Une collection singulière à la bibliothèque interuniversitairede Montpellier
Christiane Nicq
Certaines bibliothèques universitaires - pour des raisons historiques - possèdent un important patrimoine. C'est le cas de la bibliothèque de médecine de Montpellier qui a toujours essayé de préserver ses fonds précieux tout en les communiquant largement. Dotée de son propre atelier de conservation, elle a pu développer son service photographique et entreprendre la réalisation de vidéogrammes pour la satisfaction d'un large public.
Some university libraries - for historical reasons - have an important heritage, for example, the medical library of Montpellier, which has always tried to preserve its precious collections and to communicate them widely. With its own conservation workshop, it has been able to set up a photographic service and to undertake the realization of video recordings for the satisfaction of a wide public.
Aus historischen Gründen besitzen etliche Universitätsbibliotheken einen wichtigen Altbestand: so z.B. die Medizinbibliothek Montpellier, die sich immer Mühe gegeben hat, diese Sammlung trotz deren täglicher Verwendung zu bewahren. Die Anstalt verfügt über ihren eigenen Erhaltungswerkstatt und konnte eine photographische Abteilung entwickeln. Sie hat deswegen sogar unternommen, Videoprodukte zur Befriedigung eines zahlreichen Publikums umzusetzen.
Le fait de découvrir, à la bibliothèque de médecine de l’université de Montpellier, manuscrits enluminés, pièces d’archives médiévales et un millier de dessins de maîtres des XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles, est légitimement surprenant. En revanche, pouvoir recourir aux milliers d’imprimés anciens, encyclopédiques il est vrai, qui y sont conservés, l’est beaucoup moins.
Un peu d’histoire
Le bâtiment qui abrite la bibliothèque fut d’abord un monastère bénédictin, créé par le pape Urbain V au XIVe siècle, devenu en 1536 le siège de l’évêché, et dont les ailes sud et ouest furent aménagées aux XVIIe et XVIIIe siècles. Les collections de la bibliothèque occupent actuellement ces mêmes ailes et les salles de l’ancien monastère au rez-de-jardin.
La Révolution française attribua les locaux de l’évêché à l’École de santé et les salles de réception du XVIIIe siècle abritent, depuis, la salle de lecture et l’embryon des collections.
Si l’École de médecine s’enorgueillit de remonter à 1180, la bibliothèque ne peut se prévaloir d’une telle ancienneté. Les archives de l’École témoignent bien de l’existence de diverses bibliothèques médiévales, qui n’ont pas résisté aux guerres et dégradations. C’est en 1757 que les étudiants réclament par pétition « la fondation d’une bibliothèque publique à l’usage seul de la faculté » ; dix ans plus tard, le chancelier de l’université de médecine Henri Haguenot leur lègue sa propre bibliothèque et l’assure d’une rente pour le traitement du conservateur et l’accroissement des collections.
Les 2 700 livres transférés en 1794 furent qualifiés bien sévèrement par les professeurs de l’École de santé : « Une assez mince collection de livres, incomplète dans toutes les parties de la science, mauvaise dans plusieurs, nulle dans certaines, incapable de satisfaire ni la curiosité ni le désir d’apprendre ». Les ambitions de l’École étaient vastes : le doyen Charles Louis Dumas proclamait « qu’il fallait ne pas séparer la philosophie de la médecine qui toutes deux rassemblent les rapports qui lient l’homme à la nature » 1.
C’est Jean-Antoine Chaptal, docteur en médecine de Montpellier, devenu ministre de l’Intérieur, qui confia à son confrère Gabriel Prunelle, bibliothécaire de l’École, le soin d’inspecter, avec Lakanal, Fourcroy et Guyton de Morveau, les dépôts littéraires constitués des biens saisis dans les couvents et chez les émigrés, afin d’en extraire tout ce qui devait être préservé pour le patrimoine national. Manuscrits et livres rares furent ainsi expédiés dans les bibliothèques parisiennes, mais aussi dans celle de l’École de santé de Montpellier, dont Chaptal disait encore en 1819 que c’était le plus beau et le plus ancien monument d’instruction que possédait la France.
Saisies, échanges et acquisitions permirent à Gabriel Prunelle d’offrir à ses étudiants « une collection de tous les ouvrages de prix que la fortune ordinaire d’un particulier ne lui permet pas d’acquérir et tous les livres manuels qui peuvent être à l’usage des étudiants ».
Ces fonds s’accrurent régulièrement au XIXe siècle grâce à diverses donations d’enseignants de l’École. La collection de manuscrits comporte environ neuf cents volumes, dont le quart est antérieur au XIIIe siècle (soixante manuscrits carolingiens par exemple).
La Faculté de médecine de Montpellier conserve ses archives, dont la bibliothèque gère la partie historique. Un dernier trésor forme le musée Atger, du nom de son fondateur Xavier Atger (1758-1833) : une collection de dessins français, italiens et flamands.
Il est à noter que ces fonds précieux furent toujours l’objet de soins jaloux de la part des divers bibliothécaires (ce qui est bien naturel !), mais aussi des autorités administratives, universitaires et des enseignants de la Faculté de médecine. Celle-ci en tira fierté et fut toujours disposée à en faire bénéficier collègues et visiteurs, d’où la politique de conservation et de valorisation du patrimoine mise en œuvre. Cette heureuse conjonction des efforts des bibliothécaires et des universitaires fut surtout concrétisée au cours des années récentes. Dès lors furent conjointement accélérés les travaux de microfilmage de sécurité, de restauration des documents et de mise en valeur du patrimoine.
Le service photographique
Longtemps embryonnaire, le service photographique est devenu très efficace avec l’arrivée, en 1991, d’une photographe spécialisée, qui s’est consacrée avec ardeur et compétence à la mise en valeur des collections précieuses de la bibliothèque. Deux axes dirigent son action : d’une part, réaliser une filmothèque de sécurité exhaustive des manuscrits et pièces d’archives, une photothèque et une diapothèque des miniatures des manuscrits et des dessins du musée Atger ; d’autre part, répondre à la demande des chercheurs, éditeurs et amateurs en leur fournissant, à des fins personnelles ou de publication, microfilms, photos ou ektachromes. Traditionnellement, dans le plan de travail, la priorité est accordée au service public, donc aux demandes particulières et ce, dans des délais jugés très satisfaisants par nos interlocuteurs 2.
Développement, conditionnement des microfilms et duplications sont assurés au laboratoire ; les photographies des miniatures et des dessins du musée Atger sont développées et tirées au format souhaité. Pour les ektachromes, les travaux sont confiés à un laboratoire extérieur.
Ainsi se constitue une filmothèque-photothèque-diapothèque de sécurité conservée à l’atelier photographique de la bibliothèque interuniversitaire (BIU). Un double de la collection de consultation est attribué à la bibliothèque de médecine. Les demandes extérieures de reproduction sont satisfaites après règlement des frais (le tarif s’inspire de ceux de la Bibliothèque nationale de France et de la Réunion des musées nationaux).
Réaffirmé avec force depuis quelques années, l’objectif premier est de terminer la photothèque du musée Atger (600 diapositives déjà disponibles sur 950 dessins) et d’accélérer la filmothèque des manuscrits (sur 839 volumes de manuscrits, 400 sont déjà microfilmés). Le plan de microfilmage reflétant les demandes les plus pressantes des chercheurs, on peut légitimement penser que les plus importants des microfilms sont déjà réalisés. La diapothèque des manuscrits a été entreprise de manière systématique plus tardivement, mais 1 500 ektachromes (dont 70 ektas 6 x 7 cm) sont déjà disponibles.
Le seul point faible réside dans l’unique poste de photographe attribué à la BIU de Montpellier.
La vidéo au service du patrimoine
A l’occasion de la nomination d’un conservateur, il fut décidé d’entreprendre la réalisation systématique de filmq-vidéo et de les diffuser parmi le public médical d’abord, le grand public ensuite, sans négliger le public scolaire. La coopération avec le service-vidéo du CRDP (Centre régional de documentation pédagogique) de Montpellier fut décisive.
Dès 1987, un film sur un manuscrit médiéval, Perceval, du manuscrit à Gutenberg (treize minutes), naquit d’une collaboration entre la bibliothèque universitaire et une classe d’école primaire sensibilisée au texte et au contexte. Diffusé dans les écoles de l’Hérault, il servit par ailleurs valablement d’initiation pratique et simple au monde des manuscrits.
La bibliothèque réalisa ensuite treize autres films de formats et de techniques différents, dont beaucoup furent présentés à un très large public national et international. Ce fut le cas en 1988 à la Conférence des bibliothèques médicales qui se tint à Bologne, où furent projetés les trois films suivants : Les manuscrits de la bibliothèque (treize minutes), Quelques grandes figures de l’histoire de la médecine (quinze minutes), et Le musée Atger (dix-sept minutes).
A l’occasion de la projection, s’engagea un débat sur les possibilités pour les bibliothèques d’utiliser davantage le support vidéo, en réalisant ou en participant à la réalisation de documents audiovisuels, plutôt qu’en déléguant leurs projets à des équipes extérieures.
En 1991, la commémoration de François Rabelais, à côté des expositions, conférences et plaquette documentaire, fit l’objet d’une coproduction régionale, François Rabelais et l’autre monde (vingt-huit minutes), sur le séjour à Montpellier de l’auteur de Pantagruel et sur ses expériences anatomiques.
En 1992, les bibliothécaires médicaux européens, réunis en congrès à Montpellier, purent assister à la projection d’un film réalisé à partir de l’exposition de livres et de manuscrits organisée à leur intention : Médecine et Humanisme, histoire de la bibliothèque de l’École de médecine de Montpellier (quinze minutes). La cassette fut largement diffusée auprès des congressistes (versions PAL et SECAM) ; une version en langue anglaise avait pu être produite.
Deux films furent présentés et sélectionnés lors des derniers concours internationaux audiovisuels des musées : Xavier Atger et sa collection de dessins (douze minutes) en 1993, et, en 1994, Le théâtre de la Peste sur un tableau de Michel Serre, détenu par la bibliothèque, et qui décrit un épisode de la peste à Marseille (douze minutes).
Quand, au printemps 1995, le musée Atger fut sollicité pour représenter les musées français lors de la journée consacrée aux musées d’université, à l’auditorium du Louvre, c’est par un de ses films-vidéo qu’il présenta sa collection.
Tous ces films peuvent être consultés ou empruntés à la bibliothèque ; ils sont diffusés régulièrement sur grand écran au musée Atger. La variété du public a amené à en diversifier le style. Ainsi, en 1991, un film d’animation – sans commentaires scientifiques – fut consacré aux miniatures d’un manuscrit de Roger de Parme, Les cent travaux de chirurgie (six minutes). En 1995, un film présentant l’ensemble des dessins de Raymond Lafage conservés dans ce musée fut accompagné, pour tout commentaire, d’une musique originale créée à partir d’un thème de François Couperin.
Cette politique de création et de projection de vidéogrammes traitant des collections a mis fin à la tentation d’expositions préparées trop vite ; elle permet au plus grand nombre (c’est le cas lors des congrès ou des visites de groupes très importants), d’avoir un aperçu de la qualité des œuvres originales, tout en les respectant. Elle ne dispensera jamais – heureusement – des expositions patiemment élaborées, mais elle fait « voyager » comme une image de marque, un reflet coloré du patrimoine local.
Février 1996