Promouvoir sa bibliothèque

L'image de marque

Odile Chopin

Le 16 janvier 1996, s’est déroulée à la bibliothèque municipale de Sannois, une journée d’étude sur le thème de l’image de marque des bibliothèques, premier volet d’un cycle de trois journées organisées par le groupe Ile-de-France de l’Association des bibliothécaires français, sur la promotion de ces institutions. Dans une société envahie par la communication et où les bibliothèques n’ont pas, loin de là, le monopole de la diffusion de l’information et des « produits culturels », il paraissait nécessaire aujourd’hui de réfléchir à la manière dont les bibliothèques sont perçues par les usagers et, plus encore, par le public ne fréquentant pas ces institutions.

La question pourrait sembler incongrue et superflue : les bibliothèques sont par nature des lieux d’information et de communication, leur image de marque découle de la qualité des services offerts à leurs usagers. Pourtant, toutes les études montrent un déficit d’accès à l’offre culturelle publique et, si celui-ci ne se réduit pas à un problème de communication, cela ne dispense pas de chercher à construire des politiques d’information et de communication susceptibles de contribuer à offrir un accès au public qui n’est pas touché.

Communication et politique culturelle

Promouvoir sa bibliothèque implique de connaître les publics que l’on veut sensibiliser à la fréquentation de l’établissement. C’est à Jean-François Hersent, de la Direction du livre et de la lecture (DLL) que revenait de situer le rôle de la communication dans une politique culturelle publique.

S’appuyant sur les théories du sociologue Jürgen Habermas, et sur les enquêtes menées par la DLL sur les pratiques de lecture et de fréquentation des librairies et des bibliothèques, Jean-François Hersent mettait en garde contre certaines idées reçues. L’accroissement de la diffusion de l’offre culturelle publique ne règle pas automatiquement le problème de la démocratisation de l’accès à cette offre : ce sont les catégories sociales déjà familières de ces pratiques qui accroissent leur consommation culturelle, sans qu’il y ait une augmentation significative des publics ne fréquentant pas les bibliothèques ou d’autres établissements culturels. Ces réalités doivent être prises en compte dans un objectif de démocratisation culturelle, une réflexion doit être menée sur le type de communication à mettre en œuvre pour que les bibliothèques soient perçues comme des lieux d’échange, de sociabilité et de convivialité auprès de publics qui n’en sont pas des habitués.

Pour Xavier Louy, maire-adjoint de Sarlat, la bibliothèque est un service municipal, sa communication et sa politique d’animation se doivent d’être parties intégrantes de la communication de la ville en s’associant aux événements qui s’y produisent. C’est ce qui fonde sa légitimité bien plus que la communication visuelle.

Ces deux interventions donneront lieu à des questions et à des débats tout au long de la journée : les animations sont-elles un moyen d’accroître les publics ? Comment toucher le public qui n’est pas familier des bibliothèques ? Quel bénéfice en attendre ?

Les partenaires

Marc Thibaut, directeur de la Communication de la ville d’Issy-les-Moulineaux, rappelait à son tour les enjeux d’une communication municipale dans laquelle la bibliothèque doit s’intégrer : développer l’information auprès des citoyens, organiser la concertation avec les élus, renforcer la communication entre les habitants afin de préserver la cohésion sociale. Signalant les réticences rencontrées chez les professionnels de la culture devant la participation à la communication institutionnelle, il insistait sur la mise en valeur réciproque apportée par la communication.

La parole était ensuite aux professionnels de la communication. Pour Cécile Chapel et Florence Caroff, de l’agence Teymour, la communication pratiquée par un établissement tel qu’une bibliothèque doit faire l’objet d’un plan d’ensemble. Elle ne se réduit pas à la production d’éléments conçus indépendamment les uns des autres (logos, affiches, tracts, événements). Ce plan d’ensemble se doit d’être nourri d’une étude détaillée de son fonctionnement. La démarche de communication doit permettre de considérer le point de vue des utilisateurs de la bibliothèque, que les professionnels des bibliothèques pris dans leur logique ne perçoivent pas toujours clairement. Sylvie Filhol, graphiste, présentait ensuite différentes expressions graphiques possibles, ces images ayant pour fonction de permettre au public d’identifier visuellement l’institution.

Communication et animation

Lors de la table ronde de l’après-midi, difficile à résumer autrement qu’en terme de questionnement sur deux actions liées, la communication et l’animation, Jean-Michel Tobelem, consultant, auteur d’une étude des services de promotion des musées, Cécile Prost, responsable de la communication du Théâtre de l’Odéon, Cécile Chapel et Florence Caroff, confrontaient de manière très approfondie leur point de vue de professionnels de la communication avec des responsables de bibliothèques, principalement Hélène Hollebèke, de la BM de Sannois, et Elizabeth Rozelot, de la BM de Créteil. Ces dernières témoignaient de leur politique de mise en valeur de leurs bibliothèques.

Comment mettre en valeur de telles institutions ? Sur quoi et comment communiquer ? La communication pratiquée n’aurait-elle pas une fâcheuse tendance à ne cibler que les usagers fréquentant déjà les établissements culturels ? Constatant le peu de retour de certaines de nos actions de communication, ne faudrait-il analyser plus précisément l’image qu’elles donnent de l’institution ? Les professionnels de la communication auront peut-être agacé ceux des bibliothèques en soulevant des questions amenant à réviser certaines pratiques : quel type de communication pour quel public ? N’avons-nous pas tendance à ne communiquer que pour un grand public qui n’existe pas ? Inversement, les bibliothécaires auront parfois eu le sentiment que le travail de fond qu’ils pratiquent restait inconnu des professionnels de la communication.

En tout état de cause, comme le soulignait Jean-François Jacques, de la médiathèque d’Issy-les-Moulineaux, dans la synthèse finale, cette journée de réflexion aura permis à chacun de réfléchir à ses propres pratiques face aux questions posées par des professionnels qui voient nos institutions avec d’autres yeux.

La réflexion collective aura peut-être permis de remettre en question une attitude un peu trop défensive face à ce monstre qu’est la communication et de penser à élaborer des méthodes pour qu’elle devienne un outil dans le travail de démocratisation de l’accès à la lecture.