La documentation française et les autorités de l'information
Lydia Mérigot
Le 23 novembre 1994, les ministères de l'Industrie, des Postes et Télécommunications et du Commerce extérieur, ont lancé « un appel à propositions relatif aux expérimentations des nouveaux services des autoroutes de l'information auprès des acteurs économiques publics et privés concernés par le développement de la société de l'information ». Cet appel s'inscrivait dans la suite du rapport de Gérard Théry * et dans les objectifs préconisés par le comité interministériel des autoroutes et des services de l'information avec deux lignes d'action, la première visant à expérimenter rapidement de nouveaux services, et des applications innovantes, la seconde ayant pour objet la mise en place de plates-formes de développement représentatives des réseaux à haut débit et offrant les fonctionnalités nécessaires pour les nouveaux services, tant du point de vue des logiciels que des contenus. La date limite de remise des dossiers était fixée au 26 janvier 1995.
La Documentation française (DF) a d'emblée choisi de prendre part à ce vaste chantier et de se lancer dans l'expérimentation tout à la fois de ces nouveaux canaux de diffusion et de services innovants. Cela bien sûr parce que, de fait, il entre dans ses missions de tester l'innovation technologique pour le traitement de l'information (banques de données, CD-Rom, édition électronique, services vidéotex...), mais surtout parce qu'elle développe une stratégie de diffusion diversifiée et multiple après avoir renforcé et consolidé la production.
Le secteur documentaire était particulièrement mobilisé, mais également le secteur éditorial et commercial, et des séances de travail ont permis de dégager quinze fiches-propositions qui, examinées et recadrées, ont donné lieu à l'envoi officiel au ministère de l'Industrie de huit rapports présentant des projets pouvant être développés par la DF. La faisabilité des projets, leur forte appartenance aux missions de la DF, tel que le rapprochement de l'administration et de l'usager, ont été les critères déterminants.
UNE UTILISATION PLUS RATIONNELLE DES RESSOURCES
L'objectif, pour les projets documentaires, était clair : que les ressources soient plus et mieux utilisées, en élargissant les clientèles, en améliorant la qualité des produits diffusés en terme de service rendu et en terme d'utilisation facilitée par une véritable ergonomie et des accès à l'information banalisés.
Il avait été indiqué que le ministère de l'Industrie devait dégager, dès le mois de février 1995, une stratégie pour ces premières expérimentations, et c'est ainsi que le comité interministériel des autoroutes et services de l'information plaçait six des projets de la DF en groupe 2, c'est-à-dire comme susceptibles d'être labellisés, mais ne disposant pas de ressources financières propres.
Dès lors, pour faire aboutir les projets, l'activité s'est concentrée sur deux points :
- la création d'une cellule de veille technologique interne et transversale aux services documentaires, active sur toutes les questions relevant de la nébuleuse Autoroutes de l'information ; la participation à des réunions avec des sociétés de services informatiques retenues par le ministère de l'Industrie pour développer des plates-formes multimédias, des journées d'étude, des réunions avec France Telecom afin d'éclaircir une situation encore floue et particulièrement évolutive ;
- la recherche de financements : la DF a présenté une demande de financement pour l'année 1995 au FIM (Fonds interministériel de modernisation) dans le cadre d'une procédure spécifique de financement, à l'intention de cinq projets, un des projets ayant été différé dans le temps. 1,4 MF a été accordé pour quatre projets labellisés.
DES PROJETS DE TELEMATIQUE MICRO
Ces quatre projets concernent la télématique micro et non plus vidéotex : le Répertoire de l'administration française, le Guide des droits et démarches, l'accès à la banque de données Logos, la numérisation et la diffusion à distance pour la Littérature grise administrative.
Pour les deux premiers projets, l'objectif est d'élargir les cibles de clientèle et d'offrir des fonctionnalités nouvelles que les capacités de l'informatique micro rendent possibles. Ainsi, pour le Répertoire de l'administration française diffusé actuellement sous forme papier et sous forme vidéotex, il faut améliorer l'ergonomie, notamment par la représentation graphique de la hiérarchie administrative, et surtout prévoir et permettre un déchargement rapide de parties d'annuaire, pour éviter à chaque administration de refaire un annuaire interne. Il est prévu dans un deuxième temps de mettre en oeuvre et de fédérer un réseau d'annuaires des administrations des différents pays de l'Union européenne ; cela passe par des solutions techniques ouvertes qui ne soient pas seulement franco-françaises.
Le Guide télématique des droits et démarches, actuellement 3615 Vos droits, aide le citoyen dans toutes ses démarches avec l'administration. Ce service destiné au grand public pourra aisément être interrogé par des structures d'accueil en mairie ou en préfecture, dans les quartiers difficiles... grâce à une vitesse de transmission plus performante et la possibilité d'imprimer immédiatement des fiches d'information. Il sera également possible d'illustrer les démarches à accomplir par l'image du formulaire, et à moyen terme, l'usager pourrait remplir un formulaire en ligne à partir d'un poste de travail. La télématique micro permet d'améliorer également l'accès à l'information, de faciliter la recherche par une ergonomie réelle du produit, une circulation et une navigation plus souple.
Les six projets
Accès à la banque de données logos sur Kiosque micro ;
Littérature grise : numérisation, interrogation et diffusion sur Kiosque micro ;
Le Répertoire de l'Administration française : diffusion sur Kiosque micro ;
Le Guide thématique des droits et démarches : diffusion sur Kiosque micro ;
Accès à ICONOS, le répertoire des collections photographiques en France sur Kiosque micro ; Numérisation et diffusion à distance des dossiers du CIDIC (Centre d'information et de documentation internationale contemporaine)
LA BANQUE DE DONNEES LOGOS
C'est ainsi qu'un des projets concerne la mise en ligne d'une partie de la banque de données Logos, vraisemblablement les trois ou cinq dernières années. Cette banque de données, diffusée par le serveur Questel, comprend 400 000 unités documentaires sur la vie politique, économique et sociale de la France, les politiques publiques, les faits de société à travers les publications et les rapports de l'administration, les déclarations des hommes politiques et le dépouillement de la presse nationale. Elle est interrogée principalement par les grandes institutions et l'administration centrale. L'objectif est d'élargir sa clientèle aux collectivités territoriales, aux médias et à la représentation française à l'étranger, en permettant une recherche plus modulable, allant de l'identification simple d'un document à un accès plus complexe thématique pondéré permettant de se constituer un dossier personnalisé et pertinent, et offrant à l'utilisateur un service intégré global allant jusqu'à la fourniture de document.
Quant à la numérisation et à la diffusion à distance de la Littérature grise administrative qui, par son contenu, est un sous-ensemble restreint de Logos, elles n'en constituent pas moins un projet à part entière.
Il faut saisir l'occasion de diffuser sur ces autoroutes de l'information les données publiques que sont les rapports remis au gouvernement et les études commandées par les ministères. Deux mille rapports environ correspondant à cinq années de fonds sont numérisés et leur signalement enrichi d'informations complémentaires : table des matières, introduction...
Logos est le premier projet qui doit être réalisé. Sera ainsi expérimenté, sur un volume réduit de documents, à la fois la constitution d'un service intégré de fourniture de documents à distance et l'organisation nouvelle de l'accès à l'information qu'introduit cette nouvelle technologie.
A l'heure actuelle, il reste à étudier et à décider des choix stratégiques quant aux canaux de diffusion (Internet, réseaux de France Télécom), et aux plates-formes industrielles devant accueillir et diffuser ces services. Les autres projets pourront alors être mis en oeuvre dans le courant de l'année 1996, et leur réalisation entreprise et achevée en 1997 permettra ainsi à la Documentation française de conforter son rôle de pionnier dans le défrichage des techniques avancées et de consolider sa place dans les systèmes d'information et leur marché.