L'empire du livre
le livre imprimé et la construction de l'Allemagne contemporaine (1815-1914)
Frédéric Barbier
Frédéric Barbier nous livre ici le dernier état de ses recherches sur l'histoire du livre allemand au XIXe siècle, son objet d'études privilégié depuis de nombreuses années *. Plutôt qu'ouvrage de synthèse résumant la question, L'Empire du livre sera utile à la consultation ponctuelle pour approfondir l'un des multiples aspects abordés par l'auteur.
La caractéristique de l'oeuvre de Frédéric Barbier est en effet bien d'être particulièrement dense, fournie et riche en informations de toutes sortes (statistiques, tableaux, citations...). Cette somme de connaissances tout à fait impressionnante aurait d'ailleurs probablement encore gagné à être présentée sous un format plus grand (pour une mise en page plus aérée) et à disposer d'une partie bibliographique distincte pour faciliter les recherches du lecteur, peut-être un peu perdu dans les références (par ailleurs très complètes) données uniquement en bas de page. Devant la surabondance des aspects abordés dans l'ouvrage, le compte rendu ne peut être que réducteur et ne citera que les lignes directives principales.
Le rôle du livre dans la construction de l'Allemagne
La période étudiée - 1814-1914 - est déterminante dans l'histoire allemande. Après l'épisode napoléonien, c'est la lente marche vers l'unification politique, suivie de la formidable montée en puissance de la jeune nation. Dans ce processus, l'imprimé (et donc la librairie allemande en tant que structure professionnelle) prend une place prépondérante dans la constitution, plus ou moins forcée par moments, d'un « modèle culturel » allemand.
Traditionnellement important au sein de la société de l'espace germanique, l'écrit peut représenter une certaine entité culturelle allemande avant même 1871, et, après cette date, devient le ciment d'une unification politique à consolider, voire à justifier. Les professionnels du livre se voient donc investis d'une mission nationale : produire et diffuser largement le livre, symbole de l'unité nouvelle ; d'où un effort de structuration de la librairie allemande et sa montée en puissance sciemment orchestrée qui lui permet de s'imposer, à la veille de la Première Guerre mondiale, et d'imposer sa prédominance sur le marché international.
Le marché et les professionnels du livre allemand
Et Frédéric Barbier de nous entraîner, nombreux exemples à l'appui, dans le monde du livre germanique. Face à une demande croissante et avec l'aide de moyens techniques améliorés par la révolution industrielle, les éditeurs se spécialisent, rationalisent et structurent leurs moyens de production, pendant que le système de la commission, propre à l'espace germanique si longtemps éclaté au niveau politique, se perfectionne. L'Antiquariat - branche de la librairie spécialisée dans le commerce du livre ancien et donc particulièrement chargée d'une symbolique historique - se maintient et même se développe en dehors des frontières nationales. Dans un tableau riche en couleurs, l'auteur peint les conditions de vie et de travail de tous ces professionnels du livre, de l'imprimeur typographe jusqu'au directeur de groupe d'éditions.
Livres, lectures et lecteurs
Quant au livre-objet, il prend de nouvelles formes. La diversification et la croissance absolue des publics entraînent l'adaptation de la forme écrite à une demande jusque là inexistante. Rejoignant les préoccupations de la recherche historique actuelle, Frédéric Barbier étudie l'évolution des habitudes de lecture des Allemands et souligne l'émergence de nouveaux publics, mais aussi le déclin du rôle du livre dans certains milieux. Dans une société de plus en plus urbaine, le livre acquiert une nouvelle dimension politique, sans pour autant perdre son rôle de support traditionnel des connaissances. L'auteur recourt d'ailleurs ici à une problématique comparatiste franco- allemande, qui aurait peut-être mérité d'être plus largement appliquée à d'autres aspects étudiés.
Voilà donc quelques indications destinées à inciter tout lecteur intéressé à ouvrir l'ouvrage de Frédéric Barbier qui ne s'est épargné aucune recherche de détail pour représenter l'espace du livre allemand entre 1814 et 1914. Nous finirons en exprimant le souhait de voir l'auteur mettre durablement à profit ses connaissances impressionnantes sur l'histoire du livre allemand pour ouvrir de nouvelles et fructueuses voies à la recherche scientifique dans ce domaine.