Les bibliothèques d'art
Monique Nicol
Dominique Dumas
La quatrième réunion nationale de la sous-section des bibliothèques d’art de l'ABF (Association des bibliothécaires français) s’est tenue du 29 au 31 mars 1996 au musée de Grenoble 1. Coopération, indexation et fonds spécifiques en furent les deux pôles de réflexion essentiels.
Coopération en Grande-Bretagne
L’ARLIS/UK (Art Libraries Society/United Kingdom) & Ireland, représentée par Gillian Varley, déploie, depuis 1969, une activité remarquable et résolue malgré les difficultés financières ou administratives qui gênent la mise en place de ses projets.
Deux périodiques professionnels – Art Libraries Journal et ARLIS News-sheet – sont publiés chaque année, et différents comités œuvrent à la production de codes spécifiques de catalogage, de répertoires et de bibliographies.
Le Visual Resources Committee a élaboré un répertoire exhaustif des collections de diapositives au Royaume-Uni. Le National Coordination Committee prépare la quatrième édition du Catalogue collectif de périodiques d’art. Elle intégrera en 1996 les données bibliographiques informatisées de la National Art Library, les listes périodiques de la British Architectural Library, de la Tate Gallery Library, de la British Film Institute Library, et sera disponible sur Internet.
Quant au Committee for the National Coordination of Art Library Resources, il travaille à une Bibliographie nationale des catalogues d’expositions. Par ailleurs, l’exhaustivité des index spécialisés dans le dépouillement (Art Index, Art Bibliographies Modern, BHA-Bibliography of History of Art, Design & Applied Arts Index, Architectural Publications Index) est en cours de contrôle et un programme sollicite la British Library et la National Art Library pour des abonnements aux revues absentes en Grande-Bretagne.
Deux services d'indexation français nationaux spécialisés
Catherine Arminjon, conseiller scientifique de la Caisse nationale des monuments historiques et des sites, participe à l’élaboration du vocabulaire général pour l'inventaire des monuments et richesses artistiques de la France. Elle annonce la parution prochaine de deux systèmes descriptifs utilisés à l'Inventaire général pour les bases de données : le système descriptif de l'architecture et le système descriptif des objets mobiliers.
Ces bases – Mérimée (architecture) et Palissy (objets mobiliers) – associent descriptions textuelles et iconographiques (l’archivage numérique de la base photographique est en cours). Palissy a bénéficié ces dernières années d’ajouts importants de termes liés aux machines industrielles et au patrimoine maritime et fluvial.
Le système de rédaction des notices comprend soixante-trois champs répartis en six chapitres (références documentaires, désignation, localisation, description, historique, statut juridique, intérêt de l’œuvre). Les vocabulaires actuellement disponibles concernent la sculpture, l’architecture, le mobilier domestique, les objets civils domestiques et le vitrail. Ceux des jardins, des arts du métal et des objets et mobiliers du culte catholique sont sous presse, tandis que le traitement du patrimoine industriel, du textile (en collaboration avec le musée des Tissus de Lyon) et de la céramique est en cours.
La BHA (Bibliographie d’histoire de l’art) vient d'être publiée 2. Maryse Bideault, responsable scientifique au CNRS, rappelait qu'elle est née en 1989 de la fusion du RAA (Répertoire d'art et d'archéologie) français (1910-1989) et du RILA (Répertoire international de la littérature d'art) américain (1975-1989).
65 % de ses références sont analytiques et donnent lieu à des indexations très riches (jusqu’à 20 à 25 descripteurs par document : nom de l’artiste, nationalité, siècle ou période plus précise, type d’art, titre de l’œuvre ou de l’édifice, localisation, et éventuellement concepts divers se rapportant au sujet de l’œuvre, iconographie, esthétique, sociologie, religion, noms de commanditaires ou de personnages historiques).
Le bilinguisme des fichiers d’autorité pose parfois des problèmes d’équivalence de termes et révèle aussi des enjeux politiques dans la construction du thésaurus (l’équipe américaine peut produire des vedettes du type : Anarchisme voir aussi Terrorisme, ou National-socialisme voir aussi Socialisme !).
Le catalogage des fonds inaccessibles du MNAM-CCI
Jean-Paul Oddos, directeur de la documentation du Musée national d'art moderne (MNAM) a rendu compte de son programme de traitement des « fonds inaccessibles », en référence à l’Unaccessible Domain au sein du RLIN (Research Library Information Network) d’Amérique du Nord.
Trois facteurs ont été déterminants dans la mise en place de ce programme : d’une part, la politique d’ouverture à un public de chercheurs exige des outils de recherche efficaces ; d’autre part, la taille des collections subit aujourd’hui un tel “effet de seuil” qu’il est indispensable de dégager de nouvelles méthodes de gestion des fonds. Enfin, le traitement des documents, qui relève au MNAM du système « bibliothéconomique », et au Centre de création industrielle (CCI), du système « documentaire », doit être revu et uniformisé.
Si les collections qui font la singularité de la documentation du MNAM – dossiers d’artistes, archives, manuscrits, photographies biographiques, reportages, matériaux liés à la préparation des expositions –, ne sont pas organisées en unités cohérentes accessibles, elles font masse et se déclinent en milliers d’éléments.
Trois types de recueils factices ont ainsi été définis et intégrés au système de notices UNIMARC selon les normes ISO. Ils concernent, soit un artiste ou un mouvement (de formation lente, ils ne sont jamais clos), soit un événement défini dans le temps et l’espace, tel qu’une exposition (ce sont alors des ensembles bornés par définition), soit des fonds achetés ou légués, constitués par des artistes ou des collectionneurs (clos en principe au moment de leur acquisition).
S’il faut éviter de produire une offre indifférenciée ou insuffisamment hiérarchisée, le bénéfice incontestable de cette opération est que la communauté scientifique pourra avoir accès à des fonds mal perçus.
Les livrets de salons sur CD-ROM
Marie-Élisabeth Wisniewski, des Bibliothèque et archives des musées nationaux, a fait le point sur un projet de reproduction des livrets de salons sur CD-Rom dans le cadre du programme national de reproduction de titres rares trop consultés. Les livrets des salons concernés – le « Salon » depuis 1673, la Société des artistes français, la Société nationale des beaux-arts, les Indépendants et le Salon d’automne – sont au nombre de 451, ce qui représente 130 784 pages à reproduire.
La quinzaine de bibliothèques, qui participe à ce projet, a chargé la société Chadwyck de faire une étude : le mode texte a été choisi, en particulier pour sa capacité à produire des index précieux pour la recherche, mais son coût reste élevé et suppose la recherche d’aides pour son financement.
Dans le cadre de la coopération entre la sous-section et le Service de coordination bibliographique de la Bibliothèque nationale de France (BNF), pour l'enrichissement de Rameau, Marie-Claude Thompson, de la BNF, donnait les résultats de l'enquête sur les besoins et les pratiques d'indexation des bibliothèques d'art. Véronique Lacan, de la BNF, recueillait les propositions de collaboration pour l'art et l'architecture du XXe siècle.
Les bibliothèques d'art à Istanbul
Nicole Picot, des Bibliothèque et archives des musées nationaux, présentait les travaux menés par la section des bibliothèques d'art de l'IFLA, lors de la 61e conférence, à Istanbul, en août 1995. Cette section – qui compte 71 membres, dont l'ABF, la BNF, la Bibliothèque du Saulchoir et la Bibliothèque Forney comme membres institutionnels français – a différents projets en cours ou à l'étude : des Newsletters sur le Web, un Guide international des fonds d’archives d’artistes, un Répertoire international des bibliothèques d’art (publié en janvier 1996 et consultable sur Internet 3), un glossaire des termes utiles aux bibliothécaires d’art 4.
A par ailleurs été évoquée la situation dramatique de la Bibliothèque nationale de Sarajevo qui a perdu 90 % de ses collections. A été mentionnée la collection de livres d’art islamique, commencée au début du siècle au musée de Brooklyn. Enfin, l’impact des nouvelles technologies sur la bibliothéconomie d’art a fait l’objet d’une importante session. La numérisation des collections de musées et leur installation sur le Web constituent la principale révolution dans ce domaine.
Les programmes sont riches, aussi bien aux Etats-Unis sous l’égide du AHIP (Getty Art History Information Program) et de MUSE (Museum Educational Media) pour sept musées qui souhaitent diffuser leurs bases dans les universités de proximité, qu’à Tokyo, pour le musée d’Art occidental.
La Bibliothèque royale de La Haye a, quant à elle, mis au point une Advanced Information Workstation for the Humanities (AIW), qui permettra aux lecteurs, dès 1998, de localiser, lire et décharger l’information et qui intégrera un catalogue des catalogues en ligne et des bases de données, ainsi que des ressources offertes sur Dialog, RLIN, OCLC et PICA (Project for Integrated Catalogue Automation).
L’Australie, un pays où les distances sont parfois source d’isolement culturel, a pour sa part développé trois serveurs spécialisés en art, Artserve, Diva et Ausarts, qui diffusent entre autres des catalogues électroniques d’expositions.
A la conférence de Pékin, sera traité cette année le thème « Gratuité ou paiement des services offerts par les bibliothèques d’art », ainsi que celui des fonds d’art chinois dans le monde.