L'information en ligne
histoire de la science de l'information
Sylvie Fayet-Scribe
Le GIRSIC (Groupe interdisciplinaire de recherche en science de l’information et de la communication) 1 a reçu Michael Buckland 2, professeur en science de l’information à l’Université de Berkeley (Californie) le 12 mai 1995 au CERESI (Centre d’études et de recherches en sciences infométriques) du CNRS.
Réflexion sur les nouvelles techniques
La conférence, organisée en deux parties, reflétait bien la richesse de l’expérience et des recherches de Michael Buckland. Celui-ci proposait une réflexion sur les techniques nouvelles utilisées dans les bibliothèques en les comparant aux anciennes. Pour lui, les bibliothécaires n’ont pas suffisamment fait le bilan de ce qui était positif ou négatif dans les anciens systèmes : la paper library (bibliothèque du papier) n’est pas assez discutée 3. Il décrivait alors les avantages et les inconvénients de chaque support : papier ou électronique. Puis, quittant l’environnement général, il relatait et étudiait son expérience spécifique du catalogue Melvyl de l’Université de Californie (bien connu pour ceux qui pratiquent la recherche bibliographique sur Internet !). Ce catalogue en ligne, important par son nombre de références – treize millions provenant d’une centaine de bibliothèques différentes – lui permettait d’illustrer le problème de la recherche d’informations 4. Michael Buckland affirmait la nécessité de changer nos conceptions afin de remodeler le catalogue du futur 5. Il remettait en question la séparation habituelle entre la bibliographie et le catalogue, discutait le pourquoi des collections dans les bibliothèques et s’interrogeait sur la notion même de document. Les frontières habituelles entre les différents types de documents imprimés lui semblent disparaître et il proposait un nouveau type de documents électroniques 6.
Histoire de la science de l’information
La seconde partie de la conférence adoptait un autre découpage chronologique. Il s’agissait de dresser l’histoire de la science de l’information aux Etats-Unis durant l’entre-deux-guerres et les années 50. Tout d’abord, Michael Buckland s’interrogeait sur l’oubli par les historiens américains des pionniers européens dans ce domaine durant cette période 7. Il évoquait en particulier des personnalités comme Suzanne Briet – qui écrivit Qu’est-ce que la documentation ? – en 1951 ou Emmanuel Goldberg qui découvrit en 1931 le premier support électronique pour le repérage de l’information.
Il s’interrogeait ensuite sur la séparation établie après la Seconde Guerre mondiale entre « science des bibliothèques » et « science de l’information ». Enfin, il se demandait pourquoi des innovations techniques importantes ont eu lieu à la fin du XIXe siècle dans les bibliothèques, puis de nouveau après les années 50, alors qu’entre ces deux dates, la technique ne semblait plus être, aux Etats-Unis dans le milieu des bibliothèques, considérée comme une force vitale.
Bien sûr, Michael Buckland suggère d’intéressantes hypothèses pour expliciter ces trois « énigmes » de l’histoire des bibliothèques, de la documentation et de la science de l’information 8. Le débat qui a suivi a montré l’intérêt des auditeurs pour le développement des services électroniques proposés. L’aspect de la réception culturelle dans chaque pays a été particulièrement évoqué : les besoins et les pratiques d’Internet ne sont pas semblables partout. Les digital libraries ont bien sûr été un objet de curiosité ainsi que les programmes des meilleures écoles actuelles en science de l’information aux Etats-Unis.
Cette conférence aux aspects si riches et variés a permis aux Français de redécouvrir leur patrimoine intellectuel, en même temps que l’avenir leur était conté.