Quels services documentaires pour les étudiants du 1er cycle ?
Jean-Claude Roda
Dans le prolongement du colloque organisé les 23 et 24 mai 1996 par la Conférence des présidents d’université et l’Association des directeurs de bibliothèques universitaires, l’Institut de formation des bibliothécaires organisait, le 25 juin 1996, une journée d’étude sur le thème « Quels services documentaires pour les étudiants de 1er cycle ? ».
Un moment fragile
Introduite et animée par Jean-Claude Annezer, du Service commun de la documentation (SCD) de l’université de Toulouse II, la journée commençait par l’intervention de Claude Jolly, sous-directeur des bibliothèques au ministère de l’Éducation nationale, sur la question de la place des premiers cycles dans la politique documentaire du ministère chargé de l’enseignement supérieur. Le premier cycle est le moment le plus fragile et le plus décisif de la vie universitaire : fragile comme en témoignent les nombreux échecs en première année, décisif parce qu’il fait passer l’étudiant du « savoir qu’il reçoit au savoir qu’il construit ». Il y a donc une spécificité du premier cycle, qui se manifeste à travers les pratiques de lecture, – notamment de manuels, en nombre toujours insuffisants –, à travers la demande d’espaces de convivialité, à travers une demande croissante de services de proximité, de la photocopie à l’information documentaire.
Or, tandis que la production éditoriale ne cesse d’augmenter, le nombre de lecteurs diminue, même au sein de la population universitaire ; c’est du moins ce qui ressort des enquêtes analysées par Emmanuel Fraisse, de l’université de Cergy-Pontoise. Du coup, les bibliothèques universitaires (BU) ressemblent de plus en plus pour les étudiants à des labyrinthes. Ceux d’entre eux qui s’y aventurent sans posséder un fil d’Ariane sont condamnés à errer au hasard de leurs impulsions, sans grand profit.
Si la motivation a souvent fait défaut aux étudiants qui entrent à l’université, ce qui peut expliquer nombre d’échecs, tous les étudiants se plaignent toutefois de manquer des pré-requis nécessaires à la pratique universitaire, ils sont demandeurs d’un accompagnement individualisé ou dans le cadre de petits groupes, afin d’acquérir les méthodes de travail adéquates.
Il ne faut cependant pas dramatiser car, si l’on en croit l’analyse d’Evelyne Janneau, chargée de mission sur les questions du premier cycle à l’université Joseph Fourier de Grenoble et mandatée par l’OURIP (Observatoire universitaire régional de l’insertion professionnelle, pour la région Rhône-Alpes), il n’y a guère que 11 % d’étudiants qui sont en échec total (bac + 0) au bout de trois ans ! L’étude des étudiants inscrits en DEUG (diplôme d’études universitaires générales) en 1987 montre, dit-elle, une obtention massive d’un diplôme de niveau bac + 2/+ 3, à l’université ou en dehors. Autrement dit, 43 % des bac + 0 de l’ensemble des années 1987/1990 ont amélioré ce niveau en 1993. Ce sont Evelyne Janneau et l’OURIP qui l’affirment...
Initiation à la recherche documentaire
Quoi qu’il en soit, on ne peut s’empêcher de signaler combien la réussite ou l’échec tiennent à peu de chose : l’appropriation d’un nouvel espace de vie, la gestion d’un temps nouveau, la maîtrise documentaire... C’est précisément l’initiation à la recherche documentaire, dont on voudrait qu’elle fût le premier temps fort de l’entrée à l’université, qui a fait l’objet des interventions de Benoît Lecoq, de la bibliothèque interuniversitaire de Montpellier, de Michèle Devinant, du SCD de l’université d’Orléans et de Claire Panijel, de l’URFIST de Paris. Que peut-on trouver à la BU ? Comment sont classés les documents ? Quelles sont les différentes sources d’information ? Comment exploite-t-on un document ? Autant de questions qui justifient l’enseignement des méthodes documentaires dès le premier cycle afin d’établir un pont entre enseignant et enseigné.
Comme le notait en fin de journée Louis Klee, du SCD de l’université de Nice-Sophia Antipolis, après un rappel des interventions de Gisela Claugus, Graham Bulpitt, et James-Henry Spohrer (qui évoquèrent respectivement les situations et expériences en Allemagne, en Grande-Bretagne et aux États-Unis), les BU françaises cherchent leur place entre le modèle solide et sans états d’âme des Allemands, le modèle « douloureux » des Britanniques et le modèle triomphant des Américains.
Réflexion sur les mutations de la pédagogie qui, de magistrale et distributive qu’elle était, devient peu à peu une pédagogie documentaire où l’étudiant reconstruit et vérifie les connaissances par le truchement du document, sur la politique de l’Éducation nationale « faite de morcellements et d’effets d’annonce qui deviennent vite des effets d’oubli », selon Jean-Claude Annezer, cette journée, suivie par un public nombreux, a dégagé des pistes pour l’université de masse qui se profile à l’horizon de l’an 2000.