Bibliothèques dans la cité
guide technique et réglementaire
Bibliothèques dans la cité se veut le relais de La Bibliothèque dans la ville, publié en 1984 par les mêmes éditions du Moniteur, sous la direction de Marie-Françoise Bisbrouck, ouvrage qui avait effectivement besoin d'un sérieux toilettage, tant l'expérience acquise depuis vingt ans a permis de dégager un nouveau questionnement.
Placé sous la direction éditoriale de Gérald Grunberg, cette nouvelle version a été élaborée par deux équipes : l'une de praticiens, bibliothécaires et programmistes, forts de leur expérience, qui ont pris en charge la partie technique ; l'autre de membres de la Direction du livre et de la lecture, chargés d'élaborer la partie réglementaire.
Des retards
Cet ouvrage, pourquoi le cacher, décourage la critique (au double sens de l'exercice critique et de la personne chargée de le critiquer). Pour une raison essentielle : les difficultés de conception et de fabrication qu'il a rencontrées.
Car, non seulement la conception de l'ouvrage, d'abord placée sous la seule coordination de Gérald Grunberg, est ensuite passée sous la double responsabilité de Gérald Grunberg pour la première partie et de la Direction du livre et de la lecture pour la deuxième partie. « Le processus d'harmonisation n'a pas fonctionné aussi bien qu'on l'espérait », dit pudiquement Gérald Grunberg. A lire l'ouvrage attentivement, on peut même conclure qu'il n'y a pas eu d'harmonisation du tout entre les deux équipes. D'où un foisonnement de doublons : les bibliobus, les artothèques, les logithèques ou les mesures de lutte contre l'incendie étant des sujets successivement traités des deux côtés - pour ne prendre que ces quelques exemples.
Mais, de surcroît, la fabrication de l'ouvrage a connu de très sérieux avatars : le premier tirage, réalisé au printemps 1995, était si mauvais (les épreuves n'ayant pas été relues) qu'il a été pilonné. C'est donc le deuxième tirage, corrigé, que nous avons sous les yeux.
Ces problèmes ont entraîné des délais excessifs entre la rédaction du livre (assurée en 1992 et 1993) et sa publication. Les statistiques utilisées ne sont donc plus à jour, les adresses utiles ne le sont plus vraiment (il n'y a plus de centre de formation au Mans, par exemple), le manifeste de l'Unesco a été révisé, la bibliographie est datée - mais aussi lacunaire : pourquoi ne pas citer le tome 4 de l'Histoire des bibliothèques françaises, publié en 1992, et qui comprend deux articles importants sur les bâtiments, l'un de Jacqueline Gascuel, l'autre de Michel Melot ?
Enfin, et c'est plus important, les questions que l'on se pose aujourd'hui ne sont que peu, très peu évoquées. Ainsi, les usages des publics, qui sont fréquemment contradictoires avec les usages postulés par les promoteurs des bâtiments de bibliothèque (usage collectif, bruyant, usage scolaire, utilitaire, usage convivial, usage séjourneur...) : depuis vingt ans, l'offre de locaux et de services est, sur ces différents points, régulièrement prise en défaut.
De la même façon, les débats qui ont lieu aujourd'hui sur l'organisation du savoir (départementalisation, parcours dans le savoir, transdisciplinarité, accès à distance...), et donc sur l'organisation des collections n'apparaissent pas - ou si peu. Que l'on me comprenne bien : il n'est pas de mon propos de reprocher à des collègues de ne pas évoquer, dans des textes de 1992, les débats qui nous animent aujourd'hui - mais seulement de regretter que ce gros travail soit déjà sur certains points obsolète.
Un ensemble très utile
Reste qu'une bonne partie du contenu est et reste très utile. Notamment tout le chapitre 3, « Programme fonctionnel », qui est une remarquable synthèse des éléments à prendre en compte. Ratios d'implantation, organigrammes fonctionnels, schémas de circulation, études de cas, description des services et des espaces, photographies, plans... : toute une panoplie d'approches est mobilisée pour analyser les éléments d'une programmation. Il est ici manifeste que l'expertise professionnelle des bibliothécaires français dans le domaine des constructions n'a plus rien à envier à nos collègues étrangers.
Citons, par exemple, trois contributions significatives, toutes trois dans ce chapitre « Programme fonctionnel ». Les « Données bibliothéconomiques constantes et variables », élaborées par Philippe Charrier, sont un morceau de bravoure, remarquable par son esprit de synthèse et par sa clarté.
Dans les pages consacrées aux « Services publics », on retiendra deux apports particulièrement intéressants, concernant l'un le prêt, l'autre la consultation sur place. Le « Prêt de documents », traité par Élisabeth Degon et Martine Blanc-Montmayeur, fait notamment le point sur les flux (de personnes et de documents) en fonction des choix bibliothéconomiques effectués et sur les problèmes posés par l'organisation de collections importantes en nombre, et suggère la création de « réserves actives », où les documents moins demandés seraient accessibles au public. Enfin, la « Consultation sur place », traitée par Danielle Robert, évoque, dans les services offerts, les pratiques effectives des usagers (séjourneurs, groupes ) et étudie avec finesse une nouvelle modalité d'offre de lecture : la lecture debout.
Pour conclure, un dernier étonnement : pourquoi les bibliothécaires (ici comme ailleurs) sont-ils aussi mutiques sur le livre et la place qu'il occupe et doit occuper ? Pourquoi, dans cet ouvrage, le programmiste Patrick O'Byrne et, dans ce Bulletin, l'architecte Pierre Riboulet, parlent-ils du livre et de la bibliothèque comme outils de connaissance, d'ancrage, d'ouverture, de mémoire, d'unité, de rassemblement ? Les bibliothécaires, eux, craindraient-ils de paraître démodés, à affirmer ou réaffirmer la place essentielle que le livre occupe dans notre culture et notre société ?