Les bibliothèques publiques dans les communes de moins de 10 000 habitants en Charente-Maritime
Dominique Dupuis
L'Association départementale pour la lecture (ADL-Bibliobus), association des amis de la bibliothèque départementale de prêt (BDP), a commandité cette étude afin « d'établir un constat actualisé sur la lecture publique en Charente-Maritime, de connaître les exigences d'une bibliothèque et de proposer des pistes pour assurer une bonne complémentarité entre le service départemental et l'action en profondeur des petites bibliothèques ».
L'auteur, Dominique Dupuis, est un géographe spécialisé en aménagement du territoire, ce qui induit l'orientation générale de l'ouvrage qui positionne les bibliothèques comme outil de développement local.
L'étude est basée sur une enquête auprès des bibliothèques, et complétée par des interviews d'élus et d'animateurs de bibliothèques ; elle comprend de nombreux éléments statistiques permettant de dresser un état des lieux, d'effectuer une analyse du partenariat local en matière de lecture, et d'établir un ensemble de propositions visant à poser les jalons du développement futur des bibliothèques en zone rurale.
Un réseau en devenir
L'étude développe une typologie relativement classique du réseau : 12 bibliothèques municipales et 94 bibliothèques-relais, toutes deux services publics municipaux de lecture, s'opposent à 255 dépôts tous publics et à 101 points de lecture (prêt direct et publics spécifiques) ; c'est avant tout un réseau de desserte documentaire qui est décrit, mais qu'on ne s'y trompe pas : la BDP, qui est au coeur du réseau départemental, développe une politique de création d'équipements municipaux (bibliothèques municipales), ce secteur étant appelé à devenir un axe essentiel de la politique départementale.
« Un peu en marge du Service de lecture publique », on trouve le réseau Culture et bibliothèques pour tous (CBPT), exclu du cadre de subventionnement propre aux bibliothèques publiques, et de ce fait en perte de vitesse.
Signalons ici la situation particulière de la Charente-Maritime, où la politique de lecture publique est aussi tributaire d'une forte présence associative, principalement l'ADL-Bibliobus et la Fédération départementale des foyers ruraux. Aussi bien le poids du passé que la décentralisation et les caractères actuels du développement de la lecture en Charente-Maritime conduisent à analyser le rôle de la BDP-tête de réseau et le partenariat afférent. Cette analyse, très présente dans l'étude, conduit à s'interroger sur le partenariat idéal en matière de politique départementale de la lecture.
Quel partenariat ?
L'étude de Dominique Dupuis met en lumière la complexité du partenariat en matière de lecture publique, ainsi que les paradoxes propres d'une part à l'exercice, par le Conseil général, des compétences transférées au titre de la décentralisation, d'autre part à l'existant associatif : on précisera ici que la création de l'ADL-Bibliobus a précédé de 15 ans la mise en place de la BDP et qu'à l'action des deux précédentes s'ajoute celle des Foyers ruraux et de Culture et bibliothèques pour tous.
Implicitement, l'étude effleure ce qui sera probablement un enjeu majeur de la politique départementale de lecture. Comment concilier en effet :
- la logique structurelle et institutionnelle, qui veut un réseau départemental maîtrisé par la BDP, service du Conseil général, notamment pour les relations avec les collectivités locales ;
- la logique historique, qui se prévaut à la fois du rôle joué par l'ADL-Bibliobus dans le passé, et d'une volonté affirmée de pérenniser ce rôle.
L'ouvrage est par conséquent intéressant pour le problème de fond qu'il pose implicitement
Dans un cadre fortement induit par les effets de la décentralisation, où une BDP a vocation naturelle à exercer ses missions de service départemental, quel doit être le rôle des structures associatives ?
La bibliothèque, outil de développement local
A travers quelques exemples de réalisations exemplaires, l'ouvrage tente de définir ce que doit être une bibliothèque en milieu rural : lieu de rencontre et d'animation culturelle, lieu d'information et de documentation, facteur de dynamisation de l'espace rural, la bibliothèque doit aussi élargir ses services pour gagner de nouveaux publics, et amorcer ainsi sa transformation en service de proximité.
Ces considérations ressortent clairement des interviews d'élus, principalement dans les communes déjà dotées d'équipements-bibliothèques ; elles sous-tendent par ailleurs un ensemble de propositions émanant de l'ADL-Bibliobus, notamment la mise en place d'un plan de formation, la diversification de l'offre documentaire, la création de nouveaux équipements, la sensibilisation des élus, l'initiation de démarches intercommunales.
En conclusion, l'étude réalisée par ADL-Bibliobus se révèle intéressante à plus d'un titre : enquêtes et interviews livrent des éléments d'évaluation très utiles - éléments quantitatifs et statistiquement exploitables, éléments qualitatifs sur la conception d'une bibliothèque par les élus ; éléments prospectifs intéressants, car recouvrant l'essentiel des activités et missions d'une BDP, éléments vus dans une perspective d'aménagement du territoire : on notera en particulier la mise en place de micro-réseaux autour d'acquisitions partagées et d'animations communes, ainsi que l'impulsion d'une coopération intercommunale.
Implicitement, l'étude pose le problème du partenariat local en matière de lecture publique, et des responsabilités afférentes. A cet égard, le rôle de tête de réseau que la BDP a vocation naturelle à exercer en tant que service départemental apparaît renforcé par le partenariat d'appoint de l'ADL-Bibliobus. Précisons enfin que l'ouvrage comporte des annexes permettant d'apprécier les sources documentaires retenues ; les formulaires d'enquête ainsi que la liste des personnes interrogées complètent utilement le dispositif.