Livres parcours
manuscrits et merveilles de la bibliothèque de Valenciennes
À l'occasion de l'ouverture de ses nouveaux locaux, en décembre 1994, la bibliothèque municipale de Valenciennes exposait un choix de pièces remarquables, fleurons de ses fonds précieux. Le catalogue de la manifestation, rédigé par une douzaine de collaborateurs sous la direction de Marie-Pierre Dion, inaugure avec éclat une collection prometteuse, consacrée, précisement, aux « trésors », anciens et modernes, de l'établissement. Ces derniers sont abrités désormais dans un bâtiment dont l'architecture et l'équipement multimédia font, d'ores et déjà, « entrer dans le XXIe siècle » une villes riche d'un passé culturel et économique brillant, qu'évoque Henri-Jean Martin en une suggestive préface. Comme les Archives et le musée de la ville, la bibliothèque, « promue au rang de médiathèque, constitue un lien entre le présent et les traditions d'une vieille et prestigieuse culture ».
Marie-Pierre Dion brosse pour sa part l'historique de l'institution. L'origine lointaine doit en être recherchée dans l'ouverture, en 1591, d'un collège de la Compagnie de Jésus, pourvu sept années plus tard d'une première bibliothèque. S'il fut question de son ouverture au public dès avant la Révolution, les troubles consécutifs à la fin de l'Ancien Régime retardèrent la mise en oeuvre du projet jusqu'en 1801.
« L'histoire de la bibliothèque, dissociée du collège, se calque sur celle des bibliothèques françaises : lente absorption des confiscations révolutionnaires confiées à la garde de la ville, dons de l'État, legs d'érudits et notables locaux, vente de doubles... ». Précisons que la bibliothèque des Jésuites est aujourd'hui « restaurée dans son état initial ». André Masson, auteur d'une belle étude sur le décor des bibliothèques voyait dans cette salle « l'exemple le plus complet de décoration peinte au XVIIIe siècle ». Il s'agit, de plus, de « l'un des rares dépôts de livres en France à n'avoir subi, depuis sa construction, en 1742, aucun changement ni dans son affectation ni dans son installation ».
Magie de l'écrit
La présentation des « trésors » valenciennois s'ouvre sous le signe de la « Magie de l'écrit », célébrant la beauté des onciales et les ors de l'enluminure. Henri Platelle retrace à grands traits « une histoire millénaire », celle de l'abbaye de Saint-Amand, née avant 639, « un centre culturel qui a brillé au IXe et au Xe siècle d'un vif éclat », en particulier grâce à son scriptorium et à sa bibliothèque. Cette dernière était, comme le rappelle Françoise Simeray, l'une « des plus riches du Nord de la France », avec quelque quatre cents manuscrits, dont la moitié subsistent de nos jours. Parmi les quatorze manuscrits amandinois sélectionnés, relevons la Bible de Sawalon (XIIe siècle), pièce prestigieuse entre toutes de la collection monastique, et, bien entendu, la célèbre Cantilène de Sainte-Eulalie (IXe siècle), « premier poème connu et conservé en langue française ».
Si l'écrit paraît parfois « magique », l'illustration est indissociable de la « magnificence du livre » manuscrit et imprimé. « Les plus beaux livres sont souvent des livres illustrés et les bibliothèques sont ainsi d'extraordinaires musées ». On s'en convaincra aisément à la lecture de la seconde section du catalogue, qui réunit une vingtaine d'ouvrages, du XVe au XXe siècle, ornés de peintures, gravures sur bois ou sur cuivre... Les textes, quant à eux, s'imposent par leur « force » que souligne une troisième partie portant, entre autres, sur l'humanisme, l'astronomie, l'anatomie, la botanique, les traités techniques ou encore la cartographie.
L'universel et le particulier
Encyclopédique et en droit universelle, la bibliothèque renferme aussi la « mémoire de la ville », particulièrement à Valenciennes où les archives municipales se trouvent déposées. Le fonds local abonde en pièces remarquables : sceaux, chartes, manuscrits, dessins, photographies, imprimés... Sous le titre de « Passionsde lecteurs » sont ensuite présentés le premier catalogue de la bibliothèque de Saint-Amand (XIIe siècle), des exemples d'ex-libris médiévaux, de reliures, de livres modernes annotés ou dédicacés. Relevons, inattendu, un « livre nain » (75 mm de haut) relié en peau de souris ! Cet ouvrage minuscule eût pu prendre place dans la dernière partie du catalogue, vouée aux « charmes de l'inclassable ». Section finale où cohabitent les « rescapés des fragiles cabinets de curiosités d'antan, confisqués ou légués avec les livres », qui forment un surprenant inventaire à la Prévert. Une bibliographie et un glossaire, particulièrement bien venus, complètent l'ouvrage, largement illustré en couleur et mis en page avec goût.