noire chez Gallimard d’une part, et Paul Vecchiali, auteur, réalisateur et producteur. Le choix d’un écrivain de « polars » et d’un cinéaste familiarisé aux approches filmiques de terrains sociaux difficiles ne pouvait qu’être bénéfique à ce projet devant s’articuler sur un travail d’écriture et de réalisation. L’exigence artistique mise en avant s’avérait essentielle à la conduite d’une telle action. Les ateliers d’écriture, organisés avec les deux « compères » et la bibliothèque du quartier ont été très animés. La réalisation du film a supposé un investissement important des stagiaires, tant sur le plan de l’interprétation que dans le domaine de l’assistance technique.

Il fallait également déterminer des objectifs sociaux. Le public concerné devait être prioritairement jeune et en difficulté, l’objectif initial étant de déclencher des attitudes positives susceptibles de faciliter un parcours de formation ou d’insertion professionnelle.

Le territoire d’intervention devait être bien ciblé. Le quartier retenu, celui des Coteaux, présentait l’avantage d’être doté d’équipements culturels : une grande bibliothèque (la plus grande du réseau), bien implantée et intégrée, un cinéma d’art et d’essai en périphérie immédiate, un centre culturel et de loisirs (CCL). Ce quartier possédait également des équipements sociaux pour les jeunes en difficulté (un centre socioculturel et un local Jules Verne) et de nombreux équipements scolaires (trois groupes scolaires, un collège, un lycée professionnel et le centre de formation pour adultes). Le quartier, récent (les immeubles datent des années 1970-1980), dispose de nombreux espaces verts, bénéficie d’une circulation automobile minimale, compte 15 000 habitants et est ponctuellement la proie de bandes de jeunes « incontrôlées ». La violence s’y exprime dans les rues, les immeubles ou les lieux publics, par des vols, incendies de voitures, de poubelles, attaques nocturnes et génère une impression d’insécurité. Une forte immigration (mais pas plus qu’ailleurs), un taux d’illettrisme consternant, un chômage important, des problèmes de toxicomanie ajoutés à une certaine intolérance des habitants les plus anciens en font un quartier hypersensible et donc particulièrement indiqué pour ce projet.

Réalisation

Le projet prévoyait de faire participer des jeunes de 16 à 25 ans à la fabrication d’un film de 35 minutes, de l’écriture du scénario à la réalisation complète, en les faisant intervenir à chacune des étapes.

Après deux mois d’approche et passées les premières frictions (car les premières rencontres ont été très houleuses, les jeunes ne voulant pas être considérés comme des animaux du zoo que l’on serait venu regarder), il est devenu manifeste que les jeunes se prenaient au jeu, avaient une richesse d’idées, proposaient des histoires, leurs histoires, leur Histoire sans se référer à des modèles existants – ils ne voulaient surtout pas refaire La haine 3.

Il est apparu que 35 minutes ne suffiraient à exprimer ni la générosité du projet ni l’attente des participants. La profusion d’actions, la densité d’événements et de sentiments ont alors conduit à la réalisation d’un long métrage de 1 h 20. Il s’articule autour de l’arrivée, sur le quartier, d’une famille africaine déplacée, pour raisons de travail, d’une autre province française, et de son intégration.

La bibliothèque a souhaité élargir à l’ensemble de la ville les opérations de sensibilisation au « polar », en organisant des rencontres d’auteurs grâce à la participation de libraires, un festival impliquant le cinéma Gaumont et le cinéma d’art et d’essai, des lectures de romans policiers dans les établissements scolaires. La présence d’auteurs au centre de détention, dans les écoles et les bibliothèques a aussi contribué à ce qu’un large public soit touché par l’événement.

Les objectifs artistiques ont été atteints. Le film Zone franche (le quartier est d’ailleurs passé en zone franche) a été tourné sur la base du scénario écrit par les jeunes, et a été interprété par eux. Il a permis une approche pédagogique des diverses techniques du cinéma. Présenté à la Mostra de Venise en août dernier, il a été acheté par Canal Plus et est sorti en salles à la fin de 1996. Cette exploitation en salles, qui devrait lui permettre une carrière normale, aura des retombées financières sur les jeunes interprètes. Les objectifs sociaux sont un peu plus difficiles à mesurer. Une cinquantaine de jeunes marginalisés ont participé activement à l’opération, en s’investissant dans l’écriture, en imaginant les anecdotes à intégrer dans le scénario et dans la réalisation du film. La dynamique de groupe a été globalement bénéfique – il n’y a pratiquement pas eu d’abandons en cours de projet et le local Jules Verne a acquis réellement droit de cité dans le quartier, ce qui n’était pas le cas avant. Le tournage s’est effectué sans incidents notoires, mais a demandé à Paul Vecchiali un investissement personnel très grand. Porter à bout de bras un projet de cette envergure est une aventure parfois pesante.

Un financement important a été nécessaire pour mener à bien cette opération. Il s’est élevé à 1 670 000 F avec une participation de l’État de 1 270 000 F (dont 870 000 F pour le tournage), 350 000 F provenant de la ville de Mulhouse et 50 000 F de mécénat. Le passage au long métrage sera financé par les recettes escomptées. Les deux intervenants ont touché une bourse de résidence de 6 mois. L’édition du scénario et celle du journal de tournage, également prévues, paraîtront plus tard.

Résultats et prolongements

Ces expériences menées sur Mulhouse permettent de dégager quelques perspectives. Des acteurs culturels de qualité sont essentiels. L’exigence artistique reste fondamentale dans ce type de projet pour qu’un travail sérieux soit entrepris et que l’action soit reconnue et ait un impact. Des équipements de proximité doivent venir appuyer le dispositif.

L’image scolaire et un peu élitiste de la bibliothèque a été nettement modifiée pour ces jeunes qui n’ont plus peur d’y venir, et ont appris à reconnaître les lieux. La bibliothèque peut désormais être partie prenante du processus de redynamisation du quartier. L’institution culturelle centrale doit, on le voit, être fortement impliquée. Cela permet de montrer la cohérence de la politique culturelle, de favoriser l’accès aux équipements centraux à des publics qui en sont éloignés. Cela permet aussi de mener dans les quartiers une action culturelle ciblée et volontariste, en développant le partenariat avec les établissements scolaires, les structures socioculturelles et autres organismes. La volonté d’intégrer des jeunes en voie de marginalisation est un plus, à condition de ne pas exclure les autres.

Cette opération a suscité l’intérêt du ministère de l’Éducation nationale, qui, par le biais de conventions, sollicite la bibliothèque pour mener des actions culturelles en direction des jeunes, scolarisés ou non, sur la découverte du roman policier. Cet intérêt s’est étendu à des partenaires socioculturels, tant sur le quartier des Coteaux qu’ailleurs. La mise en place de classes lecture pour les plus jeunes de ce même quartier est d’ores et déjà une réussite, qu’il est envisagé d’élargir l’année prochaine ; la formation de parents à la lecture, l’idée de relais/lecture font leur chemin. Toute la ville vit au rythme du polar pendant le Temps des livres et des résidences d’écrivain sont à nouveau envisagées.

Ainsi, en ne reniant aucune de leurs missions, mais en en proposant des outils complémentaires, culturel, pédagogique et social, en mettant l’accent sur la possibilité donnée à tous d’accéder aux richesses culturelles de la ville, les bibliothèques de quartier, ainsi que la centrale et la médiathèque de La Filature, ont mis en œuvre un réseau cohérent. Et si les bibliothécaires ont parfois l’impression de « s’user » dans un métier différent de celui qu’ils ont appris, ils ne renoncent pas à poursuivre cette action.

Novembre 1996

  1. (retour)↑  Les textes ont été exposés ensuite lors de la semaine japonaise de La Filature dans le hall et à la médiathèque du 26 au 30 novembre, avec, pour récompense, des entrées gratuites aux spectacles de la semaine. Cette animation a été aussi proposée durant les vacances de la Toussaint.
  2. (retour)↑  Manfred Karge, Max Genicke ou pareille au même, Arles, Ed. Solin, 1984.
  3. (retour)↑  La haine, film réalisé en 1995 par Mathieu Kassovitz.