Stratégie pour un développement

En 1991, la bibliothèque départementale de Lot-et-Garonne a élaboré une nouvelle politique de formation destinée aux responsables de bibliothèques municipales de son réseau. La gestion directe par la bibliothèque départementale, la décentralisation des lieux de stage, l’augmentation du nombre de journées proposées, l’appel fait à des intervenants très qualifiés sont quelques points essentiels de ce que l’on pourrait appeler une stratégie de dynamisation. L’articulation étroite entre les politiques de formation, d’animation, de gestion des fonds et de promotion renouvelle l’image des bibliothèques municipales et leur donne des atouts pour leur développement. S’il est trop tôt pour faire un bilan d’impact, le nombre des stagiaires concernés est le signe qu’une véritable demande commence à être satisfaite.

In 1991, this library has developed a new training policy for the persons in charge of the public libraries of its network. The direct management of the bibliothèque départementale, the decentralisation of the places of training periods, the increasing number of training days, the appeal to very qualified speakers, are some essential points of what could be called a strategy of dynamisation. The close articulation between the training policies, the policies of cultural activities, of the bookstock management and of promotion are renewing the image of the public libraries and are giving to them assets for their development. If it is too early to make an impact assessment, the number of trainees is the sign that a real request begins to be satisfied.

Die Departementsleihbibliothek Lot-et-Garonne hat 1991 eine neue Ausbildungspolitik entworfen zugunsten der für die Stadtbibliotheken ihres Netzes Verantwortlichen. Unmittelbare Verwaltung durch die Departementsbibliothek, Dezentralisierung der Praltikumsorte, zunehmende Zahl der vorgeschlagene Bildungstage, Beitrag sehr qualifizierter Fachleute, so bestimmt man eine sogenannte Dynamisierunsstrategie. Die enge Verbindung zwischen der Ausbildungs-, und der Lebhaftigkeits-, der Sammlungsverwaltungs- und der Werbungspolitik kann das Bild der Stadtbibliotheken erneuern und gibt ihnen Trümpfe für ihre Entwicklung. Wenn es auch zu früh, um das Endergebnis dieser Erfahrung mitzuleiten, kann die Zahl der betroffenen Praktikanten einen echten Erfolg bestätigen und den Beweis erbringen, daß deren Bitte deren gewärht wird.

Comme dans la plupart des bibliothèques départementales, une tradition de formation existe au sein de la bibliothèque départementale de Lot-et-Garonne. Le souci d'une formation à la bibliothéconomie et à l'animation, l'information sur la production éditoriale adulte et jeunesse ont toujours été présents. Le nombre de journées qui y était consacré était réduit – quatre à cinq journées par an – et un véritable plan de formation n'était guère lisible. De plus, les crédits pour gérer ce domaine étaient affectés à « l'Association des amis de la BCP  ».

À partir de 1991, une évolution se dessine. Le changement est d'abord politique puisque les crédits de formation sont directement inscrits au budget de la bibliothèque départementale qui en assure la gestion pleine et entière. Le changement est aussi stratégique, puisque les formations sont décentralisées sur diverses communes du département. Le changement est quantitatif, puisque le nombre de jours consacrés à la formation dépasse la trentaine. Enfin, le changement est structurel puisque la programmation devient annuelle avec une stratégie pluriannuelle.

Les lignes qui suivent exposent les grands axes de cette politique de formation, mise en place progressivement de 1991 à 1994, et qui se veut toujours en évolution et en cours d'élaboration.

Des partenaires à dynamiser, un réseau à créer

Dans une situation de desserte ancienne (création de la bibliothèque départementale en 1957) où coexistent petits dépôts, mairies et écoles, prêt direct par bibliobus, bibliothèques-relais et bibliothèques municipales, les partenaires de la bibliothèque départementale sont un groupe très hétérogène constitué de professionnels et de bénévoles, de personnes expérimentées et de débutantes, de personnes isolées et d'équipes.

Seules trois villes dans le département ont plus de 10 000 habitants. Neuf communes de moins de 10 000 habitants ont des bibliothèques municipales gérées par des professionnels ; une soixantaine de relais sont des partenaires plus ou moins dynamiques de la bibliothèque départementale. Enfin, la notion de réseau n'existe quasiment pas.

L'idée de formation, ou de formation continue, ne s'impose qu'à un nombre restreint de personnes. La situation géographique du Lot-et-Garonne, à l'est de l'Aquitaine et à la frontière de Midi-Pyrénées met le département aussi près de Bordeaux que de Toulouse.

Et les routes du département, sinueuses, qui serpentent au milieu de vignes, des vergers et des champs de tournesol, si elles incitent à la rêverie et au plaisir du carpe diem, rendent les distances phénoménales pour certains.

L'enjeu d'une politique de formation est donc de donner un élan au développement de la lecture publique avec un renforcement de l'existant par une amélioration du service, et une multiplication de bibliothèques municipales ayant vocation à être des centres culturels autour du livre et de la lecture.

Une palette d'objectifs

Derrière cet objectif très global de développement, apparaissent de nombreux autres objectifs plus ou moins prioritaires, qui, en se croisant et tissant une toile, vont donner corps et personnalité à la politique de formation :

– objectifs humains : favoriser et multiplier les échanges entre bibliothécaires de la bibliothèque départementale et partenaires de terrain ; susciter des rencontres entre dépositaires ; maintenir ou renforcer les motivations des bénévoles ;

– objectifs promotionnels : grâce à une plaquette très raffinée pour la présentation des stages et des articles fréquents dans la presse locale, la bibliothèque départementale peut créer ou renforcer son image de marque et soutenir une politique de promotion des bibliothèques municipales ;

– objectifs politiques : une politique de formation décentralisée permet d'être présent, tout au long de l'année, en différents cantons du département. La vocation départementale du service est plus visible et plus affirmée. Des liens se tissent avec les élus dont les bibliothèques municipales accueillent des stages ;

– objectifs partenariaux : une politique de formation diversifiée et décentralisée crée des occasions de partenariat avec les bibliothèques municipales, avec des intervenants locaux, avec des associations, élargissant ainsi le réseau des partenaires de la bibliothèque départementale ;

– objectifs bibliothéconomiques : une bonne formation entraîne une meilleure gestion et donc une efficacité accrue des bibliothèques ;

– objectifs de mise en valeur des fonds : la bibliothèque départementale dispose de fonds importants, peu ou mal mis en valeur, ignorés de la plupart des dépositaires qui choisissent dans les bibliobus ou demandent des nouveautés. La bibliothèque choisit délibérément de se situer sur un autre créneau que la librairie en gérant sa politique de formation de façon à faire tourner ses stocks.

En résumé, la politique de formation devait s'imposer par sa cohérence, sa diversité, son intérêt, sa proximité. Elle devait être très attractive dans sa formulation et dans sa présentation. La qualité des intervenants et la convivialité des stages étaient des points non négligeables.

L'ouverture à tous les publics – enseignants, personnel de la petite enfance, personnel hospitalier, sans profession... – était une nécessité absolue dans une perspective d'élargissement du partenariat.

Enfin, les gains en enrichissement personnel retirés par les stagiaires devaient permettre de transformer leur tiédeur – fréquente au départ – en enthousiasme et en fidélité.

Pragmatisme et visée à long terme

En partant de l'idée que la cohérence de la politique de formation et ses conséquences ne seront lisibles qu'après quelques années (5 ans ? 10 ans ?), le choix des thèmes relève à la fois de l'opportunisme et de l'écoute apportée aux demandes des bibliothèques.

Les intervenants potentiels (dans le département, en région ou au plan national), les sollicitations venant de partenaires associatifs, les demandes des bibliothécaires, les souhaits des bibliothécaires de la bibliothèque départementale jouent leur rôle dans un équilibre à trouver et dans une programmation à long terme.

L'idée d'un canevas rigoureux, au dessin variable, mais au contour établi, s'imposait très vite ainsi que l'inscription dans un calendrier annuel et même pluriannuel :

– une base : « La formation élémentaire à la gestion d'une petite bibliothèque », d'une durée de 48 heures réparties sur huit jours était dans un premier temps proposée au cours de deux sessions annuelles. Chacune des sessions se situait en des points géographiques éloignés et bien distincts, bien que destinés à toute personne intéressée, quelle que soit sa bibliothèque de rattachement.

La participation à cette formation, par deux personnes, est une condition nécessaire pour obtenir un dépôt de mobilier dans le cas de création de bibliothèque municipale de moins de 100 m2 ;

– des points fixes, tous les ans : un « mini-stage d'initiation au conte » et une information consacrée aux livres pour les moins de 6 ans (stages courts, de un à deux jours) ;

– des points fixes tous les deux ans : « Les livres, les sens, le sens », « Vers une pédagogie du livre » et perfectionnement à l'art de conter, qui sont des stages d'approfondissement d'une durée plus importante (trois à quatre jours) ;

– une alternance de journées thématiques pour les livres pour adultes : la découverte des littératures étrangères, des genres littéraires et des domaines documentaires est l'axe de travail retenu pour les livres pour adultes, en lien avec l'objectif de rotation des collections.

Un à deux thèmes de littérature étrangère, un domaine documentaire, un support particulier ou un genre peuvent être retenus chaque année :

– des thèmes liés à la gestion : connaissance des logiciels pour petites bibliothèques :

– des voyages : une journée consacrée à la visite de deux bibliothèques de la région, une journée consacrée à un salon du livre, et, si l'opportunité se présente, une participation à une journée d'étude se sont inscrites de façon naturelle dans le cycle de formations.

Le nombre de jours de stage acceptables en charge de travail pour la bibliothèque départementale est maintenant fixé à un maximum de 37, avec des variations possibles (une seule formation élémentaire en 1995, et donc 29 jours de stage).

Le budget consacré à la formation et à sa promotion (environ 90 000 F) permet de faire appel à des intervenants de qualité, spécialistes dans leur domaine, qu'ils soient professeurs d'université, critiques littéraires, bibliothécaires, conférenciers, enseignants, libraires, conteurs, venant de la France entière (Paris, Lille, Colmar, Limoges, Nantes...) et bien sûr d'Aquitaine.

Seule « la formation élémentaire » a pour intervenants les bibliothécaires de la bibliothèque départementale, par souci de contact et de suivi pédagogique.

En interne, les journées de formation jouent un rôle de mise à jour et de vérification des collections. Des crédits d'acquisition spécifiques sont réservés à cet effet. Chaque journée thématique est gérée par une bibliothécaire, selon son secteur d'acquisitions.

Une articulation complexe

La politique de formation est très étroitement liée à d'autres moyens mis en œuvre pour dynamiser les bibliothèques : les animations, les expositions, les valises thématiques et les fonds CNL (Centre national du livre).

Pour prendre quelques exemples :

– la bibliothèque départementale programme des stages autour du conte, organise « les soirées contées en Lot-et-Garonne », propose une valise thématique « contes » et prépare des dépôts CNL de recueils de contes ;

– un collectif d'associations monte une manifestation sur le thème « Africultures » : la bibliothèque départementale organise une journée de formation sur la littérature d'Afrique noire, achète l'exposition « Les Littératures d'Afrique noire de A à Z » et crée une valise thématique ;

– il existe à Monflanquin des ateliers d'artistes en résidence. La bibliothèque départementale profite de ce fait, et de la présence en Lot-et-Garonne d'un excellent conférencier en histoire de l'art pour créer une valise « Art contemporain » en lien avec un stage ;

– la bibliothèque départementale fait créer une exposition « Maison livre-toi » autour des livres pour les moins de six ans, organise régulièrement des journées de stage sur ce thème, constitue des fonds CNL dans les principales bibliothèques municipales et entame une collaboration avec le service PMI (protection maternelle et infantile) ;

– la bibliothèque départementale organise un voyage au Salon de la bande dessinée à Angoulême, fait venir un animateur du salon, et constitue une valise thématique.

– cinq expositions de livres sont programmées chaque année dans le hall de la bibliothèque départementale ; autant que faire se peut, certaines sont en lien avec un stage et la création d'une valise.

Pour les lieux de stages, une ligne de conduite générale a été définie, des exceptions pouvant y être faites. La bibliothèque départementale (située à Villeneuve-sur-Lot) et les bibliothèques municipales gérées par des professionnels sont des points d'appuis privilégiés. La bibliothèque départementale étant plutôt réservée aux journées thématiques adultes, et les bibliothèques municipales aux stages longs ou spécialisés en animation jeunesse (ces stages étant programmés régulièrement, ils peuvent, année après année, intéresser un secteur géographique du département). Des communes ayant des bibliothèques-relais ou des bibliothèques municipales en projet sont réservées pour accueillir la formation élémentaire.

Indices de satisfaction

Une évaluation fine concernant le recrutement des stagiaires et les effets de la politique de formation sur les performances et pratiques des bibliothèques est tout à fait prématurée. Un certain nombre de constatations s'impose cependant, d'évidence.

En ce qui concerne le réseau existant, seul a été attiré par les formations le personnel professionnel et qualifié, déjà repéré comme élément dynamique. Le personnel des relais ou antennes bien installé dans des habitudes et une gestion traditionnelle ne s'est guère senti concerné. Seules quelques personnes ont revu leurs connaissances en suivant la « formation élémentaire... ».

Par contre, un nombre très important de personnes ayant des souhaits ou des projets de création de bibliothèque municipale dans leur commune ont suivi cette formation, qui est une condition impérative pour l'attribution d'aide en mobilier. Un certain nombre d'entre elles se sont fidélisées et suivent l'une ou l'autre des formations plus approfondies ou les voyages.

On peut noter avec intérêt la diversification du recrutement des stagiaires, tant sur le plan professionnel que géographique. Le personnel des crèches et de la petite enfance s'intéresse de plus en plus aux formations proposées. Les stagiaires viennent de plus en plus loin (Aquitaine et Midi-Pyrénées) et des bibliothécaires professionnels saisissent l'occasion pour une formation continue ou une formation post-recrutement.

Enfin, dans le domaine de l'animation et de la mise en valeur des fonds, on peut remarquer une très bonne utilisation des valises thématiques, donnant lieu à des expositions, à des articles dans la presse, à une mise en valeur réfléchie.

En lien avec la politique de formation, aucune réflexion de fond n'a été menée, ni aucun acte concret initié, concernant le statut des bénévoles ou la place respective des bénévoles et des professionnels dans une bibliothèque.

Paradoxalement, on peut cependant supposer qu'une meilleure formation des bénévoles met en évidence la nécessité d'avoir recours à des professionnels à partir d'un certain niveau d'équipement.

La complexité et la diversité des tâches à accomplir, l'ampleur des connaissances à posséder, mises en avant par les bénévoles eux-mêmes ou par la variété des programmes de formation, sensibilisent les élus à des recrutements nécessaires.

Enfin, il est important de dire qu'en même temps que se développait une politique d'animation et de formation, le Conseil général de Lot-et-Garonne instaurait un régime spécifique d'aide à la création de bibliothèques municipales venant en complément de celui de l'Etat, et adoptant les mêmes critères. Cinq projets ont été déposés, et trois bibliothèques municipales sont complètement réalisées, qui seront gérées par deux assistants qualifiés et un agent qualifié.

Savoir quelle est la part de la promotion, de la formation ou d'autres facteurs dans la création de bibliothèques municipales est difficile à saisir. Gageons que c'est la résultat d'un subtil mélange, dans lequel, avec optimisme, on peut penser que la formation joue un rôle.

Octobre 1994