Appréciation des nouveaux conservateurs sur leur affectation

Jean-Michel Salaün

Une commission, présidée par Pierre Botineau, a récemment été chargée d’évaluer le diplôme de conservateur de bibliothèque. Il ne nous appartient pas d’exposer, ni de commenter les résultats de cette commission. Un rapport a été rendu, les conseils de l’ENSSIB ont donné leur avis et un important travail de rénovation pédagogique est en cours dont quelques fruits seront perceptibles dès cette rentrée, mais dont l’essentiel sera mis en œuvre à la rentrée suivante.

Cette commission a été aussi l’occasion de lancer une enquête en direction des anciens élèves des deux premières promotions du DCB (diplôme de conservateurs de bibliothèque), c’est-à-dire des conservateurs stagiaires ayant acquis leur diplôme en 1993 et 1994, et de leur chef de service *. Dans le questionnaire, outre des appréciations sur les enseignements, quelques indications étaient demandées sur les affectations des jeunes diplômés. Ce sont les réponses à ces questions que nous voudrions rapporter ici. Elles nous paraissent assez révélatrices.

Tout d’abord, rappelons quelques éléments connus et confirmés par l’enquête. La moyenne d’âge des nouveaux diplômés se situe entre 30 et 35 ans, avec un fort contingent de moins de 30 ans (39 %) et un éventail très largement ouvert vers le haut. Plus de la moitié considèrent avoir eu, avant leur scolarité à l’ENSSIB, une expérience du métier de bibliothécaire, et 47 % une expérience professionnelle autre (majoritairement dans l’enseignement). Le niveau de diplôme est élevé. Les trois quarts ont bac + 4 et au-delà. Les littéraires et historiens dominent très largement (près des deux tiers de la population). Une forte proportion (62 %) avait reçu préalablement une formation en bibliothéconomie ou sciences de l’information : dans l’ordre, le CAFB (certificat d’aptitude aux fonctions de bibliothécaire), puis l’Ecole des Chartes, puis des formations universitaires (DUT-diplôme universitaire de technologie, DESS-diplôme d’études supérieures spécialisées, DEA-diplôme d’études approfondies).

Les affectations

Plus de la moitié ont été affectés en bibliothèque universitaire (BU) (55 %), 21 % dans un grand établissement (Bibliothèque nationale de France, Bibliothèque publique d’information…), 15 % dans un établissement de lecture publique.

Un des résultats les plus étonnants de l’enquête est le degré de satisfaction des nouveaux conservateurs concernant leur affectation. Il est quasi miraculeux pour la fonction publique. 72 % des personnes ayant répondu considèrent qu’elles ont obtenu le poste souhaité concernant l’établissement, 73 % concernant les responsabilités exercées, 79 % concernant la situation géographique. Le poste correspondait bien (à 70 %) à la présentation qui leur avait été faite. Il n’a pas subi d’évolution importante depuis (63 %).

On peut y mesurer l’efficacité des commissions d’affectation. Mais, sans minimiser leur rôle, on peut aussi y voir, de façon plus réjouissante encore, un fort intérêt manifesté pour le métier lui-même. Cette interprétation est corroborée par le taux important de réponses à l’enquête et par la passion souvent mise dans les réponses aux questions ouvertes…

Des responsabilités importantes

Une des explications de cette satisfaction réside sans doute dans les responsabilités confiées aux nouveaux arrivants. Dans la quasi-totalité des cas, elles sont importantes : responsable d’un service, chef de section, parfois directeur-adjoint ou même directeur, ou encore chargé de dossiers essentiels (informatisation, construction… ), les nouveaux conservateurs sont bien d’emblée des cadres dirigeants qui mènent des équipes parfois conséquentes et prennent des décisions. Il est difficile de rendre compte quantitativement des réponses à une question ouverte. Nous avons reproduit ci-contre les dix premières réponses de chacune des deux promotions, qui paraissent assez représentatives de l’ensemble.

Même si, compte tenu de l’ouverture du diplôme à la fonction territoriale, des besoins croissants de la BNF et de la baisse des recrutements dans les BU, les lieux d’affectation évoluent, il n’y a aucune raison de penser que le niveau de responsabilités aille en s’affaiblissant.

On comprend a contrario que les attentes vis-à-vis de l’enseignement sont à la fois grandes, sans doute quelque peu démesurées, et paradoxales ou décalées. Elles sont d’autant plus grandes que la conscience de se trouver bientôt avec de fortes responsabilités à assumer est motivante, mais elles sont paradoxales dans la mesure où le bagage des conservateurs stagiaires est déjà conséquent.

Septembre 1995

Illustration
Responsabilités confiées aux premiers titulaires du diplôme de conservateur de bibliothèque*

  1. (retour)↑  L’enquête a été menée sous la responsabilité de Jean-Michel SALAÜN et traitée par les services de l’ENSSIB au cours des mois de novembre et décembre 1994. La taille de la population était de 170 personnes, le questionnaire a été envoyé par voie postale, le taux de réponse a été de 59 % (100 réponses).