Recherche documentaire et gestion de bibliothèque, un logiciel unique ? L'offre du marché

par Anne Curt

Joseph Bourdin

Michèle Lénart

Paris : ADBS, 1994. – 338 p. ; 24 cm. – (Sciences de l’information : Série Études techniques). ISBN 2-901046-70-3. ISSN 1160-2376 : 250 F

Voici un livre sur quelques logiciels documentaires de gestion de bibliothèque qui complète efficacement Les systèmes de gestion de bibliothèques : logiciels disponibles sur le marché français, paru en 1991. Le marché des logiciels évoluant très vite, il était important d’élaborer un nouveau livre qui compléterait le précédent en insistant sur les nouvelles tendances, en fonction de l’évolution ou des progrès technologiques, que le marché des logiciels documentaires et de gestion de bibliothèques tardait à s’approprier.

Ses rédacteurs, respectivement informaticien et documentaliste, consultants chez Tosca Consultants, sont des gens de métier qui connaissent très bien les besoins et le fonctionnement des bibliothèques et des centres de documentation, l’offre informatique, ainsi que les logiciels documentaires et de gestion des établissements documentaires.

Classicisme et continuité

Au premier abord classique, et s’appuyant, avec beaucoup de rigueur, sur l’enquête et l’analyse de cette dernière, le livre paraît pourtant novateur sur deux points. Le premier est qu’il décrit des logiciels pouvant convenir aussi bien à des bibliothèques qu’à des centres de documentation de toute taille. Il illustre bien, ainsi, l’importance que prend, actuellement, la recherche/fourniture de l’information en liaison immédiate avec le document, quelque forme qu’il prenne et où qu’il soit. La deuxième est qu’il se préoccupe de l’accès à l’information, c’est-à-dire qu’il privilégie, en quelque sorte, le logiciel ou module de recherche de l’information.

Les enquêtes auprès des sociétés qui commercialisent les logiciels occupent l’essentiel du volume. Les questionnaires sont assez longs, rigoureux et complets. Les sociétés y répondent plus ou moins précisément, ainsi que les clubs utilisateurs qui, quant à eux, sont plus ou moins fantomatiques.

L’analyse de l’enquête précède les tableaux d’analyse des questionnaires et ces derniers eux-mêmes, ce qui permet de se référer très facilement aux tableaux d’analyse ou aux enquêtes (pour vérifier une assertion par exemple). Cette analyse distingue les logiciels de gestion intégrés de bibliothèque classiques. Ces derniers sont mieux connus dans les bibliothèques et faisaient l’essentiel du livre précédemment publié par Tosca. Elle regroupe les logiciels, documentaires à l’origine, qui ont évolué vers des logiciels à la fois documentaires et de gestion parfaitement intégrés et très complets (Doris/Loris, Basisplus/Techlib...), qui s’implantent de plus en plus dans les bibliothèques, mais qui offrent toujours, cependant, des versions documentaires. Ce schéma du logiciel modulaire des années 80 convient particulièrement aux bibliothèques et centres de documentation qui informatisent leurs différentes fonctions petit à petit (Polyphot, JLB...). Enfin les logiciels intégrés complets (SuperDoc, Alexandrie, Biblio-Tech...) conviennent à ceux qui ont besoin du « petit-système-tout-prêt, clé-en-main ».

Cependant, l’analyse souligne l’originalité et peut-être l’avenir de « l’interfaçage » de deux logiciels puissants : un SGBDR (système de gestion de bases de données relationnel) et un logiciel de recherche sur bases de données performant. C’est le cas d’AB6 avec BRS (Bibliographic retrieval system) et de Doxis. AB6 permet d’utiliser, outre les possibilités de troncature des termes, les opérations de recherche aussi bien de type arithmétique (-, +, *, /, >, <, =), que de type booléen avec les opérateurs « et, ou, sauf », ou l’adjacente et la proximité, et, le grand luxe, la navigation et l’affichage de l’environnement textuel des termes recherchés. Les auteurs concluent sur cet interfaçage qui leur semble une solution efficace pour l’avenir avec la généralisation des API (interfaces normalisées).

La guerre des Marc et le catalogage

Les formats ne semblent plus un problème, soit que le logiciel soit paramétré en entrée et en sortie en Unimarc, soit qu’il dépasse le problème en permettant à plusieurs formats de coexister. Peut-être la recherche sur le texte intégral pourrait-elle permettre de se débarrasser du catalogage et des formats en utilisant des mots de description plus performants sélectionnés automatiquement parmi les mots de la page de titre, ceux du sommaire et autres informations numérisées regroupées dans des endroits précis du document.

L’analyse souligne que les logiciels sur le marché ignorent trop souvent la GED (gestion électronique de document) couplée à des possibilités de recherche hypertextes et, si besoin, à la conjugaison de logiciels OCR (reconnaissance optique de caractères). L’enrichissement de la notice par la recherche automatique dans les parties liminaires et les sommaires numérisés ne semble pas imminent.

La gestion des fichiers SGML (Standard generalized markup language) concerne les documents primaires numérisés et balisés selon cette norme internationale qui définit les différents champs du document numérisé à la source (auteur, titre, introduction, chapitres et sous-chapitres). Cette gestion documentaire de type éditorial permet, non seulement le catalogage et l’indexation automatiques, mais aussi les échanges de documents primaires par voies de télécommunication rapides. Le logiciel de recherche de Basisplus accepte le premier une gestion documentaire de ce type au sein de son logiciel intégré.

Des questions pour demain

Le livre énumère succinctement les progrès techniques dont pourraient bénéficier les bibliothèques et centres de documentation, mais que les logiciels offrent trop peu ou pas du tout pour la plupart. On peut se demander si l’offre n’est pas victime du manque d’ambition de la demande, d’où un certain nombre de questions qui s’imposent.

La recherche documentaire performante balbutie encore et les accès à l’information sont trop limités. Aucun des logiciels étudiés ne propose un traitement linguistique de type Erli, ni de recherche à proprement parler hypertexte, à part AB6 précédemment cité. Les logiciels documentaires vont-ils bénéficier des nouvelles technologies et évoluer pour intégrer les documents numérisés et pourquoi pas, offrir un catalogage et une indexation automatique ?

Devons-nous « coller » à une description physique du document selon une typologie que l’avènement du multimédia et les catalogues multimédias des bibliothèques et centres de documentation rendent caduque ?

Une partie des documents n’est réellement ni tangible ni palpable. Les journaux électroniques fournis par Elsevier occupent des mémoires virtuelles et sont « déchargés » à distance. Les normes de catalogage disparaissent au profit de normes d’édition numérique comme SGML ou HTML... Le dépouillement de périodique n’est-il pas plus efficace et moins onéreux à partir de la numérisation des titres et des sommaires des périodiques que l’on rattache à leur notice ISSN ?

Notices normalisées ou documents normalisés ? L’avenir devrait se tourner vers les seconds avec le développement, en Europe, des réseaux Internet et Renater, autoroutes de l’information d’aujourd’hui. Tous les logiciels étudiés abondent dans ce sens et souscrivent aux normes TCP/IP et Ethernet. Mais les bibliothèques pourront-elles fournir du texte numérisé à la source ?