Le programme « télématique pour les bibliothèques »
Gaëlle Béquet
Il est important, comme l’a souligné le président du Conseil supérieur des bibliothèques dans son rapport pour l’année 1995, d’améliorer l’information autour des projets auxquels participent les bibliothèques publiques et universitaires des pays de l’Union européenne. C’est par une meilleure connaissance des procédures et des actions en cours que les bibliothèques françaises pourront participer au programme « Applications télématiques-Télématique pour les bibliothèques » 1.
Applications télématiques pour les bibliothèques
La Direction générale 2 XIII (DG XIII) est chargée des programmes européens dans le domaine des télécommunications, du marché de l’information et de la valorisation de la recherche. Le programme « Applications télématiques » est doté d’un budget de 843 millions d’ECUS 3 sur la période 1994-1998 qui correspond au ive programme cadre de recherche et développement (PCRD).
« Applications télématiques » poursuit deux objectifs : d’une part, l’amélioration de la compétitivité de l’industrie européenne et de l’efficacité des services destinés au public par le développement de nouveaux systèmes télématiques – visant notamment à favoriser les téléservices et le télétravail – et, d’autre part, la promotion d’activités communes de recherche en Europe.
L’accent est mis sur la télématique multimédia (par opposition à la télématique des données) dans le cadre de l’initiative européenne sur la société de l’information.
La DG XIII publie lors de chaque appel à propositions un Dossier d’information qui détaille en français les conditions de constitution et de dépôt d’une proposition, qui peut être une action à frais partagés (projet de recherche, de développement technologique et de démonstration dont le financement est assuré par le consortium et la Commission), des actions de soutien aux projets, par le biais d’études notamment, ou des actions concertées (échanges entre les participants aux projets ou groupes de réflexion thématiques) 4. Outre leurs objectifs spécifiques, ces différentes actions ne sont pas financées à même hauteur 5.
Loin d’être un programme de recherche fondamentale, « Applications télématiques » favorise des projets qui associent les utilisateurs, professionnels ou finals, à tous les stades de leur développement.
Ce dernier doit de préférence suivre les étapes suivantes : analyse des besoins des utilisateurs ; définition des spécifications fonctionnelles ; élaboration d’un modèle de démonstration ; validation de ce modèle (incluant les sites de démonstration qui peuvent être des sites géographiques ou institutionnels) ; plan d’exploitation (étude de marché, questions légales).
Les consortiums peuvent proposer des projets ayant déjà débuté et donc ayant accompli une ou plusieurs de ces phases, mais ils doivent impérativement prendre en compte les besoins des utilisateurs, ainsi que les recommandations du ou des secteurs choisis (par exemple, télématique pour les bibliothèques, ingénierie linguistique ou ingénierie de l’information).
Tous les secteurs définissent une structure pour chaque appel d’offres, qui se présente ainsi :
– les Lignes d’action sont des thèmes de travail assez larges qui fixent le contexte général du projet ;
– les Tâches ou Sujets sont des orientations qui précisent les aspects à traiter par les projets, définissent les aspects techniques, font référence aux projets déjà financés par la Commission, avec lesquels il est important de développer une synergie, et mentionnent le type d’organisations concernées.
Les consortiums doivent associer au moins deux partenaires de deux États de l’Union, mais il est préférable de regrouper des participants d’au moins trois pays européens. La participation de pays tiers est autorisée selon des modalités qui sont révisées régulièrement par la Commission.
La participation d’une entreprise est clairement recommandée : les sujets des appels faisant mention des organisations visées précisent le type de sociétés (dans le secteur Bibliothèques par exemple peuvent être associés des sociétés de services et d’ingénierie informatiques, des développeurs et fournisseurs de systèmes pour bibliothèques, etc.). La recherche de partenaires peut se faire à travers la base de données CORDIS 6 et les points de contact nationaux.
L’évaluation des propositions est réalisée par des experts indépendants recrutés dans tous les pays de l’Union européenne. Il faut signaler à ce propos que la Commission a lancé, en décembre 1995, un appel à candidatures d’experts pour les évaluations de projets déposés dans le programme « Applications télématiques ». Les candidatures françaises sont les bienvenues jusqu’en décembre 1997 7.
Le contrat passé par la Commission avec un consortium prévoit plusieurs types d’association possibles. Le consortium désigne un coordonnateur qui est le principal interlocuteur de la Commission et qui fournit à ce titre les documents par la Commission, notamment les rapports d’étape. Les autres signataires du contrat sont des partenaires. D’autres entités peuvent participer au projet sans signer de contrat avec la Commission : ils sont alors associés. Les sous-traitants doivent être connus de la Commission si les travaux qu’ils réalisent dépassent 100 000 ECUS ou 20 % de la part du participant qui utilise la sous-traitance.
Dans le contrat est précisée la part de financement fournie par la Commission. Celle-ci peut prendre en charge 50 % des coûts mentionnés dans la proposition. Dans certains cas (organismes éducatifs et institutionnels), la Commission peut prendre en charge 100 % des coûts additionnels entraînés par le projet.
Sont pris en compte les coûts de main-d’œuvre, des biens d’équipement, d’exploitation (déplacements, consommables, informatique), les frais généraux indirects, sans y inclure la TVA. Les budgets des propositions doivent être estimés en ECUS.
Le secteur Télématique pour les bibliothèques
Le secteur Télématique pour les bibliothèques appartient au programme « Applications télématiques ». Les projets proposés doivent satisfaire aux conditions mentionnées ci-dessus.
Ce secteur finance des projets d’interconnexion qui créent un flux d’information entre la bibliothèque et ses partenaires extérieurs (autres bibliothèques, éditeurs, serveurs de banques de données).
Un nouvel appel à propositions sera lancé en décembre 1996 par la DG XIII. Le secteur « Télématique pour les bibliothèques », qui avait retenu quatorze projets et sept actions concertées sur 106 propositions déposées l’année dernière, maintient les mêmes orientations pour le prochain appel. Le budget prévu s’élève à 9,5 millions d’ECUS.
Il faut donc rappeler qu’en 1995, les lignes d’action étaient les suivantes :
– ligne d’action A : modernisation des systèmes internes de bibliothèques en vue de leur intégration dans des réseaux locaux (services d’information des municipalités, systèmes d’information des campus universitaires) ;
– ligne d’action B : interconnexion des bibliothèques, services transfrontaliers, liaisons télématiques avec les libraires, éditeurs et fournisseurs divers ;
– ligne d’action C : les bibliothèques comme lieux d’accès aux ressources d’information extérieures mises en réseau.
Trois lignes d’action
Les quatorze projets sélectionnés se répartissent ainsi entre les trois lignes d’action.
Ligne d’action A
Sujet 1 : outils d’intégration et interfaces destinés aux systèmes pour des bibliothèques dans le réseau local.
ILIERS propose de développer une bibliothèque multimédia pour l’accès aux informations de la bibliothèque et à celles disponibles dans d’autres institutions locales, en prenant en compte toutes les catégories d’usagers.
Sujet 2 : outils et méthodes de création et d’exploitation de fonds de bibliothèques sous forme électronique.
TESTLAB : par le biais d’expériences menées dans des bibliothèques publiques et universitaires (Pays-Bas, Irlande, Royaume-Uni, Italie, Autriche), ce projet vise à rendre accessible aux handicapés visuels les catalogues et les documents numérisés des bibliothèques.
KSYSERROR cherche à développer un système expert permettant de détecter les erreurs dans les notices bibliographiques (format marc) échangées entre des bibliothèques en réseau utilisant une architecture client-serveur.
CHILIAS met en œuvre un prototype de bibliothèque multimédia pour les enfants disponible sur un serveur W3.
Sujet 3 : élaboration et tests d’outils de gestion des services de bibliothèques dans un environnement électronique.
TOLIMAC est un projet sur l’accès et l’utilisation des ressources en réseau dans une institution ou sur un campus mettant en œuvre des systèmes d’identification des utilisateurs, de contrôle d’accès et de règlement des droits d’auteur sur les documents.
Ligne d’action B
Sujet 4 : création et test d’application intégrant au moins deux fonctions/services de bibliothèques interconnectées.
Sujet 5 : accès des utilisateurs finals aux ressources du réseau interbibliothèques.
ELISE II veut élaborer un prototype de banque d’images installée sur des serveurs répartis en Europe et interrogeable à distance par le biais de protocoles normalisés (Z39.50/SR). Ce service pourra être étendu à d’autres pays européens et comprendra un système de protection des droits d’auteur et de paiement.
UNIVERSE, en utilisant des standards comme Z39.50/sr 8, UNICODE 9, UNIMARC et ILL 10 souhaite constituer un catalogue collectif dans deux domaines (techniques et environnement) à partir des catalogues d’une dizaine de bibliothèques en Europe.
CASA veut créer une liste d’autorités pour les titres de périodiques basée sur l’ISSN, afin de permettre à l’usager de chercher des références dans plusieurs catalogues européens.
Sujet 6 : services d’acquisition et de fourniture de documents aux bibliothèques.
BIBLINK vise à améliorer les services bibliographiques nationaux en renforçant les liens entre éditeurs et agences bibliographiques, notamment dans le domaine des documents électroniques. Les éditeurs signaleront aux agences les caractéristiques de ces publications, qui seront cataloguées par les agences, la description bibliographique étant ensuite renvoyée aux éditeurs.
Sujet 7 : élaboration de nouveaux scénarios et modèles pour les bibliothèques réparties et les services associés à fournir aux utilisateurs en préparation de projets futurs de mise en œuvre.
ELITE cherchera dans un premier temps à définir des modèles pour des services distribués de bibliothèque. Ces modèles seront présentés aux bibliothécaires européens à l’occasion d’ateliers. Ensuite, un prototype pourra être élaboré.
Ligne d’action C
Sujet 8 : services destinés aux utilisateurs fondés sur la recherche et l’interrogation des ressources en réseau.
Sujet 9 : bancs d’essai des accès et des services offerts par l’intermédiaire des bibliothèques à partir des ressources d’information mises en réseau.
Sujet 10 : applications utilisateurs permettant un accès unifié aux ressources combinées d’information provenant des réseaux extérieurs et de la bibliothèque.
ILSES est orienté vers la diffusion de l’information économique et sociale, qu’elle soit de nature documentaire ou statistique. Le réseau créé sera accessible par Internet.
ELVIL s’intéresse à l’information européenne en matière de législation et d’organisation politique. Le projet développera un index des ressources accessibles en ligne, un thésaurus multilingue, et un outil de recherche fonctionnant sur Internet.
Sujet 11 : applications utilisateurs permettant un accès unifié aux ressources combinées d’information provenant des réseaux et de la bibliothèque.
LIBERATION élaborera dans un premier temps un ensemble de données multimédias (revues, manuels, dictionnaires, didacticiels) rassemblées sur disque optique compact et sur un serveur. Ensuite, ces documents seront mis à disposition des bibliothèques afin de tester différents systèmes de facturation.
Sujet 12 : intégration des services de bibliothèques dans des environnements de télé-enseignement.
LISTED veut développer des logiciels multimédias d’autoformation disponibles en réseau. Un catalogue sera constitué grâce auquel les bibliothèques pourront identifier les produits correspondant aux besoins de leurs utilisateurs. Ce projet sera testé dans cinq pays de l’Union européenne (Royaume-Uni, Irlande, Danemark, Portugal, Espagne).
Des actions concertées
Il faut remarquer que certains sujets sont plus ou moins bien couverts (le sujet 10, Outils d’utilisation locale des ressources d’information mises en réseau, ne l’étant pas du tout). Dans le prochain appel, la Commission privilégiera la ligne d’action B et les sujets qui n’ont pas été suffisamment pris en considération. Ces derniers seront définis plus clairement.
La Commission finance aussi des actions concertées, qui sont des groupes de réflexion pouvant donner lieu par la suite à des projets. En 1995, la Commission en a retenu sept :
COBRA+ : forum des bibliothèques nationales
ECUP+ : groupe de discussion sur les droits d’auteur
EFILA+ : forum pour l’application des nouveaux standards en matière d’informatisation
CAMILE : techniques et outils de gestion et d’aide à la décision dans les bibliothèques
IMPRESS : cette action vient en complément d’un projet terminé (EDILIBE) qui a développé un système de messagerie standardisée (EDI) entre les bibliothèques et leurs fournisseurs (libraires et éditeurs). La diffusion des résultats de ce projet sera confiée à EDITEUR, un groupe parrainé par EBLIDA (European Bureau of Library and Documentation Associations), la Fédération européenne des éditeurs (FEP) et la Fédération des libraires européens (EBF).
PUBLICA est une action en faveur de la participation des bibliothèques publiques au programme « Télématique pour les bibliothèques ».
HARMONICA est un forum de discussion sur la musique dans les bibliothèques qui associe aussi des éditeurs.
Ces projets illustrent plus précisément les orientations du programme « Télématique pour les bibliothèques », qui ne seront pas modifiées pour le prochain appel de décembre 1996. Ils sont décrits en détail dans des fiches disponibles en anglais auprès de l’unité Bibliothèques ou sur le serveur W3 de la DG XIII à l’adresse www2.echo.lu/libraries/en/libraries.html. Une traduction en français semble imminente.
Le prochain appel est une occasion pour les bibliothèques françaises de se joindre à des consortiums pour remplir un rôle d’utilisateur dans toutes les phases de développement des projets. Espérons qu’elles seront nombreuses à participer !
Bibliographie
Association for Information Management. – Program : Automated Library and Information Systems. – Oct. 1995, vol. 29, n_ 4, 112 p.Ministère de la Culture, Direction des Affaires internationales. – Bruxelles : mode d’emploi. – Paris : Ministère de la Culture, 1994. Une nouvelle édition est prévue pour l’automne 1996.Zentrum für Kulturforschung. – Handbook of Cultural Affairs in Europe = Manuel européen des affaires culturelles. – Baden-Baden : Nomos-Verlag Gesellschaft, 1995. – 626 p.