Les enjeux du multimédia
Un récent numéro de Futuribles analyse certains enjeux du multimédia, « objet-valise » et « objet-frontière », comme le souligne Patrice Flichy dans un bref article rappelant que les « utopies techniques » alimentent et suscitent une production de discours. Plutôt que de déverser des fantasmes sur le produit mutimédia et d’en faire ainsi un objet-valise, analysons ses caractéristiques réelles et tâchons de voir en quoi il est, ou non un objet-frontière.
Multimédia ou unimédia
Parler de multimédia n’est-il pas d’ailleurs une première erreur de perspective ? Le terme d’unimédia pourrait être plus approprié pour parler d’un produit dont l’une des caractéristiques majeures est justement de rassembler sur un seul support plusieurs médias auparavant distincts. Les caractéristiques nouvelles de cet unimédia est de proposer des produits qui sont, pour Xavier Dalloz et André-Yves Portnoff, « malléables, protéiformes, reproductibles, transmissibles » dans un réseau. Ils autorisent navigation et travail de groupe à distance. La grande inconnue reste encore celle des comportements des usagers face à ces nouveaux produits : « Dans les domaines grand public, il est encore plus difficile de prévoir l’attitude du consommateur face à des propositions qui ne correspondent pas pour lui à une réalité vécue ». Tous les comportements erratiques et irrationnels sont possibles, ainsi qu’on l’avait déjà constaté lors d’autres innovations technologiques. Il est donc bien difficile de prévoir aujourd’hui l’effet du multimédia sur le marché et sur les comportements. On peut penser que le consommateur/acheteur en sera la première cible : « Un marché qui pourrait démarrer plus rapidement est celui des nouveaux services et en particulier le commerce électronique ». C’est de ce marché de la consommation individuelle que les auteurs attendent les plus importants investissements et les plus nombreux usages.
Aux Etats-Unis, six types d’acteurs sont impliqués dans le développement de ce marché, estime Jean-Claude Pelissolo : « les câblo-opérateurs, les opérateurs de télécommunications, le grand commerce, les fabricants d’équipements et de logiciels, les fournisseurs de programmes, l’administration, le grand public ». Chacun met en œuvre des stratégies différentes qui vont s’entrechoquer, se croiser, se compléter et se concurrencer. Le marché de l’interactivité devrait donner en tête du hit-parade du succès public la vidéo à la demande, l’achat à domicile, les jeux... Et l’auteur de mettre l’accent sur « le formidable brassage qui se prépare, bousculant les traditions sectorielles, abattant les barrières entre les métiers, favorisant l’émergence d’acteurs », brassage et compétition qui pourraient donner lieu à la naissance de groupes intégrés, maîtres de toute la chaîne de production et de diffusion.
Un constat que ne dément pas Matthew More, rappelant quelques données du développement du marché domestique informatique aux Etats-Unis : cinq millions de foyers reliés à des services en ligne (14 millions prévus en 1998). Si les jeux et la gestion personnelle représentent encore la majorité des utilisations, de plus en plus de foyers américains se connectent sur les réseaux : plus de cinq millions de foyers abonnés à des services comme Compuserve, America on line, etc... Là encore, la question des coûts et celle des contenus s’entrecroisent : « Jusqu’à présent, les profits vont surtout dans la poche des opérateurs de réseaux. Les sociétés qui fournissent les contenus ne ramassent que les miettes. Mais ceci pourrait changer assez vite... » et les fournisseurs de contenus pourraient s’organiser pour échapper aux intermédiaires.
Ce numéro de Futuribles fournira une introduction intéressante, quoiqu’un peu superficielle, aux mutations en cours.