Les architectures client/serveur

Elisabeth Mener

Le 18 mai dernier, l’Association des conservateurs de bibliothèques organisait, dans l’amphithéâtre de l’Institut national d’agronomie, une présentation destinée à éclairer notre profession sur l’intérêt des achitectures informatiques client/serveur pour les systèmes de gestion de bibliothèques. Cette demi-journée d’information avait pu être programmée grâce à la participation de la société Silogia spécialisée dans le conseil en management de systèmes d’information. Elle a réuni une centaine de participants qui se partageaient à peu près également entre bibliothécaires et professionnels de l’informatique (éditeurs et vendeurs de progiciels, responsables de services informatiques d’universités ou de collectivités locales).

L’informatisation des bibliothèques

Introduisant le thème de la réunion, François Larbre (SCD Aix-Marseille III) remarquait combien était récente la découverte de l’existence de ces architectures client/serveur par les bibliothécaires, plus familiers des systèmes maître/esclave utilisés pour la gestion bibliothéconomique depuis les années 80. Il rappelait comment l’informatisation des bibliothèques s’était réalisée en faisant reconnaître par les services informatiques des collectivités locales et les centres de calcul des universités la spécificité des applications bibliothéconomiques qui requéraient des progiciels très spécialisés, des machines et des réseaux dédiés.

Ainsi ont été installés dans les BM des systèmes intégrés traitant les seules fonctions bibliothéconomiques et, dans les BU, moins fortunées, s’est mise en place une informatique éclatée, selon les fonctions, entre des systèmes micro locaux et des réseaux nationaux, chaque fonction étant gérée par une application et une machine différentes. Cet éclatement explique qu’avec le développement de la bureautique, celui de la recherche documentaire informatisée, des CD-Rom et de leur mise en réseau, on puissse trouver dans une même BU cinq à six systèmes informatiques différents et non communicants !

L’informatique étant dans le même temps entrée dans l’ère des systèmes communicants et les bibliothèques étant de plus en plus liées aux collectivités qu’elles desservent, les bibliothécaires ont dû passer d’une approche de l’informatique bibliothéconomique en termes de « système intégré de gestion de bibliothèque » à une nouvelle approche en termes de « système d’information de la bibliothèque ». Ils sont passés d’un premier niveau d’intégration, celui des fonctions bibliothéconomiques, à un deuxième niveau d’intégration, celui de l’ensemble des services d’information accessibles à l’intérieur et à l’extérieur de la bibliothèque.

Les attentes des usagers et des professionnels

Avant de présenter les systèmes conçus selon une architecture client/serveur et d’examiner en quoi ils peuvent avoir un intérêt pour les bibliothèques, Philippe Lévy, de la société Silogia, examinait, à la lueur de son expérience de consultant, les attentes des usagers et des professionnels vis-à-vis des moyens informatiques.

Les besoins exprimés des usagers concernent davantage le confort d’utilisation, la présence d’une interface graphique (windows), la possibilité d’une approche intuitive, la disponibilité de tous les services sur un poste de travail unique, que des exigences particulières en matière de fonctionnalités, pour lesquelles la simplicité d’accès est principalement recherchée. A noter toutefois le désir nouveau d’accéder aux ressources d’autres bibliothèques et l’accent mis sur les possibilités de services à distance.

Des attentes identiques se retrouvent chez les professionnels qui insistent aussi sur la nécessité de partager les applications bibliothéconomiques entre plusieurs sites et le besoin d’utiliser les ressources bureautiques des postes de travail. Les gestionnaires en attendent une optimisation économique et fonctionnelle de l’utilisation des moyens informatiques, une homogénéisation des pratiques professionnelles et l’élaboration d’indicateurs d’activité. Les responsables informatiques quant à eux se montrent surtout soucieux du respect des normes techniques dominantes.

Eric Anjeaux, également de la société Silogia, essayait ensuite de définir une application client/serveur. Au-delà d’un premier niveau d’approche impliquant la caractérisation des postes de travail en postes « clients » et en postes « serveurs » échangeant des messages et non pas des fichiers, un deuxième niveau distingue nettement trois couches dans l’application : la couche présentation (gestion de l’affichage), la couche traitements (les programmes) et la couche données. A partir de ces caractérisations, on peut distinguer six niveaux d’architectures client/serveur en fonction du degré de partage de ces trois couches entre la station de travail (cliente) et le serveur.

Au travers de considérations extrêmement techniques et d’interventions de la salle qui montraient que la problématique des « clients/serveurs » relevait parfois de « l’informatique pour informaticiens », les bibliothécaires pouvaient au moins retenir qu’une application client/serveur exige dans tous les cas l’utilisation d’un réseau de communication et, le plus souvent, pour les systèmes de gestion de bibliothèque, met en œuvre un serveur Unix, un système de gestion de base de données relationnel (SGBD/R) et des PC avec windows comme stations de travail.

Un exemple de système client/serveur

Monsieur Lambey, directeur du service informatique de la ville de Besançon, présentait ensuite la démarche d’informatisation des bibliothèques bisontines qui a abouti à l’installation d’un système client/serveur qui semblait le plus apte à répondre aux besoins fonctionnels des différentes bibliothèques et dont l’architecture apparaissait la plus satisfaisante pour les informaticiens. Cette opération qui a associé la Ville et l’Université pour une informatisation commune de leurs bibliothèques, dans un double souci d’élargissement des services au public et d’économies d’échelles, permet de partager l’ensemble des tâches bibliothéconomiques entre toutes les bibliothèques du réseau et une mise en commun des ressources financières, humaines et matérielles.

Au-delà de cette coopération réalisable avec des moyens informatiques traditionnels, l’utilisation d’un système client/serveur apporte l’ergonomie de PC sous windows, l’homogénéité de tous les outils informatiques des bibliothèques, l’ouverture vers des applications différentes telles que la consultation de CD-Rom, le multimédia, et même distantes (Internet). Les informaticiens y voient aussi l’avantage d’un allégement des tâches du serveur, mais, en contrepartie, il a fallu installer un réseau de communication métropolitain privé, en fibre optique, ce que la ville a pu réaliser en utilisant son réseau d’égouts, et ce à moindres frais que si elle avait choisi France Télécom.

Après cette illustration de son approche théorique, Eric Anjeaux analysait une enquête réalisée par Silogia au mois de mars dernier auprès des fournisseurs de systèmes de gestion de bibliothèques et concernant leur offre en client/serveur. Celle-ci, encore récente, apparaît très faible, moins de dix produits du marché présentent aujourd’hui une véritable architecture client/serveur et très peu de bibliothèques en France les utilisent comme tel ; de ce fait, la qualité et la complétude de l’offre sont aujourd’hui difficiles à évaluer.

Les principaux avantages mis en avant par ces nouveaux produits concernent moins leurs fonctionnalités bibliothéconomiques que leur ergonomie, leur ouverture qui permet des accès multibases, l’intégration de ressources variées et un paramétrage très souple.

En conclusion, l’étude réalisée par Silogia soulignait qu’il n’y a guère d’avantages économiques à attendre des architectures client/serveur, qu’elles mettent en œuvre des architectures complexes exigeant des compétences nouvelles des utilisateurs, voire des pratiques nouvelles d’exploitation (hébergement, facilités de gestion) pour les bibliothèques. En revanche, elles offrent des services plus souples que les systèmes traditionnels et permettent de disposer, sur un même poste de travail, de toutes les ressources du système d’information de la bibliothèque toujours directement en prise sur l’ensemble de son environnement administratif et documentaire. Comme le remarquait pour terminer une participante, il n’est pas sûr qu’il soit de la compétence des bibliothécaires de savoir quelles techniques mettre en œuvre pour atteindre ce résultat.