Cinquante ans de bâtiments en bibliothèques départementales de prêt

Mireille Fabre

Les BDP ont été créées après la Seconde Guerre mondiale dans le mouvement général de reconstruction du pays. Mais pendant les deux premières décennies, il y avait un tel retard à rattraper en matière de bibliothèques municipales et universitaires, que les programmes de construction ont été d'une surface relativement modeste par rapport aux populations à desservir. Les services rendus par les BDP ont dû ensuite se diversifier pour s'adapter aux nouvelles demandes, ce qui a entraîné d'importantes modifications des programmes.

The departmental lending libraries (BDP) have been created just after the 2nd World War, with the general movement of reconstruction of the country. But during the first two decades, there was such a delay to make up with public and university libraries that the construction programmes provided surfaces relatively modest in comparison with the populations to serve. Then the services done by the BDP have been diversified to be adapted to the new demands ; it brought about important changes in the programmes.

Die BDP wurden nach dem zweiten Weltkrieg in der allgemeinen Bewegung von nationalem Wiederaufbau gegründet. Während der ersten Jahrzehnten gab es aber in Frankreich eine solche aufzuholende Verspätung, daß die Erbauungsprogramme nur bescheidene Oberflächen in bezug auf der betroffenen Bevölkerung umfaßten. Nachher haben die BDP verschiedene Leistungen anbieten sollen, um neue Nachfragen zu befriedigen: so haben sich die Programme wesentlich verändert.

Les bibliothèques centrales de prêt (BCP) ont été instituées par l’ordonnance n° 45-2678 du 2 novembre 1945, pour desservir les communes de moins de 15 000 habitants par des dépôts temporaires et renouvelables de livres.

Cette ordonnance stipulait que les créations seraient entérinées par arrêté du ministère de l’Éducation nationale, dans la limite des crédits budgétaires. L’exposé des motifs précisait que des instructions de la Direction des bibliothèques de France seraient communiquées aux bibliothèques pour préparer leur fonctionnement.

Les premières instructions furent en effet données le 2 août 1946 aux dix-sept BCP qui venaient d’être créées. Elles portaient sur le local, le bibliobus, les caisses de livres et l’organisation du service. Le local devait être de préférence au rez-de-chaussée et offrir une surface de 200 m2, comprenant deux bureaux, un magasin-salle de manutention pour 10 000 livres, un garage pour le bibliobus, un débarras, un vestiaire et des installations sanitaires.

Des renseignements étaient donnés sur les dimensions, le tonnage et les aménagements du bibliobus, prévu pour transporter uniquement des caisses, préparées à la bibliothèque et pouvant contenir chacune une cinquantaine de livres.

Les BCP furent d’abord installées dans des bâtiments provisoires, appartenant à l’État, ou bien loués, ou encore mis à disposition par des collectivités locales. Les recommandations concernant ces locaux se sont peu à peu affinées. En 1955, la Direction des bibliothèques propose de retenir une surface totale de l’ordre de 250 m2, située au rez-de-chaussée, réparties en deux bureaux (un pour le directeur, un autre pour le personnel), un magasin d’une capacité de 20 000 volumes utilisé en même temps comme salle de manutention, et un garage. Il était conseillé de ne pas installer la bibliothèque dans un quartier excentrique, pour ne pas empêcher la venue des dépositaires.

En 1958, dans l’ouvrage de Jean Bleton, Local et mobilier des bibliothèques publiques 1, une surface totale de 300 m2 était prévue pour deux à trois bureaux, un magasin-salle de manutention pouvant contenir 25 000 volumes, un garage pour deux bibliobus, une salle pour recevoir les dépositaires et organiser les réunions du Comité consultatif.

Le début des constructions

A partir de 1965, des crédits furent attribués pour la construction de bâtiments spécifiques. Deux types de programme furent élaborés en fonction de l’importance de la bibliothèque.

Dans le programme de type I, la surface était fixée à 500 m2. Le magasin, de 150 m2 et d’une hauteur minimum de 4,50 m sous plafond, était conçu pour l’installation de rayonnages « autoporteurs », ce qui permettait d’avoir en réalité une surface de 650 m2 de plancher et de stocker 50 000 volumes environ.

Ce fonds ne devait représenter que la moitié ou le tiers des collections de la bibliothèque, la plus grande partie des ouvrages se trouvant en dépôt dans les communes. Ce système de rayonnages permettait en outre de faire des économies sur le gros œuvre et les matériaux.

Trois bureaux étaient prévus : ceux du directeur et de la secrétaire et celui des sous-bibliothécaires. La salle de réparation et de manutention des livres (40 m2) devenait autonome par rapport au magasin. La surface de la salle des dépositaires était portée à 35 m2 et le garage abritant deux bibliobus atteignait 80 m2.

Le programme de type II prévoyait une surface de 760 m2. Le système de rayonnages « autoporteurs » dans le magasin de 240 m2 permettait de porter la surface totale des planchers à 1 000 m2. Dans ce programme, il était possible d’atteindre une capacité de 80 000 volumes. 20 m2 étaient destinés à loger deux secrétaires. La salle de manutention et de réparation des documents offrait une surface de 60 m2. La surface du garage (80 m2) ne variait pas par rapport au type I.

Des bâtiments plus grands et des fonctions plus variées

Le rapport Dennery 2, commandé par le premier ministre Georges Pompidou et publié en 1968, préconisait plusieurs mesures en faveur de la lecture publique rurale. Il s’agissait pour l’État d’étendre le réseau des BCP à la totalité du territoire pour mettre fin à l’inégalité entre les départements 3.

Pour mieux desservir les communes, il fut suggéré d’implanter des annexes, d’augmenter le parc automobile, d’améliorer l’action des bibliobus en adoptant le prêt direct dans les agglomérations de moins de 5 000 habitants, et en apportant aux bibliothèques des villes de 5 000 à 20 000 habitants des ressources importantes en livres et une aide technique.

On envisagea alors un programme de 1 000 m2 pour les centrales, de manière à loger plus de personnel et à disposer d’un magasin pouvant contenir 100 000 volumes, ainsi que d’un garage pouvant abriter trois à quatre bibliobus, plus une fourgonnette. Trois programmes d’annexes, dont la surface oscillait entre 365 m2 et 450 m2, furent élaborés. Pour chacun de ces programmes, étaient prévus trois bureaux et un magasin pour 20 000 volumes. La différence portait sur le garage abritant respectivement un, deux et trois bibliobus.

Vers 1970, deux nouveaux programmes de centrale furent mis au point, conçus pour accueillir un personnel plus nombreux. Le premier – de 900 m2 – pouvait contenir 50 000 volumes et abriter deux véhicules de grandes dimensions et une fourgonnette. Le second – 1 200 m2 – avait un magasin pouvant contenir 70 000 volumes et un garage pour trois véhicules de grandes dimensions et une fourgonnette. L’un et l’autre comptaient un logement de gardien de 60 m2. Ces programmes étaient accompagnés d’un programme d’annexe de 450 m2 comprenant un magasin pour 25 000 volumes et un garage pour trois véhicules de grandes dimensions.

En 1974, on passe à des programmes types de 1 300 m2 et 1 600 m2. Les nouvelles orientations étaient de faire une plus large place à l’accueil et à l’animation. Le hall d’entrée devait permettre de recevoir de petites expositions temporaires.

La salle d’information, de formation, d’animation, où était installée la discothèque, pouvait être utilisée pour des réunions de dépositaires, de responsables de petites bibliothèques municipales, de membres du comité consultatif...

C’est à cette occasion que fut retenue l’idée d’implanter les rayonnages dans les magasins de manière plus aérée que dans un magasin traditionnel, pour faciliter la manutention et améliorer l’accueil des dépositaires.

Par ailleurs, un local indépendant de la salle de manutention était prévu pour l’équipement, la répartition des documents, ainsi que la multigraphie. Dans le type 1 300 m2, le magasin contenait 70 000 livres et le garage trois bibliobus et une fourgonnette. Dans le type 1 600 m2, apparaissait un magasin pour 100 000 volumes, mais le volume du garage n’était pas modifié.

En 1980, il apparut nécessaire à la Direction du livre de normaliser la surface des centrales, en utilisant le critère de la population totale des communes de moins de 10 000 habitants de chaque département. Quatre types de programmes variant de 1 300 m2 à 1 600 m2 furent retenus :

– moins de 250 000 habitants : 1 300 m2 ;

– de 250 000 à 550 000 habitants : 1 400 m2 ;

– de 550 000 à 850 000 habitants : 1 500 m2 ;

– plus de 850 000 habitants : 1 600 m2.

Les dernières BCP (au nombre de dix-neuf) ont été créées dans ce cadre en 1982 et 1985.

La décentralisation et le programme d’équipement

En 1986, les BCP, jusqu’alors services extérieurs de l’État, sont transférées aux départements (elles deviendront officiellement BDP en 1992). La décentralisation s’accompagne d’une politique volontariste de l’État qui s’engage à construire, agrandir ou terminer cinquante-neuf bâtiments, à installer définitivement les services dans des locaux appropriés et à mettre à niveau le réseau qu’il transférait aux départements (décrets n° 86-277 et 86-278 du 26 février 1986).

La superficie des bâtiments ainsi édifiés oscille entre 1 000 m2 et 2 200 m2. Les programmes préparés pour les concours d’architecture ont été établis avec les directeurs d’établissement. Il s’agit de programmes plus détaillés que par le passé, où l’aspect fonctionnel de l’ouvrage a longuement été développé.

Suivant la politique choisie par les responsables, des différences plus ou moins appréciables apparaissent dans ces documents. La surface des magasins a souvent été déterminée par la population à desservir, le nombre de livres existant déjà et la présence d’annexes en service ou prévues. La taille des garages a souvent varié suivant le mode de desserte des communes (prêt par dépôt ou prêt direct), l’existence on non d’annexes, l’essor des petites bibliothèques municipales, dont les directeurs viennent directement chercher des livres à la BDP. Les salles d’animation et/ou de formation ont été plus ou moins développées, selon la volonté des directeurs en place de mettre l’accent sur ce secteur d’activités. Dans beaucoup de bibliothèques, les magasins ont été aménagés comme de véritables espaces publics, équipés de rayonnages de salle de prêt, implantés de manière aérée.

Parmi les exigences formulées, un point important a été l’éclairage naturel de tous les volumes. Il fallait aussi tenir compte de celui des magasins, et donc de l’orientation à donner à certains locaux pour obtenir une bonne qualité de lumière, comme une exposition au nord pour les magasins.

La protection contre le rayonnement solaire, les effractions de locaux inoccupés, l’application des textes relatifs à la protection contre les risques d’incendie, l’évacuation des gaz d’échappement des bibliobus vers l’extérieur du bâtiment, l’accès de tous les locaux aux handicapés physiques ont été également pris en compte.

Malgré la lourdeur de ces contraintes, auxquelles s’ajoute, pour les architectes, l’obligation de réaliser les constructions dans le cadre d’une enveloppe budgétaire qui tienne compte d’un prix plafond, les maîtres d’œuvre ont fait preuve d’un esprit inventif, d’une volonté de casser la rigidité des structures, de favoriser les jeux de lumière et de donner ainsi une image des bibliothèques vivante et gaie. Ils ont pourtant été confrontés, en dehors des problèmes de fonctionnement des services, à la localisation des projets, souvent à la périphérie des zones urbaines, dans des sites sous-équipés ou dans des zones industrielles ou artisanales souvent assez hétérogènes.

En dépit de ces aléas, on peut constater une grande réussite de propositions architecturales.

Les architectes

Jusqu’au 1er janvier 1976, les constructions des BCP étaient financées par le ministère de l’Éducation nationale. Les architectes étaient alors désignés de gré à gré, choisis par ce même ministère sur proposition du préfet ou du recteur.

En 1976, le passage des BCP au ministère de la Culture a coïncidé avec l’organisation de concours d’architecture pour la réalisation des constructions, pratique qui s’est généralisée à partir de 1979.

Pour chaque opération, un appel national de candidatures a été lancé dans la presse spécialisée. Le jury, composé de moins de quinze personnes, était présidé par le préfet de région ou son représentant. Il devait comporter 50 % d’architectes, dont l’architecte de la Mission interministérielle pour la qualité des constructions publiques (MIQCP) et un architecte ayant déjà construit une BCP.

Le jury se réunissait une première fois pour sélectionner, parmi les dossiers reçus (100 à 150 en général), cinq équipes d’architectes, auxquelles une esquisse était alors demandée. Pour ce premier choix, il était fréquent de retenir à la fois un architecte expérimenté, de jeunes architectes et des architectes installés dans la région.

Lors d’une deuxième réunion, le jury choisissait, au vu des cinq esquisses, celui qui serait chargé de la réalisation du projet. Les critères de choix étaient notamment le respect du programme et la fonctionnalité du bâtiment, sa compacité et sa flexibilité, ses qualités esthétiques, son intégration au site, ses caractéristiques techniques, son coût prévisible.

On peut constater que, le plus souvent, ce sont des jeunes architectes qui ont été désignés. Ils se sont en effet révélés les plus inventifs dans le traitement architectural des ouvrages, les matériaux utilisés (aluminium, béton, acier...), sans négliger pour autant les aspects techniques relatifs au fonctionnement d’une bibliothèque.

Juin 1996

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Le prix plafond

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Bâtiments des bibliothèques départementales de prêt financés par l'État (1/3)

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Bâtiments des bibliothèques départementales de prêt financés par l'État (2/3)

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Bâtiments des bibliothèques départementales de prêt financés par l'État (3/3)

  1. (retour)↑  Jean BLETON, Local et mobilier des bibliothèques publiques, Paris, Direction des bibliothèques de France, 1958.
  2. (retour)↑  « La lecture publique en France », Notes et études documentaires, n° 3459.
  3. (retour)↑  Rappelons qu’en décembre 1968, quarante-cinq BCP restaient à créer.