Que mettre sur une carte de lecteur ?

Marielle de Miribel

Bref panorama des éléments visuels utilisés par une bibliothèque pour faire sa promotion sur la carte de prêt donnée au lecteur : par le visuel présenté, fait-on la promotion de la collectivité locale, des bâtiments, des collections, des lecteurs, des services rendus ou bien pas de promotion du tout ?

Short view of the visual elements used by a library for its promotion on the lending card given to the reader : is the image the promotion of the local authority, the buildings, the holdings, the readers, the services or is it no promotion at all ?

Kurze Übersciht der visuellen Elemente, die der Werbung der Bibliothek auf der dem Leser gegebenen Leihkarte beitragen : befördert man durch die gewählte Darstellung die Orstbehörden, das Gebäude, den Bestand, die Leser, die angebotenen Dienste - oder ist es vielmehr keine Werbung ?

La possession d'une carte de lecteur confère à son possesseur un certain nombre de droits d'utilisation de fonds et de services : la carte une fois obtenue signifie que son détenteur a sacrifié aux rituels d'inscription et de transaction financière, et qu'il peut ensuite librement profiter des droits ainsi acquis : cette carte est un sésame, que l'usager conserve et porte sur lui comme ses autres cartes de crédit ; c'est donc un support privilégié d'informations utiles et de promotion des services offerts.

Seul le lecteur inscrit dans une médiathèque ou une bibliothèque possède une carte de lecteur, ce qui veut dire que toutes les informations habituellement diffusées en vue de faciliter l'inscription des lecteurs potentiels sont sans objet sur une carte de lecteur ; y sont utiles et propres à y figurer les informations facilitant la transaction secondaire, c'est-à-dire le prêt, la consultation sur place ou la recherche documentaire.

Comme informations nécessaires, doivent apparaître :

– les indications d'identification et de localisation de l'établissement émetteur : nom, adresse, téléphone, fax ;

– les conditions particulières d'accès : horaires d'ouverture ;

– les éléments d'utilisation et les codes d'accès de l'utilisateur : nom, prénom, code à barres ou bande magnétique.

Comme informations complémentaires, peuvent apparaître :

– les modalités et conditions particulières d'accès : moyens de transport, accès réservé à certains publics, accès des handicapés ;

– les conditions particulières d'utilisation : cartes strictement personnelles, date d'expiration, coût de la carte ;

– les critères d'identification de l'utilisateur : photographie, signature.

Les entreprises publiques et privées l'ont bien compris, qui utilisent depuis l'année 1980 la télécarte comme support de campagne publicitaire : en effet, les cartes de paiement, de crédit ou d'accès à un service particulier, malgré les contraintes dues au format international (45 cm2), connaissent un succès de plus en plus important et sont un lieu de création graphique. C'est à partir de cet esprit de créativité dans la promotion des services proposés que l'on peut dresser une typologie des cartes de lecteurs, ayant elles aussi à promouvoir des services.

Typologie des cartes de lecteur

Le dépouillement du type de cartes de lecteurs présentées ici, révèle dans un certain nombre de cas le peu de recherches graphiques et l'absence d'éléments iconiques : sur un support blanc ou en à-plat de couleur (vert, violet…), sont indiqués les éléments d'information indispensables : nom de la médiathèque, adresse et ville, accompagnés parfois du code à barres ou de l'espace réservé à la photographie du lecteur. Ce type de carte est essentiellement utilitaire.

La promotion de la collectivité locale

Logo et blason

Dans cette catégorie, s'inscrivent les cartes ornées des armes ou du logo de la collectivité locale qui finance la médiathèque ; c'est le cas de nombreuses cartes de lecteurs. Dans ce cas de figure, la promotion est ciblée sur la cité elle-même, et la bibliothèque ou la médiathèque s'inscrit comme un service municipal ou départemental.

Les armes d'une ville font d'autre part référence au patrimoine historique de la cité, lié de manière consensuelle au lieu culturel qu'est naturellement la bibliothèque. L'accent est mis sur l'aspect conservatoire de la bibliothèque.

La représentation du bâtiment

Toujours dans la logique patrimoniale, de nombreuses médiathèques sont installées dans tout ou parties d'un bâtiment fameux (château, couvent, manoir, hôtel particulier…), dont s'enorgueillit la cité. La carte de lecteur peut refléter cette légitime fierté, dans la représentation de l'édifice concerné, soit par un dessin au trait, une gravure, un tableau, soit par une photocopie ou un montage photographique. C'est une représentation figurative, sans cadrage particulier ou recherche visuelle.

Le fait de représenter la médiathèque par son contenant, c'est-à-dire l'architecture qui l'abrite, plutôt que par son contenu, la rattache à une logique patrimoniale : la médiathèque, comme le musée, fait fonction de haut lieu culturel.

Le logo propre à la médiathèque

L'existence du logo ou du signe distinctif d'une médiathèque appelle souvent l'intervention d'un maquettiste pour la ligne graphique de la médiathèque, dont la carte de lecteur n'est que l'un des produits dérivés.

Dans ce cas de figure, la promotion se fait sur l'essence même de la médiathèque, symbolisée par son logo, qui, pour être efficacement perçu, ne doit être entouré que d'un message typographique minimal, qui encadre le logo sans l'écraser, au risque de brouiller le message. Le logo, comme représentation unique de la médiathèque, est un symbole culturel assez intellectuel, qui n'est souvent compréhensible que par les seuls initiés (le Bateau-livre, les Temps modernes…).

On peut également constater que ces logos font souvent référence à l'architecture novatrice et forte du bâtiment, qui se veut aussi signalisation : c'est le cas du Bateau-livre de Chambéry, ou de la Maison du livre, de l'image et du son, à Villeurbanne ; la ligne graphique choisie s'adapte à l'architecture et la souligne.

La promotion des collections

Le parrainage des hommes de lettres

Souvent, les bibliothèques et médiathèques nouvellement créées sont parrainées par un auteur, un compositeur ou un metteur en scène connu, dans la mesure où une médiathèque propose des fonds sur les supports multimédias : par exemple, Hergé, Elsa Triolet, Jean-Pierre Melville… Ce personnage célèbre, en donnant son nom à la médiathèque, peut être représenté sur la carte de lecteur, par son portrait, un manuscrit ou autre document autographe. Par métonymie, il symbolise alors l'ensemble des collections proposées par la médiathèque.

La galerie de portraits

L'image de personnages célèbres dans le monde des arts et des lettres (domaine considéré comme couvert par les bibliothèques et médiathèques) peut être utilisée également dans une galerie de portraits, qui génère un « effet-collection » : plusieurs personnages sont proposés, comme c'est le cas pour les douze modèles de cartes de lecteurs de la médiathèque d'Annecy, appartenant à différentes époques et catégories artistiques, mais traités sur le même mode pictural pour conserver une certaine unité à la collection ; les artistes présentés (Dürer, Marilyn Monroe, Baudelaire, Charlie Chaplin, Jacques Brel et George Sand) témoignent d'une certaine diversité, et donc, par extension, de la grande variété des collections de la bibliothèque, propre à satisfaire les lecteurs les plus exigeants. Aucune des douze cartes ne mentionne le nom du personnage représenté, ce qui ajoute une notion de jeu-découverte à cet ensemble de cartes, et incite le lecteur à faire de même à l'intérieur des rayonnages de la bibliothèque.

La conservation des fonds patrimoniaux

La carte de lecteur peut être une occasion originale de présenter un élément des collections conservées à la bibliothèque, peu ou mal connu du public ; par exemple, la bibliothèque de Neuilly-sur-Seine a choisi comme carte de lecteur la reproduction « pleine carte » d'une affiche ancienne de la fête de la ville en 1908.

La médiathèque de Bordeaux-Mériadeck a choisi de reproduire en surimpression sur fond bordeaux les signatures de plusieurs personnages célèbres de la cité.

La bibliothèque départementale des Yvelines a choisi d'orner sa carte de lecteur d'un dessin d'arabesque verte sur fond blanc, dont le motif est communément utilisé pour les papiers « à la cuve » ; ces papiers sont appliqués par des relieurs sur les pages de garde des ouvrages qu'ils traitent, ou sur des demi-couvertures. Cette simple arabesque, à peine évoquée sur la carte, suggère tout un métier lié de très près au monde des livres, et particulièrement des ouvrages de collection et des livres anciens. Mais cette évocation ne peut avoir de sens que pour un public assez averti.

Certaines bibliothèques choisissent le parti de présenter un livre ouvert, ou des pages de partitions, afin d'évoquer les fonds mêmes de la bibliothèque. C'est une idée assez courante, quoique la lecture du message soit rendue plus difficile en raison de la juxtaposition des supports écrits et audiovisuels sur un espace après tout très restreint.

La représentation des fonds proposés par la bibliothèque peut être pourtant l'occasion de réaliser des jeux typographiques, comme l'a fait Nathan sur une télécarte, en juxtaposant une liste des auteurs publiés chez cet éditeur, simplement typographiés dans des couleurs différentes : ce qui a pour effet de mettre en valeur la multiplicité des auteurs qu'ils publient, mais aussi leur personnalité.

Un fabricant d'analgésiques a réalisé quatre télécartes sur la même maquette, avec un effet zoom sur un morceau de texte prescripteur, mais dans quatre caractères typographiques différents.

De nombreuses entreprises privées ont utilisé des jeux typographiques pour mettre en valeur leur slogan sur des télécartes publicitaires, avec plusieurs types d'effets « oratoires » : la devinette, la maxime, ou encore l'écriture au tableau noir…

Les héros de papier

On a vu que certaines bibliothèques choisissaient de promouvoir l'ensemble de leurs collections derrière un personnage célèbre mis en vedette ; le même effet zoom peut être utilisé, non plus sur un personnage réel, mais sur un personnage fictif, ou héros de papier, plus connu souvent par tous les publics que son auteur : Mickey, Bécassine, le Petit Prince sont universellement connus et servent de « locomotive » sur les télécartes publicitaires de leurs créateurs.

L'avantage de ce choix tient surtout à l'immédiateté de la compréhension du message, due à l'universalité du héros représenté (on peut voir que c'est souvent loin d'être le cas pour des personnages réels). Le message implicite (vous trouverez votre héros favori dans votre bibliothèque) est donc perçu par tous les publics potentiels de la bibliothèque, sans distinction socioculturelle particulière ; pourtant le critère de la tranche d'âge ciblée peut être un handicap : si vous choisissez par exemple Bécassine comme héros vedette, il ne peut s'agir implicitement que d'une bibliothèque pour la jeunesse.

Les dessinateurs

Certains dessinateurs sont sollicités pour créer l'affiche ou le logo d'une bibliothèque ; ils peuvent être dessinateurs de bande dessinée (Loustal, Gotlib…), caricaturistes ou illustrateurs de livres pour la jeunesse (Solotareff…). La carte de lecteur illustrée par eux devient alors une création originale, où la personnalité du dessinateur choisi imprime sa marque à la bibliothèque et occulte d'une certaine manière la diversité des collections proposées. Mais l'effet d'appel est multiplié par la création du dessinateur.

Pour conclure rapidement sur la promotion des collections par l'intermédiaire des cartes de lecteurs, on peut signaler que c'est, parmi les éléments à promouvoir dans une bibliothèque, le secteur le plus riche en possibilités créatrices.

La promotion des services

La consultation à distance

Un des atouts majeurs de l'informatisation des médiathèques – du point de vue de l'utilisateur – est la consultation à distance des collections, par Minitel par exemple. Si les bibliothèques n'utilisent pas fréquemment ce créneau pour la promotion de leur établissement, des entreprises publiques y ont eu recours, comme France Télécom pour la promotion d'alphapage sur télécarte. C'est en effet un argument de poids pour les utilisateurs qui se sentent concernés au premier chef.

La gestion des prêts et réservations

Voici un service fourni par les médiathèques informatisées qui pourrait faire l'objet d'une campagne publicitaire ciblée, puisque c'est un sujet de satisfaction pour les utilisateurs, selon les enquêtes de notoriété. C'est le type de message idéal pour la promotion par slogan publicitaire.

Les réseaux

Certaines bibliothèques ont choisi de faire porter leur message promotionnel sur le fonctionnement en réseau des bibliothèques, comme c'est le cas pour les bibliothèques en réseau informatisé de Saint-Étienne ; pourtant le concept est difficile à visualiser et à transcrire au niveau des pratiques quotidiennes des usagers, sur un mode visuel et non textuel ; là encore, un slogan publicitaire a toute sa raison d'être, bien que la notion de réseau informatisé ne puisse sensibiliser qu'un public déjà très engagé.

Coût et gratuité des services

« C'est pas cher et ça peut rapporter gros ! », slogan utilisé pour la publicité des jeux d'argent, mais utilisable également pour les services offerts par les bibliothèques et médiathèques publiques. Encore un créneau publicitaire largement relayé par les télécartes conçues par les entreprises publiques.

La promotion des services proposés par les bibliothèques publiques est un secteur encore peu développé sur les cartes de lecteur. Il est vrai que promouvoir un service se réfère à un domaine un peu abstrait des représentations. Pourtant c'est un terrain favorable à la création de slogans publicitaires porteurs des besoins formulés par les utilisateurs (contrairement à la promotion des collections, mieux figurée par les concepts visuels), car c'est un domaine qui concerne directement chaque lecteur, de manière différenciée et individuelle, puisqu'elle permet la rencontre de chaque lecteur avec ses propres thèmes de recherche.

La promotion des publics

Les comportements modèles

Voici une idée originale, encore peu représentée : si l'on reprend le thème de la galerie de portraits, qui incite à la collection et insensiblement à la fidélisation du public collectionneur, on peut l'adapter au phénomène de modélisation ; certaines télécartes, éditées par France Télécom, reproduisent les photos de stars du cinéma occupées à téléphoner (Jean Gabin, Simone Signoret…) : c'est une incitation non voilée à faire de même… Selon le même principe, des stars du monde des lettres, du cinéma ou des arts, occupées à lire, selon les comportements de lecture qui leur sont propres, sont incitatives des mêmes comportements pour les détenteurs de ces cartes.

Les comportements de lecture

La BPI (Bibliothèque publique d'information) a présenté des expositions montrant les différents modes d'appropriation de la lecture et en particulier les diversités d'attitudes de lectures : cette idée pourrait être reprise pour illustrer une série de cartes de lecteurs, traitées en mode photographique, et proposées aux différentes catégories de la bibliothèque concernée. En effet, la diversité des positions dans lesquelles des lecteurs peuvent être surpris, est en elle-même une défense et illustration de la lecture.

Les statistiques de flux

L'évaluation des services proposés par les bibliothèques publiques comprend de manière quasi obligatoire l'évaluation quantitative des flux de publics et de documents. Mais cette évaluation ne fait que rarement l'objet de la promotion de l'établissement, sur la voie publique ; pourtant cette évaluation quantitative des utilisateurs a été choisie comme message publicitaire sur télécarte par le magazine Télé 7 jours qui proclame simplement : « 10 millions de lecteurs ».

Cette analyse des motifs utilisés pour l'ornement des cartes de lecteurs, qui sont encore souvent perçues comme de simples outils de transaction entre lecteurs et bibliothèques, montre que de nombreuses possibilités de messages promotionnels sur ce support n'ont pas encore été exploitées.

Octobre 1994

  1. (retour)↑  Thèse en cours actuellement sur « Les outils d'information des bibliothèques publiques comme outil de promotion » et en particulier le support des cartes de lecteur.
  2. (retour)↑  Thèse en cours actuellement sur « Les outils d'information des bibliothèques publiques comme outil de promotion » et en particulier le support des cartes de lecteur.