Les collections patrimoniales de la bibliothèque de la Sorbonne
Une politique de valorisation
Jacqueline Artier
La bibliothèque de la Sorbonne conserve un important fonds patrimonial : manuscrits, estampes et imprimés produits du Moyen Age à 1800. Ce fonds tient de sa provenance principale - institutions universitaires et anciens professeurs - un caractère savant et austère malgré des exceptions liées à des apports imprévus. Sa récente mise en valeur s'organise autour de trois activités : la publication de catalogues, catalogues imprimés pour les manuscrits ou catalogage des imprimés dans la base SIBIL ; l'organisation d'expositions, dans un cadre budgétaire limité ; la participation à un programme de recherche, le Corpus iconographique de l'histoire du livre.
The Bibliothèque de la Sorbonne has an important heritage collection : manuscripts, engravings and printed documents from the Middle Ages to 1800. This collection has got from its main origin - university institutions and former teachers - a learned and austere nature, in spite of exceptions linked to unforeseen contributions. Its recent development is organized around three activities : the publication of the catalogues - printed ones for the manuscripts, or cataloguing of printed materials in the SIBIL database ; the organization of exhibitions, within a limited budget framework ; the involvement in a research programme, the Corpus iconographique de l'histoire du livre.
Die Bibliothek der Sorbonne besitzt eine wichtige erbschaftliche Sammlung: Handschriften, Graphik und gedruckte Bücher, vom Mittelalter bis 1800. Dieser Bestand stellt wegen seiner Hauptherkunft - Universitäten und ehemalige Professoren - einen wissenschaflichen und strengen Gehalt vor, wenn Ausnahmen auch aus unerwarteten Quellen hervorgehen. Im Lauf der letzten Jahre bestand seine Werbung in drei Tätigkeiten: zuerst Veröffentlichung mehrerer Kataloge, d.h. gedruckte Kataloge der Handschriften oder Katalogisierung der gedruckten Bücher in der Dantenbank SIBIL, die bisher allein die Eigenschaften jedes Exemplars behandeln läßt; Veranstaltung einiger Ausstellungen, in einem leider begrenzten Haushaltsrahmen; Teilnahme endlich an einem Forschungsprogramm, dem sogenannten Ikonographischen Korpus der Buchgeschichte.
La bibliothèque de la Sorbonne ouvrit pour la première fois ses portes au public le 3 décembre 1770, sous le nom de bibliothèque de l’université de Paris, dans les locaux de l’ancienne bibliothèque des Jésuites au collège Louis-le-Grand 1.
Elle offrait alors aux lecteurs près de 20 000 volumes provenant de la fusion de deux collections : la bibliothèque personnelle léguée en 1762 par un ancien recteur, Jean-Gabriel Petit de Montempuis (1676-1763) et la bibliothèque du collège des boursiers, installé au collège Louis-le-Grand après le départ des Jésuites ; cette dernière était constituée des livres ayant appartenu aux vingt-huit collèges réunis dans ce nouvel établissement et d’une partie des livres de l’ancien collège des Jésuites. La bibliothèque s’accrut régulièrement jusqu’à la Révolution, qui inaugura une période difficile et assez longue de son histoire, où elle subit plusieurs déménagements et de multiples prélèvements, tout en s’enrichissant et en conservant la plus grande partie de son fonds d’origine.
Rappelons-en très brièvement les principaux éléments. Transférée au dépôt littéraire Louis-la-Culture de 1793 à 1796, la bibliothèque de l’ancienne université de Paris fut rendue aux nouvelles institutions universitaires, toujours logées au collège Louis-le-Grand. Elle fut ensuite installée en 1823 dans les locaux désaffectés de l’ancien collège de Sorbonne dont elle finit par prendre le nom, puis dans la Sorbonne reconstruite à la fin du XIXe siècle. Ses collections bénéficièrent de l’apport des saisies révolutionnaires, de plusieurs dons importants et d’une politique d’acquisitions complétant systématiquement le fonds sur le plan documentaire ; mais la bibliothèque dut céder de nombreux doubles à d’autres établissements et plusieurs documents rares ou précieux à la Bibliothèque impériale, puis nationale.
Un fonds patrimonial universitaire et austère
Le fonds que l’on a coutume d’appeler patrimonial – manuscrits, estampes et imprimés antérieurs à 1800 – compte aujourd’hui 3 032 manuscrits, auxquels il faut ajouter 197 cartons d’archives, environ 100 000 volumes imprimés et un fonds iconographique contenant près de 5 000 estampes, des cartes et 364 plaques de verre 2.
Ce fonds est constitué de trois ensembles distincts mais complémentaires et contenant tous manuscrits, estampes et imprimés anciens : le fonds de la Sorbonne, dont l’origine vient d’être rapidement retracée ; le fonds Victor-Cousin, contenant la bibliothèque et les papiers légués à l’université de Paris en 1863 par le philosophe Victor Cousin (1792-1867) 3 ; le fonds Richelieu, également légué à l’université de Paris, en 1933, par le dernier duc de Richelieu 4. Il s’accroît principalement par des dons et, dans une moindre mesure, par quelques achats.
La politique d’acquisitions est clairement définie, même si l’on peut regretter qu’elle ne soit pas plus large. En ce qui concerne les imprimés antérieurs à 1800, tous les dons sont acceptés, dans la mesure où ils complètent les collections, mais seuls les livres ayant valeur de sources historiques sont achetés, la bibliothèque étant par ailleurs CADIST (Centre d’acquisition et de diffusion de l’information scientifique et technique) d’histoire. En ce qui concerne les manuscrits, la bibliothèque cherche à enrichir le fonds de papiers d’universitaires qu’elle possède et qu’elle a vocation à accueillir. Ces dernières années, elle a pu le faire en épargnant son budget : les archives de Maurice Pradines (1874-1958), Auguste Bouché-Leclercq (1842-1923) et André Lalande (1867-1963), anciens professeurs à la Sorbonne, lui ont en effet été données par les héritiers de ces derniers.
Le fonds patrimonial de la bibliothèque de la Sorbonne est très marqué par un caractère universitaire qui remonte à ses origines, puisqu’il provient essentiellement d’institutions universitaires ou d’anciens professeurs. Du Moyen Age à nos jours, il s’est constitué sur des principes encore en vigueur 5 : fournir à la communauté universitaire une bibliothèque savante contenant les meilleures éditions des sources et des textes, ainsi que de tout ce qui en permet le commentaire ou la critique.
Avant tout instrument de travail pour un public érudit, ce fonds s’est enrichi des archives privées des membres les plus éminents de ce public et d’une partie des archives administratives de l’université d’Ancien Régime, ce qui en fait un fonds de recherche utile à l’histoire de l’enseignement et à celle de l’institution universitaire.
Il en résulte une certaine austérité de la collection, composée de documents pour la plupart peu « visuels », malgré leur intérêt scientifique. Pour des raisons intellectuelles autant que financières, l’importance accordée aux textes l’a en effet toujours emporté sur l’intérêt montré pour l’objet qui les supporte. Les manuscrits médiévaux sont peu enluminés. Les livres y sont le plus souvent reliés en parchemin ou en veau, sans décor autre que les fleurons ornant habituellement les dos. Quant aux documents d’archives et aux papiers d’universitaires, ils ne peuvent fournir à eux seuls la matière d’une exposition attirant un large public.
La qualité des ouvrages issus des saisies révolutionnaires, l’attention prêtée aujourd’hui à des particularités d’exemplaire jusque-là négligées, ou des dons sortant de l’ordinaire ont toutefois fait pénétrer la « bibliophilie » dans une bibliothèque peu sensible à ce critère. Le fonds légué par Victor Cousin en est l’illustration la plus patente : réservant l’érudition à ses travaux personnels, Victor Cousin a – pour ce qui est de sa collection d’imprimés antérieurs à 1800 – recherché systématiquement, dans le domaine littéraire et philosophique, les éditions rares, les exemplaires tirés sur des papiers de qualité ou couverts de reliures précieuses, faisant relier par les plus grands relieurs de son époque les exemplaires de condition modeste qu’il jugeait dignes de l’être.
Malgré une certaine variété, c’est donc un fonds à la tonalité dominante plus intellectuelle que muséographique que la bibliothèque de la Sorbonne s’efforce de mettre en valeur, en publiant des inventaires d’une part, en exposant ses pièces les plus attrayantes d’autre part.
Les catalogues
Le fonds patrimonial de la bibliothèque de la Sorbonne a longtemps été négligé du fait de l’absence de personnel spécialement affecté à sa conservation et à sa mise en valeur, du moins depuis la publication successive, de 1902 à 1923, du catalogue des manuscrits, du catalogue des incunables, du catalogue des ouvrages de la première moitié du XVIe siècle et d’un catalogue partiel du fonds d’estampes 6.
Deux décisions ont profondément modifié la situation et permis la mise en œuvre d’une politique patrimoniale tournée vers la conservation et la mise en valeur du fonds : la création, en 1975, d’un service des manuscrits et du livre ancien, réunissant dans un premier temps la réserve de la bibliothèque de la Sorbonne et la bibliothèque Victor-Cousin, auxquelles furent ajoutés en 1985 l’atelier de microfilmage et l’atelier de restauration ; le regroupement, en 1993, dans un magasin inaccessible au public et rattaché à la réserve, de l’ensemble des imprimés anciens encore dispersés dans les quelque 400 cotes du fonds général, c’est-à-dire 80 % du fonds patrimonial.
Publications
En dehors des actions menées en faveur de la conservation des collections, qui ne seront pas développées ici dans la mesure où elles sont plus un outil qu’un élément de la mise en valeur des fonds 7, c’est d’abord sur la publication de catalogues que la bibliothèque de la Sorbonne a fait porter son effort, partant du constat que son fonds patrimonial était largement méconnu.
La croyance répandue, mais erronée, que la bibliothèque de la Sorbonne est l’héritière de celle du collège du même nom, dispersée à la Révolution, tend à imposer l’idée que cet établissement n’a pas de fonds ancien. Il est frappant de constater à quel point la bibliothèque de la Sorbonne est peu citée, voire ignorée, dans les bibliographies de livres anciens. Un exemple caricatural en est fourni par la Bibliographie des œuvres de Descartes publiées au XVIIe siècle 8 : l’auteur y cite, sans la décrire, une édition des Principes de la philosophie (Rouen, David Berthelin, 1679), qu’il localise à grand-peine à l’abbaye Sainte-Anne de Kergonan à Plouharnel (Morbihan), quand il aurait pu facilement en consulter deux exemplaires à la bibliothèque de la Sorbonne.
La bibliothèque a donc relancé l’édition de catalogues complétant ou remplaçant les catalogues parus de 1902 à 1923. Ont ainsi été successivement publiés : l’Inventaire des livres du XVIe siècle de la bibliothèque de la Sorbonne : sciences, science politique, médecine, en 1984 ; le Supplément au catalogue des manuscrits de la bibliothèque de la Sorbonne [et] de la bibliothèque Victor-Cousin, en 1989 ; et le Catalogue des incunables des fonds Sorbonne et Victor-Cousin dans la collection des Catalogues régionaux des incunables des bibliothèques publiques de France, en 1995 9.
Les manuscrits reçus à la bibliothèque depuis la publication du dernier catalogue continuent d’être catalogués au fur et à mesure de leur arrivée. Des inventaires partiels en sont régulièrement publiés dans les Mélanges de la bibliothèque de la Sorbonne, revue éditée conjointement par la bibliothèque et les éditions Klincksieck.
Trois raisons ont présidé à ce choix : l’existence de cette revue, dépouillée par plusieurs bibliographies – dont la Bibliographie annuelle de l’histoire de France – signalant à l’attention des chercheurs les grands fonds catalogués (les manuscrits isolés échappent toutefois aux index de ces bibliographies) ; la volonté de montrer aux donateurs que les fonds confiés à la bibliothèque sont rapidement traités et de créer ainsi une réputation suscitant d’autres dons ; la saisie de ces inventaires et la possibilité de les garder en mémoire, ce qui permettra, le moment venu, de constituer facilement un deuxième supplément au catalogue des manuscrits. Les inventaires des papiers de Maurice Pradines, André Mary et Auguste Bouché-Leclercq ont ainsi été publiés en 1991 et 1995 10. Celui des papiers d’André Lalande, donnés en mars 1995, est terminé et sera publié cette année.
En ce qui concerne les livres imprimés du XVIe au XVIIIe siècle, l’entrée de la bibliothèque de la Sorbonne dans la base SIBIL a fait abandonner la publication de catalogues imprimés. Certes, la bibliothèque a participé aux catalogues collectifs des Bibles et des Imitations de Jésus-Christ, établis à l’initiative de la Bibliothèque nationale, mais cette participation est restée une activité marginale. Le projet en cours demeure l’achèvement du catalogue des ouvrages du XVIe siècle, même s’il est de plus en plus fréquemment laissé de côté au profit du recatalogage prioritaire d’ouvrages dont les fiches en carton acide s’autodétruisent.
Catalogage
Le [re]catalogage des livres anciens dans la base SIBIL, consultable par minitel 11, suit deux principes : l’utilisation de la norme ISBDA (International Standard Book Description-Antiquarian) d’une part, le catalogage à l’exemplaire d’autre part 12.
La norme ISBDA est très contestée par les spécialistes du livre ancien ; elle n’est d’ailleurs que peu utilisée, en France comme à l’étranger 13. Elle se distingue principalement de la norme de l’ESTC (Eighteenth Century Short Title Catalogue), de la norme AFNOR (Association française de normalisation) de 1986 ou de la norme adoptée par la Bibliothèque nationale en 1987 par les modifications qu’elle fait subir au texte de la page de titre : ajout de la ponctuation ISBD et, entre crochets, d’informations tirées de l’intérieur de l’ouvrage ; modification éventuelle de l’ordre des mots, notamment dans l’adresse ; rétablissement de l’accentuation moderne ; le tout pouvant entraîner la rédaction de notes supplémentaires pour expliquer les modifications faites.
Une zone particulière de notes permet cependant de saisir une deuxième fois tout ou partie de la page de titre selon d’autres normes : cette zone est utilisée systématiquement depuis trois ans par la bibliothèque de la Sorbonne pour saisir titres et adresses selon la norme de la Bibliothèque nationale. Cette dernière, plus satisfaisante et déjà utilisée par la bibliothèque Sainte-Geneviève qui catalogue ses ouvrages dans la base BN-Opale, finira inévitablement par s’imposer. La précaution prise par la bibliothèque de la Sorbonne vise à faciliter le « nettoyage » de sa base dans le cadre du futur catalogue collectif : il est en effet impossible de transformer une notice rédigée selon la norme ISBDA en notice rédigée selon la norme de la Bibliothèque nationale sans reprendre le livre en mains, d’où l’utilité à terme de cette saisie supplémentaire.
Quant au catalogage à l’exemplaire, il permet, dès qu’une particularité propre à l’exemplaire – possesseur, auteur d’annotations manuscrites, relieur – justifie un accès, de créer une notice particulière. Si la pratique, qui mêle les auteurs secondaires communs à l’ensemble de l’édition à des auteurs secondaires propres à un exemplaire, offre aux membres du réseau SIBIL la gestion informatisée de catalogues restés sur fiches dans d’autres établissements, elle a l’inconvénient de multiplier ce qu’il faut bien appeler des doublons bibliographiques.
Le format de données locales récemment établi par la Bibliothèque nationale de France permettrait de conserver l’acquis de l’accès aux particularités des exemplaires en supprimant le problème des doublons artificiellement créés dans la base SIBIL, d’où la nécessité pour le catalogue du Système universitaire, en cours d’élaboration au sein du ministère de l’Éducation nationale et de l’Agence bibliographique de l’enseignement supérieur, de reprendre cet aspect du format de la Bibliothèque nationale de France. L’accès à tout élément donnant un intérêt supplémentaire ou une valeur plus grande à l’exemplaire conservé facilite en effet la mise en valeur du fonds, notamment lorsqu’il s’agit de choisir des livres à exposer.
Les expositions
Consciente de l’austérité de son fonds, la bibliothèque de la Sorbonne s’est longtemps contentée d’organiser des expositions où ses collections ne représentaient qu’une faible partie des documents exposés : ce furent le cas, en 1974, de l’exposition La vie universitaire parisienne au XIIIe siècle, et, en 1985, de l’exposition Richelieu et le monde de l’esprit.
Ces deux expositions, financées par la chancellerie des universités de Paris, présentaient, dans un décor aménagé par un décorateur professionnel, de nombreuses pièces empruntées aux Archives nationales, à d’autres bibliothèques ou à divers musées.
L’exposition Cent un livres rares ou précieux de la bibliothèque de la Sorbonne, réalisée en 1991 à l’occasion de la tenue à Paris du congrès de l’Association internationale de bibliophilie, marque un tournant dans la politique de la bibliothèque : pour la première fois, elle n’exposait que des livres, tous tirés de son fonds ; elle finançait ensuite l’exposition sur son propre budget, la chancellerie des universités de Paris mettant toutefois gracieusement à sa disposition la chapelle de la Sorbonne, lieu de l’exposition.
Le parti pris fut donc celui d’une exposition à petit budget : pas de décorateur, la chapelle servant de décor ; pas de frais d’assurance, la bibliothèque étant son propre assureur ; des vitrines de location, certes fermées à clé, mais sans éclairage ni contrôle thermohygrométrique ; un éclairage extérieur aux vitrines et indirect, pour rester dans les normes muséographiques ; un catalogue saisi en traitement de texte par ses rédacteurs pour réduire le coût de l’impression 14 ; la seule grosse dépense fut le recours à une société de gardiennage pour assurer la sécurité des ouvrages exposés.
Le succès de l’exposition (16 000 visiteurs en trois semaines) comme son coût relativement modéré (moins de 250 000 F) encouragèrent à en réaliser d’autres sur le même modèle. En 1993, la bibliothèque organisa une exposition de livres d’emblèmes et de devises publiés de 1531 à 1735. Une exposition de livres de zoologie de la Renaissance est prévue en juin 1996. Ces deux expositions accompagnent la réalisation d’un projet évoqué ci-dessous, le Corpus iconographique de l’histoire du livre. Si la bibliothèque de la Sorbonne, qui les finance, y expose en priorité son fonds, d’autres bibliothèques dépendant du ministère de l’Éducation nationale sont également pressenties, entre autres la bibliothèque Sainte-Geneviève, la bibliothèque Mazarine et la bibliothèque du Muséum national d’histoire naturelle.
Un programme de recherche
Le Corpus iconographique de l’histoire du livre, lancé au début des années 1990, se trouve à la croisée d’un projet scientifique qui doit beaucoup à Henri-Jean Martin, professeur émérite à l’École nationale des chartes et ancien directeur d’études à l’École pratique des hautes études (4e section), et à la volonté du ministère de l’Éducation nationale, relayé en l’espèce par la bibliothèque de la Sorbonne, de mettre en valeur les fonds anciens – souvent méconnus, parfois maltraités – des bibliothèques des établissements d’enseignement supérieur.
Il s’agit tout d’abord, à côté des multiples travaux sur le monde des auteurs, des imprimeurs, des éditeurs et des libraires, à côté de l’attention portée aux pratiques de lecteurs et plus largement aux usages du livre, de manifester un intérêt renouvelé à l’objet livre lui-même. D’où l’idée de partir du document et de sa reproduction, en s’attachant non seulement aux illustrations mais aussi à ce qu’il est convenu d’appeler la mise en pages et la mise en texte. L’enjeu est également pédagogique, dans la mesure où il a paru utile de réunir un vaste ensemble de clichés susceptibles de servir de supports à des activités d’enseignement. Le projet a enfin l’ambition de proposer à des chercheurs – qu’ils soient conservateurs ou universitaires – un cadre d’accueil pour conduire des travaux qui s’appuient directement sur une collection dont ils sont familiers.
Les premiers promoteurs du projet, Henri-Jean Martin, Denis Pallier, inspecteur général des bibliothèques, Daniel Renoult, alors sous-directeur des bibliothèques au ministère de l’Éducation nationale, et Claude Jolly, alors directeur de la bibliothèque de la Sorbonne, se sont attachés à dégager les crédits correspondants : l’École des chartes a pris en charge des vacations sur ses crédits de recherche ; le ministère de l’Éducation nationale a alloué une subvention particulière, afin de permettre à la bibliothèque de la Sorbonne de financer des prises de vues. Les partenaires du projet ont par ailleurs décidé que chacun des projets de recherche s’inscrivant dans le Corpus iconographique se traduirait par :
1. une collection de clichés (en noir et blanc ou en couleurs, selon les cas) en deux exemplaires, conservés, l’un à l’École des chartes, l’autre dans la bibliothèque ayant servi de support principal au programme ;
2. un ouvrage comportant d’une part une introduction détaillée précisant la problématique et formalisant les principales conclusions, d’autre part la reproduction d’une sélection des clichés, accompagnée d’une notice sur chacun d’entre eux. Un accord a été passé avec les éditions Klincksieck, qui ont créé une collection portant le nom du programme de recherche ;
3. si possible une exposition, le parti retenu se prêtant assez bien à une telle exploitation secondaire.
Deux projets ont d’ores et déjà été menés à terme. Ils ont débouché sur deux publications (et, nous l’avons vu, sur deux expositions dont une en préparation) 15. Un troisième projet, confié à Nicolas Petit et portant sur les éphémères imprimés sous l’Ancien Régime et conservés à la bibliothèque, doit aboutir à une publication imminente. La responsabilité du programme est partagée entre l’École des chartes et la bibliothèque de la Sorbonne 16.
Divers projets concernant les ouvrages scientifiques, l’illustration narrative ou l’iconographie de grands personnages de l’histoire de France sont actuellement en cours de réalisation.
Inventaire du fonds, expositions accompagnées d’un catalogue, publication de reproductions des ouvrages conservés et participation à un programme scientifique, tels sont donc les grands axes de la politique de mise en valeur des fonds suivie par la bibliothèque de la Sorbonne.
Il va sans dire qu’elle s’adapte également aux demandes ponctuelles émanant, entre autres, de la communauté universitaire. Il n’est pas rare, en effet, que des professeurs organisant un colloque en Sorbonne demandent à la bibliothèque de présenter au cercle étroit des participants à ce colloque un certain nombre de documents du fonds patrimonial : des éditions du XVIIe siècle des ouvrages de Descartes, à l’occasion d’un colloque sur les Méditations en octobre 1992, ou des éditions anciennes des textes d’Antoine Arnauld ou d’autres auteurs jansénistes, à l’occasion du colloque Arnauld en septembre 1994.
La bibliothèque de la Sorbonne prête également à de nombreux établissements français ou étrangers organisant des expositions. Elle facilite par ailleurs la reproduction des documents qu’elle conserve en fournissant des microfilms et en accueillant tout photographe adressé par un chercheur.
Toutes les possibilités de mise en valeur d’un fonds n’ont pourtant pas encore été exploitées, notamment une des plus évidentes : l’édition de cartes postales. On peut y voir une des traditions historiques de la bibliothèque, plus attachée à l’érudition qu’à la communication, mais rien n’interdit de mettre la seconde au service de la première.
Février 1996