Emploi et formation
une démarche pour la Bibliothèque nationale de France
Jean-Louis Pastor
Philippe Biard
La création de la Bibliothèque nationale de France se révèle être un grand projet non seulement par son ampleur architecturale et les chantiers intellectuels qu'elle met en œuvre, mais aussi par le capital humain qui sera nécessaire pour le faire fonctionner. La performance de l'établissement sera en effet fonction du professionnalisme de son personnel. Le développement de ce professionnalisme passera par la définition des métiers et compétences indispensables à la satisfaction des publics du futur établissement. L'enjeu de la formation se situe dans l'acquisition de ces compétences. Un plan de formation cohérent s'avère nécessaire si l'on ne souhaite pas que ce projet disperse les énergies. C'est pourquoi le chantier de la formation doit être une préoccupation du comité de direction au même titre que le chantier de l'informatisation.
The creation of the Bibliothèque nationale de France is a great plan by its architectural scale and the intellectual thinking sites it brings into play, and also by the human capital necessary to make it work. The result of the institution will be a function of the professionalism of its staff. The development of this professionalism will go through the definition of the professions and competencies necessary for the satisfaction of the publics of the future institution. The training at stake is in the acquisition of competencies. A coherent training program is necessary for this project not to spread out the energies. That is why thinking about training must be a preoccupation of the direction committee as well as thinking about computerization.
Die Gründung der Bibliothèque nationale de France gilt als großes Vorhaben durch deren architektonische Wichtigkeit und intellektuelle Auseinandersetzungen sowie durch das menschliche, zu deren Gang nötige Kapital. Die Leistungsfähigkeit dieser Anstalt entspricht gerade dem Fassungsvermögen ihrer Beamten, das sich dank einer Bestimmung von Berufen und zur Befriedigung des künftigen Publikums nötigen Kompetenzen entwickeln soll. Der Zweck der Ausbildung besteht darin, diese Kompetenzen zu gewinnen. Es muß ein zusammenhängendes Bildungsplan eingesetzt werden, wenn man vermeiden will, daß das Vorhaben die Kräfte zersplittert. So wird die Frage der Ausbildung von dem Leitungsstab mit selber Achtung betrachtet wie die Frage der Automatisierung.
Toute politique de formation doit se fonder sur l’analyse et la prospective des compétences à mettre en œuvre. C’est pourquoi j’ai proposé, alors que j’étais responsable des ressources humaines à la Bibliothèque nationale de France, une démarche afin de définir une politique de formation pour le futur établissement *.
C’est cette démarche que je souhaite décrire ici dans la mesure où, au-delà de la BNF, elle peut servir de piste de réflexion pour toute politique de formation d’un établissement. Il convient au préalable de rappeler certaines évidences :
– toute démarche doit avoir pour objectif la satisfaction des usagers et c’est cette satisfaction qui servira de mesure à la performance de l’établissement ;
– la performance de l’établissement sera fonction des moyens techniques mis en œuvre, mais surtout du professionnalisme du personnel ;
– en conséquence, une bonne part (5 à 15 %) du coût de l’investissement doit être consacrée aux ressources humaines, afin de satisfaire les besoins en matière d’organisation, formation, mobilité, voire reconversion.
L’établissement doit s’organiser de manière à répondre dans le cadre de ses missions aux besoins et désirs des lecteurs qu’il s’agit de connaître et d’anticiper afin que le personnel puisse y répondre. Cela passe par une professionnalisation croissante des agents.
C’est au cœur de cette stratégie que se situe l’enjeu de la formation qui doit répondre au développement croissant des compétences.
La question se pose alors de savoir qui doit assurer la formation ? Quel est le rôle du service de formation continue ? Quel est celui de l’encadrement et de la direction de l’établissement ? Quelles activités doit-on privilégier, quelles autres sous-traiter ? Enfin, quel est le lien avec les autres volets d’une politique des ressources humaines ? En effet, la compétence ne va pas sans reconnaissance, mais alors, quelle incidence sur la notation, l’avancement, voire la rémunération (indemnités) ?
L’enjeu de la formation
Le développement du professionnalisme est donc le premier enjeu auquel doit répondre une politique de formation, même si celle-ci doit répondre à d’autres finalités (préparer des potentiels, requalifier...). Ce n’est qu’après avoir défini cet objectif que pourra être abordée la démarche pour y répondre.
Le développement du professionnalisme passe par l’acquisition (ou le perfectionnement) d’un métier. Or, lorsqu’on parle « métier » dans les bibliothèques, on peut s’entendre répondre qu’il n’y en a qu’un, celui de bibliothécaire. Même si l’interlocuteur reconnaît des niveaux différents de compétences, il se rebellera face à une segmentation de sa profession. Or, cette professionnalisation, cette segmentation existent déjà, ne pas le reconnaître joue à l’encontre des agents eux-mêmes. La démarche entreprise par l’enseignement supérieur est intéressante en cela qu’elle amène à reconnaître qu’il existe, à partir d’une compétence générale de bibliothécaire, différents métiers faisant intervenir des compétences distinctes. Plusieurs de ces métiers peuvent être exercés par la même personne au cours de sa carrière, à l’intérieur de son statut. Ces métiers n’étant pas figés, la formation, et notamment la formation continue, peuvent alors jouer un rôle dans l’évolution de la bibliothèque et de la profession.
Une fois clarifiées les notions liées à la profession et défini le rôle de la formation, il conviendra d’analyser dans quels domaines et métiers l’établissement doit concentrer son effort.
Professionnalisation, métiers et compétences
La reconnaissance d’une nécessaire professionnalisation des personnels entraîne la définition de métiers qui mettent en jeu des compétences pour lesquelles il est nécessaire de formaliser une politique de formation. Celle-ci ne doit pas être la somme des demandes individuelles, mais une réelle stratégie d’offre de formations utiles à l’institution à court et moyen terme, en prenant en compte les compétences requises.
La professionnalisation
Les bibliothèques de l’État font majoritairement appel à des agents recrutés par concours. Une pyramide statutaire a été élaborée, répartissant le personnel en différents corps régis par un statut. Le titulaire d’un de ces corps peut servir dans l’ensemble des postes ouverts aux membres de ce corps. Cela signifie qu’il lui est reconnu le niveau de connaissances et de compétences générales pour occuper ces postes, cela ne veut pas dire qu’il sera efficient sur l’ensemble des postes ouverts.
Que constate-t-on en fait ? Que, de plus en plus, les vacances de postes sont accompagnées de profils d’emplois qui définissent des compétences particulières à mettre en œuvre. A contrario, il est courant d’entendre que certains agents ne souhaitent pas occuper certains postes pour lesquels ils ne se reconnaissent aucun savoir-faire particulier.
L’ennui est que la définition des postes n’est pas connue à l’avance et qu’un agent désireux d’occuper d’autres fonctions ne peut s’y préparer.
La professionnalisation est donc déjà un fait qui existe et qui joue contre la mobilité des agents. Ceux-ci investissent beaucoup dans une auto-formation « sur le tas » et sont de moins en moins désireux de quitter leur poste pour un autre dont ils ignorent les arcanes. L’administration par ailleurs se montre rétive à laisser partir un agent performant alors qu’elle ne sait pas si elle trouvera une autre personne aussi compétente pour ce type de poste.
Or, ces postes, bien que différents, représentent des fonctions qu’il est possible de regrouper en métiers. Le métier étant défini comme un champ d’activités et de compétences commun à plusieurs postes, indépendamment des structures et sans référence à un statut et dans lequel l’interchangeabilité des agents est rapide.
C’est bien ce qui se passe déjà dans les bibliothèques, où l’on distingue les acquéreurs des catalogueurs, des gestionnaires de collections, etc. Mais, puisque c’est déjà le cas, autant expliciter ce qui se pratique et s’appuyer sur ces définitions de métiers pour formaliser une politique des ressources humaines.
L’enquête organisée par le ministère chargé de l’Enseignement supérieur est éclairante à ce sujet, dans la mesure où elle a mis en lumière des métiers qui se pratiquent dans les bibliothèques, mais qui n’avaient jamais été analysés et définis comme tels.
Il est nécessaire à ce niveau de revenir sur les notions de métiers et compétences.
Les métiers
Différencier des métiers dans les bibliothèques, c’est procéder à l’analyse des différentes activités de la bibliothèque. Au-delà des spécialités qui peuvent surgir dans de grandes bibliothèques comme la Bibliothèque nationale de France (acquéreur en sciences de la vie, par exemple), on peut regrouper les activités par domaines ou métiers. L’agent exerçant un de ces métiers met en œuvre, dans un domaine particulier, des savoir-faire particuliers ou compétences. Il ne peut exercer un autre métier sans acquérir ou réacquérir de nouveaux savoir-faire.
Le métier peut être défini comme la mise en œuvre de compétences évaluables dans une situation de travail, qui peut être elle-même éducative.
La bibliothèque comprend donc des professionnels des bibliothèques, qui exercent des fonctions particulières (et donc un métier particulier) et qui parfois sont spécialisés dans un domaine où ils ont acquis une expertise.
Le tableau suivant permet de donner un exemple :
Dans l’organisation de la bibliothèque, il convient de ne pas s’arrêter dans un premier temps à la répartition des activités par statuts, mais plutôt par métiers qui structurent l’activité de la bibliothèque. La définition des postes, la mobilité, l’affectation des agents et la politique de formation à mettre en œuvre en seront facilitées, même si un retour par le statut s’avérera dans un deuxième temps nécessaire, ne serait-ce que pour formaliser les demandes de postes budgétaires et envisager les recrutements.
Ce qui est en jeu, c’est l’activité de la bibliothèque, et non pas l’activité en fonction des statuts. Le statut doit s’adapter à la compétence requise et non l’inverse. C’est ainsi que l’enquête entreprise par le ministère chargé de l’Enseignement supérieur n’a pas pris en compte statuts et organigrammes, pour se focaliser sur l’activité réelle des agents (cf. tableau Analyse du métier), afin de recenser et décrire les différents métiers existant en bibliothèques.
Les compétences
Les métiers se définissent par les compétences qu’ils développent dans l’exercice des activités. On ne peut passer d’un métier à un autre sans acquérir ou réacquérir de nouvelles compétences. Ces compétences sont un degré de maîtrise dans l’exercice d’une activité. Elles se déduisent des activités réalisées, et peuvent être hiérarchisées. Une même compétence peut être transversale à plusieurs métiers. Par exemple, la maîtrise orale d’une langue peut être la même pour une secrétaire, le bibliothécaire adjoint orientant le public ou le conservateur répondant au téléphone à un partenaire étranger de temps à autre.
On peut définir la compétence comme la maîtrise de savoir-faire opérationnels mobilisant des connaissances et des comportements évaluables dans une situation de travail. Ces savoir-faire sont toujours sujets à apprentissage.
C’est la reconnaissance de l’efficacité qui permet d’évaluer la compétence. En 1997, c’est la satisfaction des lecteurs de la BNF qui permettra de reconnaître la performance de l’établissement. Il conviendra d’ici-là de s’assurer que chaque agent a acquis ou développé les savoir-faire les mieux adaptés aux requis du métier qu’il aura à exercer (cf. tableau Exposé des compétences).
C’est par la connaissance des métiers et des compétences que l’on peut optimiser l’offre de formation et déboucher sur une professionnalisation accrue du personnel et donc de l’établissement. On peut ainsi individualiser des parcours de formation à partir d’évaluations individuelles et des requis des métiers. Ainsi, la formation peut également faciliter la mobilité et favoriser les évolutions de carrière. Mais encore faut-il préciser ce qu’on entend par formation et plus précisément par formation continue à l’intérieur d’un grand établissement comme la BNF.
La formation au sein d’un grand établissement
La formation au sein d’un établissement doit satisfaire un double but, développer les potentiels de compétences des personnels pour répondre aux missions actuelles de l’établissement et répondre aux évolutions des activités de ce même établissement ou les anticiper. Les moyens n’étant pas infinis, l’établissement doit faire des choix d’investissements.
Formation et formation continue
La formation même au sein de grands établissements comme la BNF ne peut se concevoir de manière autarcique, dans la mesure où, d’une part, l’établissement fait partie d’un réseau, celui des bibliothèques de l’État et où, d’autre part, en tant qu’établissement public administratif, il est appelé à recevoir des agents de l’État recrutés par le ou les ministères de tutelle.
Le personnel qui est affecté dans les bibliothèques et donc à la Bibliothèque nationale de France a été recruté sur concours et a pu, au moins pour les catégories A, recevoir une formation professionnelle générale aux métiers des bibliothèques (Ecole nationale des sciences de l’information et des bibliothèques ou Institut de formation des bibliothécaires), ou une formation à un ou plusieurs métiers des bibliothèques dans d’autres établissements. L’établissement n’a donc pas à se préoccuper de donner une formation professionnelle initiale à l’ensemble de ses personnels.
De même, il n’a pas à réfléchir aux formations très spécialisées en langues rares par exemple. Cela ne veut pas dire qu’il n’a pas à prendre en charge certains frais d’inscription à l’université ou à telle ou telle école, mais cela signifie que le service de formation de l’établissement n’a pas à organiser de formations en vue de répondre aux spécialisations, par définition trop nombreuses ou trop pointues.
Enfin, le service de formation de l’établissement n’a pas non plus à prendre en charge directement l’adaptation immédiate au poste de travail, qui relève davantage du tutorat mené à bien par chaque service auprès de qui un agent est affecté.
Le tableau ci-dessous (Liens avec les organismes de formation) peut permettre de situer la place où le service de formation d’un établissement tel que la BNF peut intervenir.
La formation continue au sein d’un établissement et plus particulièrement au sein de la BNF doit donc organiser et coordonner l’ensemble des formations qui permettent une meilleure maîtrise des compétences nécessaires à l’exercice des métiers à court et moyen terme, à aider aux parcours professionnels individuels, à répondre au projet d’établissement dans sa déclinaison en objectifs de formation (cf. tableau).
La politique de formation de l’établissement peut donc servir de levier à la politique des ressources humaines, d’une part parce qu’elle est au cœur du processus de qualification et métiers, d’autre part parce qu’elle est l’outil qui permet de répondre à ces évolutions et aux nécessités de mobilité des agents dans ou à l’extérieur de l’institution.
Mais, comme toute politique, elle doit faire des choix d’investissement afin de ne pas disperser ses moyens.
Les choix d’une politique de formation liée aux métiers
La formation organisée par l’établissement doit répondre aux besoins immédiats et aux évolutions professionnelles de l’établissement. Elle doit se concentrer sur les métiers propres et au contraire acheter ou sous-traiter la formation aux compétences dites « transverses » comme celles de l’administration (cf. tableau page suivante).
L’investissement intellectuel que doit fournir l’établissement pour organiser sa formation doit se situer sur ses métiers et spécificités propres. Cela ne signifie pas qu’il réalisera toutes les formations, mais qu’il concevra la formation la mieux adaptée à ses métiers de base. Par exemple, à la BNF, dans le cadre du développement de l’accueil, l’établissement pourra passer commande auprès d’un organisme de formation spécialisé dans la communication avec différents publics, mais cette commande s’intégrera dans un stage plus large adapté à l’accueil des lecteurs de la BNF.
La sous-traitance avec des écoles ou instituts de formation aux métiers des bibliothèques (ENSSIB, IFB, centres régionaux de formation, IUT métiers du livre...) peut se révéler nécessaire dans le cas où l’établissement ne peut libérer suffisamment de formateurs pour assurer ces formations. Mais celles-ci devront être assurées dans le cadre d’un cahier des charges élaboré en fonction des besoins précis de l’établissement. Chaque établissement, et a fortiori la BNF, est trop particulier et unique dans son projet pour pouvoir sous-traiter la formation à ses métiers de base sans réflexion ; cette réflexion devrait être élaborée à partir des besoins exprimés dans les services.
En revanche, l’établissement, comme il le fait déjà, peut sous-traiter auprès du ministère de la Culture les formations du personnel administratif, formations qui ne sont pas particulières à l’établissement, ou acheter des formations types par exemple aux marchés publics. Encore faudra-t-il s’assurer qu’elles s’inscrivent au bon moment dans le parcours individuel de l’agent qui suivra ces formations et qu’elles répondent aux besoins du service d’affectation de l’agent. Mais l’établissement n’aura pas à concevoir ou participer à l’encadrement de ces stages.
Cependant, il devra veiller à l’unité de l’établissement par au moins deux moyens :
– d’une part, les agents relevant des métiers transverses devront recevoir une formation générale leur permettant de connaître les bibliothèques et les professionnels des bibliothèques. Tout agent travaillant en bibliothèque et notamment à la Bibliothèque nationale de France, doit savoir ce qu’est une bibliothèque, et connaître le travail qui s’y accomplit et ses lecteurs ;
– d’autre part, par le biais de stages d’accueil, en veillant à transmettre à l’ensemble du personnel le projet de l’établissement afin d’en comprendre l’unité des activités.
La politique de formation, si elle est un élément clé de la politique de ressources humaines, engage l’ensemble de l’établissement et notamment tout l’encadrement. Elle ne peut être réellement menée qu’à partir d’une analyse des compétences requises qui débouche sur un référentiel des métiers particuliers à l’établissement. Ce n’est qu’à partir de cette analyse qu’on pourra dégager les priorités de formation en fonction des métiers et compétences les plus critiques ou nécessaires pour assurer le fonctionnement présent et à venir de l’établissement.
La démarche et la mise en œuvre
La formation n’est qu’un outil au service d’un projet. Mais c’est un outil essentiel qui doit faire l’objet d’une stratégie pour empêcher qu’elle n’éclate en une série de techniques ou de tactiques au service de projets partiels dispersant les meilleures volontés. A la Bibliothèque nationale de France, le danger est d’autant plus fort que l’établissement est structuré en grandes directions et comprend un nombre important d’agents. Par ailleurs, la formation professionnelle n’a jamais été l’apanage d’un seul service coordonnateur. Il faut donc redonner une cohérence à l’action à entreprendre avant d’en arriver à la mise en œuvre.
La démarche
Une analyse des contraintes et points d’appui doit précéder le plan d’action à élaborer.
Le contexte
Dans tout établissement, il y a des contraintes mais aussi des points d’appui.
Les contraintes résultent principalement d’une part de la dispersion des structures de formation, d’autre part de la diversité apparente des besoins à traiter.
S’il existe un service de formation, celui-ci est souvent chargé des formations générales de connaissance mais rarement de savoir-faire. Au mieux, il sert de relais à l’inscription à des stages, mais il ne coordonne pas l’ensemble des formations. Le plan élaboré chaque année tient compte des desiderata des services, mais il n’élabore pas une stratégie d’ensemble, dans la mesure où il n’en a pas la légitimité.
Mais, de manière générale, les prestations de savoir-faire échappent au service de formation et sont parfois confiées à un service ad hoc, comme c’est le cas, à la BNF, pour le service de coordination bibliographique qui a ses propres programmes et calendrier.
L’informatisation peut également, compte tenu de son importance, venir masquer des besoins fondamentaux, en imposant ses propres contraintes d’adaptation et son calendrier de formation.
Les charges qui pèsent sur chaque service peuvent faire apparaître comme illusoire le fait de distraire des agents pour suivre ou encadrer une formation.
Par ailleurs, l’importance des directions qui ont tendance à mettre en avant leurs spécificités, la multiplication des besoins individuels à prendre en compte peuvent donc laisser à penser que la cohérence de la politique de formation est trop difficile, voire impossible à réaliser.
Or, il y a des points d’appui. Des formations même désordonnées existent. Le service des formations a développé, avec certains services (service photographique, ateliers de restauration, magasiniers du département des estampes), des stratégies globales de formation selon un cahier des charges élaboré à partir d’objectifs à atteindre, compte tenu des demandes des lecteurs ou de la qualité des travaux à réaliser. Par ailleurs, les compétences des agents sont réelles (la réalisation des différents chantiers l’a montré) et pourraient être utilisées pour former de nouveaux agents.
Enfin, on peut trouver des référentiels, même partiels. A la BNF, le chantier processus a analysé les postes de travail selon les besoins liés à l’informatisation. La Mission centrale de coordination et de préfiguration a pu ainsi élaborer un référentiel qui, bien qu’incomplet, a le mérite d’exister.
Il convient donc de tenir compte de ces contraintes qui cachent souvent une infinité de possibilités qu’il s’agit de coordonner.
Un plan d’action à élaborer
Ce plan d’action ne peut être élaboré qu’au plus haut niveau hiérarchique. Il doit fixer des objectifs, désigner le maître d’œuvre, arrêter un calendrier, analyser l’ingénierie, définir la logistique, prévoir l’évaluation.
Le rôle de la direction est primordial dans ce domaine. Si le chantier formation qui peut/doit être inclus dans un chantier ressources humaines est important, il faut qu’un comité de pilotage réunissant les principaux directeurs donne l’impulsion à sa réalisation en tenant compte du projet d’établissement.
Seul un comité de direction peut désigner et donner sa légitimité au service chargé de le mettre en œuvre (une direction scientifique, lorsqu’elle existe, peut être autant sinon mieux à même de réaliser ce programme que la direction des ressources humaines), ou répartir les charges en fonction des objectifs fixés.
Seul un comité de direction peut donner son aval aux formations prioritaires à développer, leur donner cohérence, compte tenu des objectifs globaux de l’établissement et des moyens qu’il possède.
Il doit fixer les objectifs à atteindre en fonction des différents chantiers en cours, arrêter les délais et faciliter la coordination avec les autres acteurs de la fonction personnel.
Il lui revient de donner son aval aux méthodes et outils qui seront choisis, élaborés ou commandés pour réaliser ces formations et d’accorder les moyens en crédits, salles et personnels.
Il lui appartient enfin d’évaluer le travail accompli en fonction des objectifs fixés.
Le plan d’action élaboré par le service chargé de coordonner la formation devra proposer un programme en fonction des actions prioritaires choisies. Ces actions devront se décliner soit par métiers, soit par services, et s’énoncer en objectif de développement (par rapport aux activités à réaliser) et en objectif de formation (« être capable de... »).
Chaque action devra comprendre un calendrier, des outils, des méthodes.
Le calendrier devra tenir compte de tous les impératifs : calendrier de recrutement, possibilités des agents à former, coordination des différentes formations (informatique, bibliographique...), salles, formateurs (et formations des formateurs), dates d’affectation dans les services.
L’élaboration des outils devra être prévue par le plan de formation, ils devront être adaptables à différentes formations afin d’en diminuer le coût. Un des avantages que l’on doit retirer d’une coordination unique par un seul service de formation est une diminution des coûts. Les films, les didacticiels, les cours reprographiés devront pouvoir être utiles à plusieurs cycles de formation.
Le comité de pilotage (ou de direction) devra pouvoir donner des indications sur la méthode à développer pour chaque type de formation. La formation devra-t-elle être réalisée en interne ou en externe, quel service sera leader, doit-on faire appel à des formateurs internes ou externes pour encadrer des modules de formation ?
L’évaluation devra être prévue dès l’élaboration du plan d’action, dans la mesure où chaque module se décline sous la forme « être capable de... ». Le comité de pilotage devrait recevoir le compte rendu des enquêtes menées après chaque formation. L’évaluation devra être menée par le service de formation en liaison avec les services d’affectation. Elle devrait permettre de savoir si les formations ont répondu aux objectifs, si les agents ont pu mettre en œuvre les compétences acquises, si l’organisation du travail s’en est ressentie.
La mise en œuvre d’un tel programme peut apparaître lourde, d’autant que celui-ci ne doit pas négliger les demandes individuelles, les formations de promotion et les actions normales d’accompagnement à la vie d’un établissement (accueil, visites, conférences...) ; c’est pourquoi elle doit être légitimée au plus haut niveau.
La mise en œuvre
Ce n’est pas le lieu ici de définir un calendrier de formation pour la BNF qui tienne compte de la date d’ouverture, c’est évident. En revanche, il me paraît utile de rappeler que, si l’horizon 1997 est borné par la nécessité d’acquérir la compétence, il conviendrait pour l’avenir de se pencher sur sa reconnaissance.
L’adaptation à l’horizon 1997
La charge de formation, cumulée avec la réalisation des chantiers et le maintien de l’activité normale de la BNF, rend illusoire la tentation de répondre à l’ensemble des besoins.
Il convient donc, une fois que sera désigné le service qui sera chargé de coordonner et mettre en œuvre la formation et qui sera donc le garant de la cohérence des actions, de définir la dizaine de métiers stratégiques et prioritaires indispensables à la satisfaction du public à l’ouverture et au fonctionnement de la Bibliothèque nationale de France.
Ces métiers peuvent être les métiers de base, mais faisant apparaître des compétences et exigences nouvelles. Ils peuvent être en émergence et il peut être nécessaire de les développer, ou ils peuvent être nouveaux.
Il sera donc indispensable de définir très vite les compétences à acquérir et de déterminer qui détient à l’heure actuelle ces compétences et si ceux qui les détiennent peuvent transmettre leurs savoirs et savoir-faire.
On peut découvrir ainsi que certains services sont fragilisés par le fait que peu de personnes sont efficientes pour des activités qui évoluent rapidement.
Les actions de formation seront conçues sur la base de cahiers des charges élaborés avec les directions ou services concernés et les représentants des personnels qui auront à mettre en œuvre les compétences à acquérir. C’est pourquoi j’avais lancé l’idée de désigner non seulement des correspondants de formation du service chargé de la formation, mais des correspondants pédagogiques par secteurs d’activité ou métiers.
A côté de ces actions prioritaires et dans la mesure où la BNF est dans une phase de changement, il apparaît nécessaire, et notamment vis-à-vis des personnels d’encadrement, de développer parallèlement des formations au management et des formations à l’organisation du changement, ainsi que des actions d’information et de sensibilisation à la nouvelle structure pour l’ensemble des agents.
Bien sûr, des actions plus classiques d’acquisition des connaissances, des formations post-recrutement devront être maintenues, mais, si des priorités ne sont pas rapidement et clairement dégagées, les énergies se disperseront, voire s’enliseront dans une série d’actions sans stratégie cohérente. La BNF sera alors la réunion de stratégies partielles et centrifuges au lieu d’être la convergence des efforts déployés autour d’un projet. Mais si la BNF est un projet en constant devenir, il faut également qu’il le soit pour l’ensemble de son personnel.
La reconnaissance de la compétence
Le principe de la formation c’est de s’investir sur l’avenir. Toute personne qui se forme a pour but d’acquérir de meilleures connaissances, une plus grande compétence.
Ces connaissances, ces compétences sont investies dans les actions quotidiennes au service de l’établissement ; il est alors normal que celui-ci reconnaisse la compétence.
Il faut donc que les actions de formation s’inscrivent dans une politique de ressources humaines qui permette de reconnaître l’acquisition de la compétence et surtout sa mise en œuvre.
Une des conséquences de la constitution d’un référentiel des métiers, immédiatement utilisable, c’est qu’il permet de disposer d’un outil opérationnel de la mesure de la compétence acquise ou de sa reconnaissance ; mais il nécessite de faire évoluer en parallèle l’organisation et l’accroissement des compétences. Son intégration dans une politique d’évaluation avec toutes ses conséquences en terme de notation, promotion, voire rémunération (avec tous les encadrements possibles pour éviter toute dérive) doit être envisagée. Cela ne pourra que faciliter la réalisation non seulement du plan de formation mais du projet de l’établissement.
Si la réalisation des chantiers préparatoires à la réalisation du projet Bibliothèque nationale de France a mis en lumière la compétence des personnels de l’établissement, celle-ci ne sera pas forcément celle qui sera nécessaire au moment de l’ouverture. Il s’avère donc indispensable de définir les compétences nécessaires à mettre en œuvre pour satisfaire les lecteurs. A cet effet, la réalisation d’un référentiel des métiers de la Bibliothèque nationale de France apparaît comme le préalable nécessaire. Ce référentiel ne devra pas seulement servir à élaborer un plan de formation, mais devra être l’outil de base pour développer une politique des ressources humaines cohérente avec les orientations et choix de développement de la Bibliothèque nationale de France.
Septembre 1995