L'action socioculturelle dans la ville

par Olivier Tacheau

Frédéric Barbier

Sous la dir. d'Armel Huet. Actes du colloque de Rennes, 1er et 2 octobre 1992. Paris : L'Harmattan, 1994. - 186 p. ; 22 cm. ISBN 2-7384-2867-3. 110 F

L'évaluation du dispositif socioculturel rennais, menée entre 1989 et 1991 par le Laboratoire de recherche en sciences sociales de l'Université de Haute-Bretagne (LARES), est à l'origine des deux journées d'études tenues à Rennes, en octobre 1992, sur le thème de l'action socioculturelle dans la ville. Si cet ouvrage présente les principales communications de ce colloque, on regrettera de ne pas y trouver les débats qu'elles suscitèrent entre chercheurs, décideurs politiques et acteurs. En fait, Armel Huet (LARES) rappelle que ces actes prétendent plus présenter différentes perspectives - historique, sociologique et politique -, qu'analyser, de façon cohérente et exhaustive, les problématiques de l'action socioculturelle.

Lieux et histoire de l'animation socioculturelle

Guy Saez retrace tout d'abord la naissance de l'animation socioculturelle au début des années 60, en marge de l'Education populaire, autour de la notion de communication sociale. Il rappelle ensuite sa planification étatique et la multiplication des équipements, soutenus par les sociologues « militants » comme Joffre Dumazedier, puis leur contestation après 1968 par la sociologie critique, comme projet et objets de domination et de normalisation 1. L'animation socioculturelle représente pour Guy Saez un tournant territorial d'où naît le pluralisme local et les contre références politicoculturelles.

Cette évaluation, occupant une bonne moitié de l'ouvrage, démontre que les problèmes de l'action socioculturelle relèvent plus d'une redéfinition des objectifs et des rôles que d'une insuffisance de moyens. L'étude se cantonne aux 33 équipements conventionnés de la ville, en montrant leur différenciation interne. Lieux où l'individu peut agir et pratiquer culturellement, ils sont le coeur même du socioculturel défini par Armel Huet comme une culture en action qui se situe entre l'action culturelle, reconnue et légitimée et l'action sociale nécessaire. Ces espaces publics appropriables, contribuant aussi à la diffusion culturelle auprès de 200 000 participants occasionnels, se distinguent, en le structurant, du milieu associatif qui, fort de ses 25 000 adhérents, reste très actif malgré les critiques visant l'inadaptation des fédérations. L'étude des publics par G. Gaultier, chercheur au LARES, révèle une forte prégnance des classes moyennes et une juvénilité des pratiquants (40 % de scolaires), dont l'activité demeure aux trois-quarts orientée vers l'acquisition et la maîtrise d'une technique corporelle ou artistique.

Les acteurs : État, villes, associations, fédérations

Mireille Pongy clarifie la partition des rôles tenus par les acteurs politiques d'un côté et associatifs et professionnels de l'autre. Elle rappelle le désengagement socioculturel de l'État dans la dernière décennie, au bénéfice d'une politique culturelle fondée sur la création - rejet de l'animation -, et accéléré en 1982-83 par la décentralisation. En l'absence de compétences tant intellectuelles que professionnelles, les villes ont difficilement géré leurs nouvelles responsabilités. Quant aux fédérations, la décentralisation les a obligées à se déstructurer et à s'effacer devant la contractualisation ponctuelle entre villes et associations, devenues plus actrices des politiques que représentantes de la société civile. La substitution de la démocratie culturelle à la démocratisation culturelle s'est donc traduite sur le terrain par une professionnalisation du socioculturel, signe de passage du projet à la gestion.

L'aporie du plein emploi et le contexte actuel d'exclusion marquent un retour de l'État qui tente de redonner un sens au social par une nouvelle politique de la ville 2. Laurence Roulleau-Berger (CNRS) explique comment des espaces intermédiaires de recomposition et de recréation culturelle (stratégies d'évitement) se mettent en place et fonctionnent grâce à de nouveaux médiateurs. La notion de médiation culturelle, qui mériterait un approfondissement, semble faire l'unanimité auprès des acteurs, comme recréatrice de lien social.

Dans l'ensemble, le lecteur, même profane, sera stimulé par cette compilation qui, malgré l'absence de bibliographie et de conclusion générales, l'incitera à en savoir plus.

  1. (retour)↑  Cf. pour une excellente introduction : Claude Gilbert et Guy Saez, L'État sans qualités, Paris, PUF, 1982, 185 p.
  2. (retour)↑  Jacques Donzelot, L'État animateur, Paris, Esprit Éd., 1994.