Les renseignements juridiques en bibliothèque de lecture publique
Cécile Arnaud
Face à la complexité de la société, la recherche documentaire juridique n’intéresse plus seulement les professionnels du droit. Les citoyens ont eux aussi de plus en plus besoin de renseignements destinés à résoudre les problèmes qui se posent dans leur vie quotidienne.
Parallèlement, on assiste à la multiplication de produits éditoriaux sous forme de publications à feuillets mobiles (PFM) et à l’apparition de CD-Rom qui contribuent à transformer la gestion d’un fonds juridique en bibliothèque. De même, l’inflation de la réglementation et l’émergence du droit communautaire a pour effet d’accélérer le rythme des mises à jour nécessaires, et en conséquence, l’obsolescence de la documentation et le coût de maintenance des collections.
Cet article présente les principales conclusions d’une étude sur ce sujet d’actualité menée pendant l’été 1995 1 à la Bibliothèque publique d’information (BPI). Cette dernière, qui dispose d’un important fonds de PFM en droit, s’est demandée s’il fallait remplacer les titres sur support papier par des CD-Rom.
Les publications à feuillets mobiles
Les mutations de l’édition juridique s’accompagnent de l’arrivée de produits édités sur des supports divers. De plus, apparaissent des pratiques documentaires nouvelles.
En lecture publique, les demandes évoluent, y compris à l’égard du droit. Certaines branches préoccupent le grand public, particulièrement le droit social, le droit de la famille, des étrangers, de la gestion immobilière, des règlements de concours ou de la fiscalité des particuliers. Et même si la BPI est un établissement relativement atypique, le phénomène est perçu par les professionnels dans plusieurs autres grandes bibliothèques et semblerait s’amplifier.
A l’heure actuelle, l’édition juridique connaît de profonds bouleversements. Des maisons d’édition familiales sont rachetées par des groupes multinationaux. La structuration et la forme éditoriale matérielle courante de la documentation juridique s’expliquent à la fois par l’histoire de la discipline, les pratiques documentaires des professionnels en droit et la volonté de la part des éditeurs d’actualiser les produits. Depuis dix ans, l’accroissement de la gamme des PFM destinées aux praticiens du droit est notable. A la fin des années 1980, les éditeurs ont conçu des CD-Rom en invoquant la facilité de mise à jour et de consultation.
Quels sont les outils documentaires qui peuvent répondre aujourd’hui aux attentes exprimées par les usagers ? En ce sens, l’expérience acquise par la BPI est intéressante à rapporter.
Les PFM, relativement méconnues en lecture publique, représentent des gisements d’information considérables. Plutôt adaptées aux bibliothèques dotées de budgets déjà conséquents, les principales difficultés qu’elles posent résident dans leur repérage, leur coût et la gestion des mises à jour. Il importe donc de mettre en valeur le fait que leur intérêt documentaire compense largement les contraintes de gestion.
Deux catégories peuvent être distinguées : les PFM très spécialisées et réservées aux juristes chevronnés, et celles qui offrent des solutions pratiques. A la BPI, la consultation fréquente de certains titres en font de véritables best-sellers en raison de la qualité des synthèses et de leurs index 2.
Outre les difficultés rencontrées pour cataloguer et indexer ces ouvrages, l’insertion des feuillets est une procédure lourde, mais indispensable pour plusieurs raisons. Certaines informations ne sont en effet disponibles que sous cette forme, le coût d’abonnement – en moyenne plus élevé que celui des ouvrages reliés – n’est rentabilisé qu’à la condition que les mises à jour soient effectives, la valeur informative disparaissant progressivement en l’absence de telles actualisations. La déontologie professionnelle des bibliothécaires interdit en effet de communiquer des données obsolètes qui peuvent entraîner dans ce domaine de graves préjudices pour les lecteurs.
Dès qu’il y a un certain volume de mises à jour, la solution consiste à faire appel aux services d’un « agent-classeur » rémunéré sur la base d’un contrat passé avec les services après-vente des éditeurs. La BPI a donc envisagé d’alléger cette gestion en remplaçant en partieles PFM par des CD-Rom.
Les CD-ROM juridiques
Un recensement des produits a été établi en septembre 1995 sous forme de fiches techniques détaillées précisant pour chaque CD-Rom : titre, sujet, éditeur-diffuseur, niveau, prix, fréquence des mises à jour, caractéristiques de la couverture documentaire, sources, modes de recherche, exigences techniques.
Le principal enseignement que l’on peut tirer de ce panorama est que l’étendue des recherches rétrospectives, le taux de recouvrement par rapport aux titres sur support papier, la fréquence des mises à jour restent encore relativement limités et ne permettent pas de substituer totalement les CD-ROm aux PFM ni aux recueils de jurisprudence, mais de les compléter.
Une distinction a été opérée entre les titres destinés aux seuls spécialistes et ceux susceptibles d’informer le grand public. Il en ressort que le type de documents (arrêts ou réglementation sans commentaire) et la facilité d’interrogation conduisent à recommander principalement quelques titres de CD-Rom : Lois et décrets publiés par les Journaux officiels, Lexilaser lois et règlements, Lexilaser Cour de Cassation, Lexilaser Conseil d’Etat.
Au-delà du gain de place, les CD-Rom juridiques présentent des avantages à plusieurs titres. Les stratégies de recherche sont enrichies (accès par mots du texte intégral), une partie de la jurisprudence est inédite par rapport aux éditions sur papier, et les informations sont plus facilement protégées matériellement.
Comme les bibliothèques de lecture publique sont incitées à ouvrir des services de références et à fournir des informations d’ordre juridique et économique, il a paru opportun de mettre en lumière les services que peuvent rendre certains outils documentaires spécialisés, même à l’égard du grand public. Les projets des éditeurs juridiques et la comparaison avec la situation actuelle dans d’autres pays tels que l’Allemagne et les États-Unis laissent à penser que la majorité des titres seront prochainement disponibles sur CD-Rom. Enfin, la formation des professionnels aux nouvelles technologies et à la discipline concernée paraît essentielle pour assurer un service de qualité aux usagers des bibliothèques.