Bornes interactives d'orientation et d'information

Sandra Rony-Sinno

Confrontée depuis son ouverture aux difficultés d’orientation des lecteurs dans ses vastes espaces, la Bibliothèque publique d’information a implanté depuis octobre 1993, des bornes interactives d’orientation et d’information, utilisant les techniques du multimédia. Ces bornes ont une interface tactile, délivrent des tickets de repérage, comportent des photographies, des plans et des messages sonores. Cet article relate les différentes phases de conduite de ce projet – scénario de l’application, réalisation informatique, création d’une liste des sujets les plus demandés. Il est fait état des résultats d’une enquête d’évaluation de ces bornes.

Its readers having, since its opening, difficulties to take their bearings in its vast spaces, the BPI has installed, since October 1993, public access ternminals, using the multimedia techniques. These terminals have a tactile screen, give tickets for orientation, include photographies, plans and sound messages. This article records the different stages of the scheme : application, computer realization, creation of a list of the most frequent subjects. The results of a survey of the evaluation of these terminals are stated.

Da sie seit ihrer Öffnung an die Schwierigkeiten gestoßen hat, die Leser in ihren breiten Raümen zu orientieren, hat die Bibliothèque publique d'information (BPI : publike Informationsbibliothek) 1993 interaktive, multimediale Techniken benutzende Orientierungs- und Informationsautomaten in Betrieb genommen. Diese Automaten haben Tastbildschirme und können Hilfszettel ausgeben ; ihnen stehen auch Fotos, Pläne und tönende Mitteilungen zur Verfügung. Dieser Aufsatz erzählt die Entwurfsstadien des Vorhabens - Vorbereitung der Software, elektronische Verarbeitung, Bildung einer Liste der häufigsten Fragen. Es werden auch die Ergebnissse einer Evaluierung dieser Automaten erwähnt.

« Du moins, savait-on que, dans les grandes surfaces commerciales, la clientèle avait vite appris à s'orienter elle-même, grâce à la distribution méthodique des produits »
Jean-Pierre Seguin, Comment est née la BPI, 1988

Les bibliothécaires qui ont créé la Bibliothèque publique d'information (BPI) ont toujours redouté la dimension et la complexité de ces lieux non cloisonnés. Jean-Pierre Seguin, dans l'ouvrage qu'il lui a consacré 1, rappelle que la signalétique semblait notoirement insuffisante, mais que les lecteurs semblaient s'en accommoder 2.

La BPI est souvent perçue comme un « bâtiment » autonome à l'intérieur du Centre, baptisé non sans raison « la ville-Beaubourg ». Les coursives sont intériorisées par l'usager comme un espace urbain, une prolongation de la rue. Les usagers pénètrent dans ce parallélépipède – inclus dans celui plus vaste du Centre Georges Pompidou – comme dans un bâtiment sur rue. L'entrée, en réalité au 2e étage du Centre, est un rez-de-chaussée dans l'imaginaire des lecteurs. Ainsi, certains d'entre eux, qu'une bibliothécaire ou une consultation du catalogue à l'entrée, envoie au 1er étage, montent l'escalier mécanique et se retrouvent ainsi au 3e. Le déploiement des rayonnages sur trois des plateaux du Centre Georges Pompidou avec une entrée/sortie unique au deuxième niveau central est donc une source de multiples désorientations pour certains lecteurs.

Objectifs du projet

Faire comprendre l'organisation topographique de la bibliothèque, sa signalétique, son organisation intellectuelle, faire connaître ses espaces spécialisés, ses ressources documentaires, mais aussi faire appréhender sa philosophie générale, tels ont été les objectifs de ce projet utilisant les nouvelles technologies de l'information.

Ces nouvelles technologies faisant appel à l'image, au graphisme, au son, à l'impression automatique de tickets, facilitent le dialogue de l'usager avec le système. Un accent particulier a été mis sur la création d'une liste des thèmes les plus demandés au bureau d'informations, liste qui a été le fruit d'un travail collectif de bibliothécaires très rompues au service public.

Les diverses enquêtes réalisées en 1982 et 1988 par le service Études et recherche de la BPI mettent en évidence un taux de consultation des catalogues de 25 % au cours d'une journée donnée. Un autre quart des lecteurs s'adresserait aux bureaux d'information avec un recouvrement de 10 % entre ces deux catégories d'utilisateurs. Cette timidité du public ne se dément pas au cours des années. Désir d'autonomie ou attrait puissant des rayonnages chargés d'ouvrages qu'il paraît si simple de fouiller directement, quelles qu'en soient les causes, le besoin d'un accès topographique est manifeste.

Les bornes interactives ont permis de créer un « catalogue » de la bibliothèque d'un autre type. Celui-ci délivre non pas des références bibliographiques à l'instar du catalogue traditionnel, mais l'adresse d'un petit ensemble de rayonnages de la bibliothèque où le lecteur termine sa recherche librement.

L'orientation

Une personne sur quatre interrogées à la sortie de la BPI ne sait pas à quel étage elle se situe. Ce chiffre est même de 40 % pour ceux qui sont venus moins de cinq fois. C'est au service chargé de l'accueil et de la formation du public de la BPI que le projet de bornes interactives d'orientation a été longuement mûri. La nécessité d'améliorer l'appréhension des espaces et des services offerts aux usagers s'est fait sentir consécutivement à une montée en charge du public ces dernières années. Quatre millions d'entrées annuelles, ce qui représente une moyenne journalière de 13 000 personnes, font de la BPI la bibliothèque la plus fréquentée du monde. Cette affluence ne se dément pas depuis dix ans, elle aurait même tendance à croître. La file d'attente, qui peut durer deux heures pendant les périodes de pointe l'hiver, est une des rançons de son succès. Une enquête faite en 1991 sur le recours aux bureaux d'information de la BPI confirme ces difficultés de repérage dans l'établissement, la méconnaissance des services offerts par une grande partie du public et la mauvaise compréhension du classement topographique.

Une part importante des questions posées dans les bureaux d'information concerne les renseignements pratiques : 47 % des questions au bureau 1-2 (philosophie et religions ), 32,5 % au bureau 0 (documentation générale) et la réorientation : un tiers des questions des bureaux 0 et 1-2. Ces deux bureaux d'information – le 0 toute l'année et le 1-2 pendant les périodes de vacances – perdent donc leur fonction de bureaux spécialisés pour devenir des bureaux d'accueil et d'orientation.

Cette enquête a renforcé les motivations qui ont présidé au lancement du projet des bornes interactives par le service de l'Accueil. Décharger les bibliothécaires des questions répétitives et fastidieuses, favoriser le travail sur les questions purement bibliothéconomiques, tels ont été entre autres les objectifs de ce projet.

Mise en route du projet

Avant de se lancer dans ce projet de bornes interactives d'orientation, il a semblé prudent de prospecter les différentes sociétés de services spécialisées dans ce domaine afin de se faire une idée du marché : l'offre en matière de produits logiciels et de matériels, le conseil en communication pour l'information électronique multimédia et les bornes interactives en particulier.

Dans ce domaine, le paysage de l'offre est très changeant dans le temps. Peu nombreuses sont les sociétés qui sont restées implantées depuis le milieu des années 80, début de la communication multimédia interactive. Un nombre important de sociétés existent depuis un an ou deux. Il est donc important de connaître celles qui sont les plus actives, leurs applications en cours, leurs outils logiciels et leurs matériels de travail.

La plupart des sociétés spécialisées en France offrent un service complet : conseil en communication, conception générale, écriture du scénario, réalisation informatique, fourniture du matériel et du mobilier, maintenance. Mais souvent elles n'ont pas la maîtrise de toutes les facettes d'un nouveau métier nécessitant la réunion de nombreuses compétences que l'on a de surcroît peu de chances de voir réunies dans une bibliothèque. La conduite d'un projet de bornes interactives dans un grand établissement public, la connaissance des problèmes de signalétique et d'orientation, la communication auprès du grand public, la maîtrise de l'information électronique multimédia, la maîtrise de la micro-informatique (progiciel, système d'exploitation, programmation, matériels, intégration de périphériques son et image), le traitement numérique des images et des sons, le design du mobilier sont des savoir-faire difficiles à regrouper au sein d'une même entreprise.

C'est pourquoi plusieurs applications de bornes fonctionnant dans des lieux publics ont fait l'objet d'observations et de visites auprès de leurs concepteurs. En particulier, les bibliothécaires du service de l'Accueil ont suivi attentivement le projet de bornes d'orientation qui a vu le jour en 1988 dans les magasins de la Fnac au Forum des Halles. De nombreux points communs partagés avec la BPI – importance de la surface, produits culturels de nature encyclopédique –, ont suscité de l'intérêt pour ce projet destiné à favoriser une meilleure circulation dans le magasin ainsi que sa promotion.

Par la suite, un cahier des charges a été réalisé en janvier 1991 pour la fourniture de deux bornes interactives d'orientation et de communication. Des impératifs y ont été consignés concernant une grande solidité et fiabilité des matériels, une grande facilité d'utilisation, des plans graphiques et des photographies pour une représentation mentale des lieux, la délivrance automatique de tickets servant d'aide-mémoire à la consultation, la sonorisation de messages d'accompagnement, la possibilité de modifier aisément en interne les données bibliothéconomiques.

À l'époque, les sociétés spécialisées avaient fait leurs armes sur les bornes interactives par des développements spécifiques. Elles commençaient à proposer à leurs clients des progiciels de communication interactive. Ces derniers devaient permettre de rendre le client maître de son application, de la création à la maintenance évolutive de l'application. En effet, le client sur son poste de travail pouvait construire lui-même l'arborescence de son application, intégrer tous les éléments multimédias de son scénario. Ce devait être un travail aussi simple que de réaliser un rapport à l'aide d'un logiciel de traitement de textes. Le choix d'un tel progiciel proposé par une société de services, à la fois très convivial et facile d'apprentissage pour un bibliothécaire semblait très prometteur.

Pour la fourniture du mobilier et du matériel, il a été fait appel à une deuxième société. D'autre part, afin de bénéficier du savoir-faire en matière de communication interactive pour une borne d'orientation, une société de communication a été contactée 3. Celle-ci avait réalisé et procédé à l'évaluation de bornes d'orientation dans un grand magasin parisien.

Scénario et contenus

Cette société a apporté son aide dans la production et la mise en forme du contenu de la borne afin de réaliser une arborescence simple. Ce travail de communication à destination du grand public a été très enrichissant et nouveau. En effet, ce type de compétences ne fait pas partie des acquis professionnels d'origine des bibliothécaires.

Dans un premier temps, a été construite l'architecture du scénario à partir de cinq choix principaux : découverte de la BPI, recherche d'informations par thème, présentation de l'activité de formation et d'animation, renseignements pratiques, la BPI en bref. Dans la branche « Découverte de la BPI », sont présentés les espaces spécialisés comme le laboratoire de langues ou la logithèque, les nombreuses ressources documentaires, les centres de documentation du Centre Georges Pompidou et un accès arborescent à l'organisation topographique de la bibliothèque, partant des grandes classes de la classification décimale universelle (CDU) pour aboutir au lustre 4.

Ensuite, la charte graphique de l'application a été élaborée avec l'aide d'une graphiste. Une synthèse entre les couleurs de la ligne graphique des productions éditoriales et le logo des dépliants d'information est le résultat de ce choix. Un style de communication rédactionnelle incluant l'intervention des messages sonores parlés a également été défini.

La sonorisation de certaines parties de l'application a été décidée pour une aide pédagogique permettant de mieux saisir l'information délivrée à l'écran : un diaporama sonore, par exemple, pour bien faire comprendre le fonctionnement de la signalétique, que les lecteurs ont souvent du mal à appréhender. On estime que seulement un étudiant sur deux est capable d'aller rechercher un ouvrage dont il a la cote. Ce diaporama a consisté en la transcription d'une partie de la plaquette éditée BPI, mode d'emploi, qui concernait la formation à la CDU utilisée comme classement de la bibliothèque.

D'autre part, une campagne photographique concernant les abords de tous les espaces délimités présentés dans le scénario a été lancée afin d'utiliser le support photographique pour une meilleure reconnaissance visuelle des espaces.

La préparation des informations par les bibliothécaires a été longue. Elle a été axée sur plusieurs points :

– il a fallu, d'une part, récupérer les plans déjà existants de la maison, étage par étage, et effectuer le repérage des lustres sur ceux-ci. D'autre part, une observation fine de la signalétique a été menée afin de reprendre les mêmes mots dans la borne. A l'aide de ces plans et du relevé de la signalétique primaire (celle des bureaux d'information) et de la signalétique secondaire (celle des lustres), des plans par étage et par secteur ont été réalisés graphiquement sur un ordinateur ;

– un soin particulier a été apporté à la rédaction des itinéraires imprimés sur un ticket, servant d'aide-mémoire au lecteur qui quitte la borne pour se rendre dans le secteur choisi. Ces textes devaient être précis, composés de phrases courtes reliées par des conjonctions ;

– la liste des thèmes a été longuement travaillée par les bibliothécaires responsables des sept bureaux d'information. Cette liste est issue d'une longue réflexion sur les thèmes les plus demandés. Elle évolue dans le temps en fonction des préoccupations des lecteurs. Un compromis pour le choix du vocabulaire a été établi entre l'index alphabétique des cotes, les vedettes matières du catalogue et les termes des lecteurs, quand ceux-ci étaient beaucoup plus éloquents que ceux choisis par les bibliothécaires. L'index alphabétique des cotes, représentant la signalétique tertiaire sur les rayonnages, est la matière première principale de cette liste.

Les choix de ces termes ne correspondent pas toujours au vocabulaire du lecteur non averti. C'est ainsi qu'une entrée voitures a été ajoutée à l'entrée automobiles. De même, le thème médias, largement répandu et qui figure seulement comme vedette matière au catalogue, a été ajouté. Les titres d'ouvrages les plus demandés aux bureaux d'information donnent lieu à des entrées dans cette liste (le Vidal, le Quid, le Mayer, la collection Que sais-je ?), ainsi qu'un renseignement pratique crucial pour une bibliothèque uniquement en libre accès : Cartes pour photocopie.

Des sujets généraux ont été éclairés par les multiples points de vue possibles donnés par des sous-thèmes, qui renvoient à des endroits différents dans la bibliothèque. Ceux-ci peuvent être de nature différente, sous-thèmes matière ou de forme :

– la BPI ayant un important public étranger, il a été décidé de faire deux versions du logiciel. La borne est bilingue, français-anglais. Le choix de la langue se fait sur le premier écran. Les traductions de tous les textes ont été faites par nos collègues anglophones du British Council ;

– un vocabulaire professionnel utile à faire partager par les lecteurs a été communiqué dans le scénario. Les définitions de la CDU, d'une cote, d'un lustre y sont mentionnées.

En conclusion, ce travail a été long et s'est heurté à plusieurs reprises aux résistances habituelles face à ce nouveau type de service, nécessitant parfois d'aller à l'encontre des outils traditionnels des bibliothèques. Il fut cependant jugé bénéfique par les bibliothécaires, les conduisant à préciser leur vocabulaire vis-à-vis des lecteurs et à se représenter plus concrètement ce que peut être la formation à l'accueil dans une bibliothèque. L'intervention de la société Imédia dotée d'une réelle créativité, d'une maîtrise prouvée de la communication grand public par les moyens de l'informatique multimédia était la meilleure garantie du succès de ce projet.

Parallèlement à ce travail de collecte et de scénarisation des données, le projet a été suivi sur le versant technique, qu'il s'agisse de la maîtrise du progiciel sélectionné ou de l'intégration des matériels. Malheureusement, ce progiciel inachevé ne put servir de support à l'application BPI, notamment pour la partie recherche documentaire. Les idées qui avaient prévalu à sa conception étaient bonnes, mais ce progiciel, implanté pourtant sur de nombreux sites aux Etats-Unis, n'était pas entièrement finalisé. Depuis, les professionnels ne conseillent plus beaucoup de progiciels de communication interactive à leurs clients. Ceux qui sont disponibles sur le marché sont le plus souvent compliqués à utiliser et nécessitent des compétences de programmation.

Avec l'expérience, il apparaît difficile pour une bibliothèque de faire l'investissement de l'apprentissage et de la maîtrise d'un progiciel de communication multimédia. Le matériel choisi était un PC, un 386SX 20Mhz. Celui-ci n'a pas été conçu au départ pour le multimédia comme le Macintosh. Il a plutôt été conçu pour la bureautique et demande une grande vigilance à propos des différents éléments choisis : écran tactile, imprimante, puissance, mémoire vive, carte graphique, carte sonore du micro-ordinateur. Sur le Macintosh en revanche, la carte graphique et la carte sonore sont intégrées sur la carte mère, ce qui simplifie la plate-forme matériel.

Cette première étape fut très fructueuse pour l'élaboration du produit, la collecte des données, le travail collectif des bibliothécaires autour de ce projet, mais plutôt décevant sur le plan technique. Un second cahier des charges dut être lancé pour la réalisation informatique et l'achat d'un nouveau matériel. En fait, l'opération s'est faite en deux temps. Lors de la première étape, a été réalisée la conception détaillée du programme ; lors de la deuxième, s'est effectuée la réalisation informatique et concrète du projet. Un peu déconcertés au départ par la tournure des événements, les bibliothécaires furent rassurés au terme d'une rencontre avec le service informatique et audiovisuel de la Cité des sciences de la Villette – sous la responsabilité d'Isabelle Goutte. Ayant à son actif la réalisation de plus de deux cents bornes interactives multimédias, ce service utilise depuis toujours cette même méthodologie en deux temps, imposée à la BPI par les circonstances.

Mise en place

Pour des raisons budgétaires, ce ne fut qu'au mois de février 1993, que le second cahier des charges pour l'intégration et la réalisation de deux bornes interactives d'orientation et d'information fut lancé. A partir de la conception détaillée fixant écran par écran tous les éléments multimédias ainsi que les enchaînements, les prestataires de services ont eu le choix des outils pour la réalisation du programme applicatif.

La société a été sélectionnée au mois de juillet 1993 5. Le matériel multimédia choisi fut un Macintosh. Les deux écrans de 17 pouces avec leur dalle tactile, les deux imprimantes Magnetec à tickets de la première plate-forme furent conservés et intégrés à ce nouveau matériel. L'ensemble du travail graphique, les menus et les plans des différents étages, ont été réutilisés dans la programmation du scénario effectuée sous le progiciel multimédia Macromind Director. Ce progiciel édité, de conception américaine, est très répandu dans les sociétés de services informatiques multimédias françaises, ce qui est un sérieux atout pour l'évolution du produit. La conception détaillée a été reprise telle qu'elle avait été définie. Le produit final a été rendu plus vivant et attractif par des animations graphiques sur les principaux menus.

Les exigences d'une totale maîtrise du produit furent revues et corrigées dans une optique plus réaliste. Celle-ci s'est révélée largement suffisante dans la pratique actuelle de mise à jour des données des bornes. Avec les prestataires de services, a été mise au point la maintenance des données de l'application. Tous les éléments susceptibles de changer sont intégrés dans des structures de données indépendantes qui peuvent être mises à jour facilement sans s'investir dans la programmation. En effet, s'il est impossible de revoir la structure arborescente du produit, en revanche, toutes les données bibliothéconomiques sont modifiables à tout moment, ce qui est largement suffisant.

Les données de la borne sont enregistrées dans une base gérée par le SGBD Filemaker Pro sur un poste PC situé en interne. Les données modifiées sont transférables très aisément sur les deux bornes. L'ensemble des textes, la liste des thèmes et même la position d'un lustre sur un plan secteur peuvent être changés à tout moment sans contrainte aucune. Les problèmes de formation à la gestion de la borne sont donc fortement réduits sur ce projet dont la maintenance applicative peut être ainsi prise en charge par n'importe quel bibliothécaire.

Le mobilier fut conservé, mais transformé, la hauteur de la borne initiale étant jugée trop importante. Les prestataires de services avaient conseillé une hauteur de 1,50 m du centre de l'écran au sol qui fut ramenée à 1,25 m, ce qui est beaucoup plus confortable pour une consultation tactile et en position debout.

Réception faite du logiciel et du mobilier à la rentrée de septembre 1993, les deux bornes étaient installées au début du mois d'octobre à l'entrée de la BPI juste après les tattle-tapes 6.

L'écran, à portée de main et de regard, est l'élément palpable principal du mobilier de la borne où l'ensemble des matériels sont insérés. L'usager dialogue avec le système à l'aide de l'écran recouvert d'une plaque tactile prenant en compte les choix effectués par le doigt. Plans graphiques des trois niveaux de rayonnages de la BPI, photographies en couleurs des différents espaces, itinéraires d'orientation imprimables sur des tickets expulsés par une fente sur le devant de la borne, explications sonores venant compléter la lecture sur l'écran des textes, l'information des bornes d'orientation est largement diffusée sous forme multimédia.

Évaluation

La BPI, depuis sa création, a toujours eu la vocation d'être un laboratoire des nouvelles technologies. Une de ces missions est de les évaluer et de diffuser aux autres bibliothèques le résultat de ces expériences. Une année complète de service régulier permet de dresser un premier bilan des usages de ces deux bornes interactives.

D'une part, un programme de statistiques a été réalisé permettant très précisément de suivre le parcours de chaque usager. Chaque choix d'écran ou de thème est mémorisé par la machine. Il n'a pas été possible pour des raisons budgétaires d'engager une étude approfondie des bornes à partir de ces comptages informatiques 7.

À l'aide de ces outils, nous avons pu vérifier que la borne était utilisée de façon continue : de 4 à 5 interrogations de 5 à 10 minutes par heure. Le taux d'utilisation est donc important et l'installation d'autres bornes au premier et au troisième étages ainsi qu'à la salle d'actualité est envisagée. La période estivale voit une très forte utilisation des bornes sans aucune discontinuité, alors que la période d'hiver est paradoxalement plus calme l'après-midi. En effet, le blocage des entrées dû à l'affluence du public réduit les flux d'entrées-sorties et freine donc l'utilisation des bornes.

Par ailleurs, dans la tradition de l'expérience d'un questionnement social et culturel des nouvelles technologies, une enquête sociologique d'évaluation a été menée à bien. Étudier le point de vue des usagers, recenser les usages effectifs des bornes par rapport à ceux prévus initialement, tels étaient les objectifs. Cette enquête a été réalisée du 14 février au 17 avril 1994 par deux stagiaires 8 postées à l'entrée de la bibliothèque, à partir d'un échantillon de 300 questionnaires, ce qui représente la moitié à peu près des usagers qui viennent pour la première fois à la BPI chaque jour (700 sur 13 000). Le taux de réponse à l'enquête a été de 93 %.

La consultation par les lecteurs

Pourquoi le lecteur consulte-t-il les bornes ? 70 % des personnes interrogées demandent une information précise, qu'il s'agisse d'un renseignement bibliographique (61 %), d'une orientation (35,3 % d'entre eux désirent connaître l'emplacement d'une cote ou d'un domaine) ou d'un renseignement pratique (20 %). 30 % veulent une présentation générale de la BPI.

On s'aperçoit donc que 42,7 % des lecteurs utilisent la borne comme un substitut du catalogue électronique de la bibliothèque. A cela plusieurs raisons. La borne paraît plus facile d'accès pour les personnes qui sont réfractaires à l'informatique comme les retraités ou certains scolaires. D'autres considèrent que l'accès à l'information sur la borne est plus direct, plus rapide ou préfèrent toucher un écran plutôt que de taper sur un clavier. Dans le cadre de recherches larges où le lecteur localise un secteur dans lequel il termine sa recherche en libre accès, les bornes constituent une aide non négligeable. Cependant les bornes ne se substituent pas aux catalogues de la bibliothèque sur GEAC ou sur le CD-Rom Lise, alors que des usagers les utilisent comme tels. Les bornes semblent nécessaires pour « guider » les recherches générales relatives à la constitution d'un dossier à thèmes.

La satisfaction des usagers

Quel est le degré de satisfaction des usagers ? 65 % des personnes interrogées ont trouvé ce qu'elles cherchaient grâce aux indications données par les bornes, 12 % ont même aussi découvert un lieu dont elles ne soupçonnaient pas l'existence. L'orientation vers le lieu indiqué se fait directement pour 38,6 % des personnes interrogées, 14,3 % y vont en tâtonnant. Une personne sur trois imprime un ticket.

L'intérêt et l'utilité des bornes se mesurent par la qualité du service rendu aux usagers. Cette qualité apparaît à travers le degré de satisfaction des personnes interrogées. A ce propos, l'enquête met en évidence une tendance positive.

Fait étonnant, même lorsque les usagers ne trouvent pas ce qu'ils cherchent, ils sont en majorité satisfaits de l'accès à l'information, des temps de réponse, des itinéraires et des plans. On s'aperçoit donc que, dans l'ensemble, les personnes interrogées, même dans le cas où elles n'obtiennent pas la réponse recherchée, sont satisfaites d'avoir effectué une interrogation sur un système d'information multimédia. Celui-ci est doté d'une interface tactile largement plébiscitée par les usagers. 59,1 % préfèrent toucher l'écran, 21 % utiliser le clavier, 19,9 % n'ont pas de préférence.

Serait-il souhaitable d'envisager des extensions aux informations proposées par la borne ?

24 % sont favorables à l'ajout d'informations concernant les projets des différents services (banques d'images, etc.), 33 % à l'ajout des productions éditoriales, 49,5 % à l'ajout du calendrier des formations destinées au public, 52 % aux programmes d'animations et de débats.

Il avait été projeté que, dans une étape ultérieure, les bornes pourraient servir de vitrines aux nouveaux produits et services offerts par la BPI. Or, il n'apparaît pas clairement que les usagers aient le souci d'obtenir une plus grande abondance d'informations. Ils n'ont pas le profil thésauriseur des chercheurs, ni les exigences des bibliothécaires. Les bornes ne doivent pas être trop chargées d'informations sous peine d'être victimes des effets pervers d'une trop grande abondance de biens.

Il apparaît que les bornes sont utilisées par toutes les professions et catégories sociales. Les différences de démarches sont négligeables entre les professions et catégories sociales et entre les sexes.

Un premier bilan

Les bornes d'orientation et d'information ont remporté un franc succès auprès du public, qui les utilise de façon continue. C'est une des originalités de la BPI. Elles font maintenant partie du paysage et apparaissent comme des outils indispensables auxquels les bibliothécaires renvoient les lecteurs novices qui désirent une présentation générale de la bibliothèque. Elles sont sans nul doute un moyen de formation au fonctionnement de la bibliothèque en permanence disponible.

La communication, la consultation sont à la fois simples et conviviales :

– l'utilisateur peut comprendre la classification des documents ;

– il peut se rendre le plus directement possible au lieu exact où se trouve le document qu'il recherche. Plusieurs moyens sont mis à la disposition des lecteurs : plans pour ceux qui ont le sens de l'orientation, textes pour les plus littéraires et, comme soutien des plans, messages sonores d'accompagnement. Plans et messages sont compris par les usagers ;

– les bornes sont accessibles à tout le monde sans formation préalable. Elles ont tout pour être conviviales.

Elles peuvent cependant être améliorées. La présentation des informations mérite d'être plus condensée et de projeter plus directement l'usager dans l'information utile. Certaines parties de l'application ne sont pas suffisamment mises en valeur comme le diaporama sur la classification. L'absence de bornes aux étages 1 et 3 qui sont les plus grands espaces de la BPI est préjudiciable à leur meilleure intégration dans l'offre de services de la bibliothèque.

L'insuffisance de la signalétique, la complexité du système de classement, la taille importante des espaces publics, un public très dense représentent un ensemble de conditions nécessaires à ce type d'offres dans une bibliothèque. C'est pourquoi cette expérience n'est pas transposable à toutes les bibliothèques. Les grandes bibliothèques publiques municipales, les bibliothèques universitaires intégrées dans de vastes campus surchargés d'étudiants sont des candidates potentielles à l'introduction de ces produits informationnels qui touchent un public qu'il n'avait pas été possible d'aider jusqu'à présent. Cependant, même dans les bibliothèques de taille ou de fréquentation plus restreintes, il n'y a pas lieu de négliger cette fonction d'orientation et de présentation de l'offre de services. Dans ce cas, un complément d'information délivré par l'intermédiaire du catalogue électronique peut être tout à fait suffisant.

Les bornes contribuent à faire de la BPI un lieu d'épanouissement laissant le lecteur libre de ses choix, de ses mouvements et de son temps dans un contexte d'autoformation.

Octobre 1994

Illustration
Repérages en bibliothèque

  1. (retour)↑  Jean-Pierre SEGUIN, Comment est née la BPI : invention de la médiathèque, Paris, BPI/Centre Georges Pompisou, 1988.
  2. (retour)↑  La BPI est, comme le Centre de création industrielle (CCI) et le Musée national d’art moderne (MNAM), située, dans le Centre Georges Pompidou. De ce mariage, sont nées certaines obligations dont celles d’adopter une signalétique commune à l’ensemble du Centre. Contraints d’emprunter les coursives aériennes situées sur la façade avant du bâtiment pour se rendre dans les différents départements, les usagers se forgent des représentations topographiques qui échappent souvent à cette signalétique unificatrice.
  3. (retour)↑  Société Imédia.
  4. (retour)↑  Ce panneau de signalisation cubique suspendu au plafond délimite soit un sous-secteur d’un bureau d’informations, soit un ensemble de rayonnages.
  5. (retour)↑  Société Ivao.
  6. (retour)↑  Tattle-tape : système de sétection de vol situé à la sortie de la BPI.
  7. (retour)↑  Ceci peut faire l’objet d’un mémoire de diplôme d’études approfondies (DEA) en sciences de l’information. Avis aux amateurs !
  8. (retour)↑  Cécile BADET, Bérengère BECKER, Enquête à la BPI sur les bonnes interactives d’orientation et d’information.