Médiathèques : espaces, services, publics
Isabelle Masse
Dans l’auditorium du Musée des arts et traditions populaires, la section des bibliothèques publiques de l’Association des bibliothécaires français (ABF) accueillait une nombreuse assistance, le 6 février 1995, pour une journée d’étude intitulée Médiathèques : espaces, services, publics.
De plus en plus de bibliothèques deviennent des médiathèques. Comment ont été pensées les mises en place des nouveaux espaces, des nouvelles organisations pour les usagers et le personnel ? De nouveaux services, nouveaux usages, nouvelles demandes sont-ils apparus ?
Espaces
Constatation est faite d’une nette tendance à l’éclatement des sections, à l’organisation par départements thématiques, au mélange des supports, à la remise en question des cotations, à la modification de la circulation du public.
La médiathèque de Taverny, par exemple, s’est organisée autour de deux sections – adultes et jeunesse, avec de larges cheminements entre l’une et l’autre. En ce qui concerne les collections, chaque bloc a une destination propre à un thème. Le classement (Dewey avec gestion d’indices limités) englobe la totalité des supports : un indice égale une tablette.
La bibliothèque municipale de Lyon a, elle aussi, choisi la division en départements thématiques : diversification des médias et des services, public beaucoup plus exigeant, brouillage entre frontières et usages, renforcement de l’identité de la bibliothèque centrale par rapport à ses partenaires, élargissement du public, rupture des distinctions grand public/étudiant, en sont les raisons principales. Au nombre de sept (langues et littératures, arts et loisirs, société, sciences et techniques, etc.), ils seront multimédia, multiservices (prêt, consultation sur place, renseignement spécialisé, banques de données, expositions), multiniveaux, multipratiques. Sont mis en place actuellement un premier embryon de département – musique (réaménagement de la discothèque, CD, vidéos musicales, revues) –, et le service du prêt, centralisé dans le hall d’entrée. Le département Sciences et techniques, en cours d’aménagement, sera un test important en grandeur réelle.
Un autre exemple de ce type de réorganisation est celui de la bibliothèque municipale de La Rochelle. L’étude de programmation s’est faite autour de principes généraux : grands espaces thématiques, nouveau mode de classification des collections, plus grande facilité d’accès et de circulation, visibilité des différents niveaux et des volumes *.
Le personnel
Le travail en équipe prédomine. On voit se renforcer la notion de spécialistes, mais aussi de polyvalents, débordés en compétence et en temps de travail, et le risque d’hyperspécialisation. Une volonté de décloisonnement existe, surtout dans les esprits, ainsi que celles de rationalisation, de définition des missions, des choix, des objectifs, de l’adéquation personnes/fonctions/objectifs.
A Taverny, l’équipe peut se définir en deux mots : solidarité et polyvalence, l’organisation du travail ayant dû s’adapter aux frontières cassées entre les sections, les supports, les fonctions. A Lyon, la polyvalence est de mise, mais aussi l’hyperspécialisation avec l’installation d’une équipe affectée uniquement au prêt. A Gardanne, seize personnes seront en place quatre mois avant l’ouverture de la nouvelle médiathèque, l’accent général étant mis sur la qualité de cet accueil. Un plan de formation est mis en place, par exemple portant sur l’accueil des publics en difficulté.
Le public
Du côté du public, trois grandes tendances se dessinent : un public jeune, un public ayant une formation scolaire plus poussée, une augmentation de la fréquentation sur place au détriment de l’emprunt (les statistiques d’inscriptions et d’emprunts devront être complétées par celles de la fréquentation sur place). Les grandes médiathèques centrales font fuir les personnes âgées, – désemparées, perdues, peut-être même effrayées par ces structures différentes, au milieu de ces nouveaux publics –, ou bien les renvoient vers les annexes de quartier. Une étude de la médiathèque de Nantes, sur le public de la logithèque de prêt, a révélé deux catégories de public : les moins de 18 ans, presque exclusivement masculins, joueurs, très demandeurs, lecteurs sélectifs (uniquement sur le sujet), « bidouilleurs », et ignorant du reste de la bibliothèque, et les plus de 18 ans (mais rarement plus de 40) masculins également, aimant les jeux éducatifs, attentifs, critiques, passionnés, et utilisateurs des autres prestations de la médiathèque.
Les services offerts ou à offrir
Un des services les plus demandés est l’aide à l’autoformation (logithèque, laboratoires de langues) – la BPI, par exemple, offrira un tel service dans le cadre de sa prochaine réorganisation. A Chambéry, ont été mis en place une logithèque, un laboratoire de langues, un accueil des handicapés, en particulier des mal- et non-voyants. La médiathèque de Saint-Quentin-en-Yvelines propose un laboratoire de langues, une formathèque, un cycle de conférences, la consultation de vidéos ou d’images, etc.
Un autre service demandé est le service d’informations rapides, tel celui de la BPI ou de Saint-Quentin-en-Yvelines. En revanche, les artothèques ne semblent pas s’être multipliées ces dernières années.
Alain Caraco, de la bibliothèque départementale de Savoie, président de la section bibliothèques publiques de l’ABF, conclura cette journée avec les premiers résultats de l’enquête « Médiathèque ». Ces derniers montrent le recul de l’offre audiovisuelle, l’importance de la demande d’information documentaire, et la baisse des budgets d’acquisition. Les résultats définitifs seront publiés en août de cette année.