L'étudiant en médecine et sa bibliothèque

intégration d'une enquête dans une démarche d'évaluation

Françoise L’Haridon

Brigitte Ioualalen

La Bibliothèque de médecine-odontologie de l’université d’Aix-Marseille 2 propose aux étudiants des 1er et 2e cycles (ainsi qu’à ceux des disciplines paramédicales) un local (d’environ 100 places assises) séparé de celui du 3e cycle et de la recherche, permettant de regrouper les collections et outils documentaires propres à ces étudiants.

La récente mise en place du libre accès, d’un OPAC et de divers outils de documentation médicale a révélé le besoin de données qualitatives afin de mieux connaître ce public (son comportement et ses attentes) et d’amorcer une démarche d’évaluation des services (validation des choix effectués ou aide à la décision pour de nouvelles orientations à prendre).

Une attention particulière à la méthodologie

À la fin de l’année 1993, une enquête a été élaborée dans cette perspective, elle s’est déroulée durant le 1er trimestre 1994 et a permis de recueillir 300 réponses.

Cette enquête a été réalisée, de façon interne, par un conservateur de bibliothèque et la bibliothécaire responsable de la salle des 1er et 2e cycles. Ne pas sous-traiter l’enquête à des professionnels extérieurs rendait d’autant plus nécessaire le respect des différentes étapes indispensables à toute investigation de ce type.

Un protocole d’enquête a donc été prévu, comprenant des entretiens semi-directifs conduits par la bibliothécaire, des test préalables à la rédaction définitive du questionnaire (22 questions), le choix de la médiation d’enquêteurs (un vacataire et un moniteur), la détermination des jours et des tranches horaires les plus complémentaires possibles et de l’emplacement de l’enquêteur (dans la salle elle-même).

L’existence d’une collaboration avec le CRRM 1 et la connaissance du logiciel Dataview 2 nous ont fait adopter ce logiciel pour le traitement statistique des données.

Identification et comportement du public

Ce public, au moment de l’enquête, est essentiellement composé d’étudiants en médecine du 1er cycle et des deux premières années du 2e cycle. Il est à remarquer que les PCEM1 3 ont un taux de fréquentation très inférieur aux autres années, différence qui peut être mise en relation avec l’existence d’un concours très sélectif pour le passage en 2e année (1 300 étudiants en PCEM1 contre 250 pour les années suivantes).

Sur l’ensemble des étudiants interrogés, 78 % sont inscrits à la bibliothèque, le pourcentage d’inscrits le moins élevé concernant les PCEM1 (60 % d’inscrits contre 80 % pour les PCEM2, 84 % et 97 % pour les DCEM1 et 2 4). À partir de la 2e année, l’étudiant qui fréquente la bibliothèque effectue la démarche de s’inscrire. Parmi les non-inscrits, 77 % déclarent venir à la bibliothèque au moins une fois par semaine ; il n’y a donc par pour eux de corrélation entre le fait de fréquenter la bibliothèque et celui de s’y inscrire.

Globalement, le public est fidèle et assidu : 84 % des étudiants viennent à la bibliothèque au moins une fois par semaine et 87 % déclarent y rester au moins une heure. Ce public fréquente peu d’autres bibliothèques (11 % vont en bibliothèque publique), mais déclare lire d’autres livres que ceux utiles à leurs études pour 76 % d’entre eux.

L’activité qui arrive en première position est le travail sur les documents personnels de l’étudiant, suivie de très près par la consultation des livres de la bibliothèque. Il n’y a donc pas d’antagonisme entre ces deux pratiques ; si la bibliothèque est utilisée comme salle de travail, elle remplit néanmoins sa fonction documentaire. L’activité d’emprunt reste une activité privilégiée. Les étudiants empruntent davantage qu’ils ne photocopient.

De plus, même lorsqu’un ouvrage n’est pas empruntable, ils préfèrent le consulter sur place (70 %) plutôt que d’avoir recours à la photocopie (49 %) ; ces constatations revêtent un intérêt tout particulier dans le cadre du débat actuel sur le « photocopillage ». Dans un ordre d’idées proche, il apparaît que 76 % des étudiants fréquentant la bibliothèque achètent des livres pour leurs études.

Comment circule l’information bibliographique ? La pratique la plus répandue est celle du « bouche à oreille ». Les étudiants se conseillent entre eux la lecture de tel ou tel ouvrage (55 %). Viennent ensuite les recommandations des enseignants (45 %), puis, pour seulement 13 % des étudiants, le recours à des bibliographies.

Dans la recherche d’un ouvrage, la démarche que les étudiants privilégient est celle du « butinage » en rayons. Ce comportement confirme l’importance du libre accès. Viennent ensuite la demande auprès du personnel, puis, de façon beaucoup moins fréquente, la recherche sur catalogue.

Audience et évaluation

Pour analyser l’audience de la bibliothèque, l’enquête proposait une grille d’évaluation comprenant quatre indices d’appréciation (très satisfaisant, satisfaisant, passable et insatisfaisant) et portait sur dix rubriques explicitées par l’enquêteur.

Ce graphe totalise les taux d’appréciation « très satisfaisant » ou « satisfaisant » ; il fait apparaître des indices de satisfaction élevés en ce qui concerne l’accueil, la classification et la signalisation (signes que la mise en place du libre accès s’est effectuée correctement).

Le photocopieur apparaît comme l’élément le moins satisfaisant de la bibliothèque, rejaillissant, par manque d’isolation phonique, sur l’appréciation portée sur l’ambiance générale. Les étudiants déplorent aussi le manque de places ainsi qu’une durée trop courte de prêt (3 semaines sont souhaitées au lieu de 10 jours).

En ce qui concerne les horaires (8 h 30-19 h), 37 % des étudiants souhaiteraient une ouverture plus tardive ; les réponses relatives aux mois les plus fréquentés remettent en question la réduction d’horaires du mois de mai, liée à l’arrêt de l’emploi de moniteurs étudiants de mai à octobre.

Lorsque les étudiants estiment le fonds insatisfaisant ou passable, les réponses sur les lacunes par discipline sont très diverses, donnant à penser qu’il s’agit souvent d’un manque d’exemplaires, sauf dans quelques disciplines plus fréquemment citées : la physique, la sémiologie, l’embryologie et l’histologie.

D’autres questions ont permis de mettre en évidence une méconnaissance de certains outils documentaires : 71 % ne connaissent pas le catalogue informatisé, 64 % ignorent l’existence d’Internatel 5 et 69 % celle d’Internatest 6, ces deux derniers chiffres étant à nuancer par le fait qu’ils s’adressent presque exclusivement aux candidats au concours de l’internat.

Perspectives

Le bon indice global de satisfaction doit être tempéré par le fait que l’enquête a été effectuée dans l’enceinte de la bibliothèque et ne pouvait donc pas toucher les étudiants qui ne la fréquentent pas, que ce soit par manque de places, d’information, ou parce qu’elle ne leur semble pas correspondre à leurs besoins. Une enquête en direction de ce « non-public », dans des lieux extérieurs à la bibliothèque, est à prévoir.

Notre étude s’intégrant dans une démarche globale de la bibliothèque, se prolongera par l’élaboration d’un dossier de mesures à prendre 7, s’organisant autour d’axes prioritaires : recherche de solutions techniques à certaines carences, information des nouveaux étudiants de toutes les disciplines concernées, formation des utilisateurs aux technologies documentaires et aux méthodes de recherche.

  1. (retour)↑  Centre de recherches rétrospectives de Marseille, Université d’Aix-Marseille 3.
  2. (retour)↑  Logiciel d’analyses bibliométriques développé par Hervé Rostaing (maître de conférences) dans le cadre de son doctorat au CRRM.
  3. (retour)↑  1er année de premier cycle des études médicales.
  4. (retour)↑  Deuxième cycle des études médicales.
  5. (retour)↑  Banque de données bibliographiques pour la préparation au concours de l’internat.
  6. (retour)↑  Banque de QCM (questionnaire à choix multiple) pour l’entraînement au concours de l’internat.
  7. (retour)↑  Dans le cadre du « projet professionnel personnel » du stage de la bibliothécaire.