Formation à l'information scientifique et technique

à la Faculté des sciences de Rouen

Maryvonne Holzem

Geneviève Laplace

Anne Jay

Agnès Romier

À l’université de Rouen a été mise en place en 1985 une unité de valeur « Initiation à la recherche et à l’information scientifique (IRIS) », obligatoire en 2e année d’études universitaires. Cette formation, assurée conjointement par les enseignants-chercheurs et les bibliothécaires, a dû s’adapter à un nombre croissant d’étudiants et prendre en compte les attentes de ce public, mais aussi les nouveaux outils de recherche bibliographique. Cet article contient un bref historique, une description de cet enseignement et de son évolution, les résultats d’une enquête réalisée auprès des étudiants ainsi que les interrogations qu’elle a suscitées.

In 1985 at the University of Science of Rouen, a course was created : Initiation to Search and Scientific Information (IRIS) to be compulsory in the second year of studies. The teaching of this course was to be performed by both scientists and librarians of the science department, had to be adapted to an increasing number of sutdents and had to meet public demand as well as to incorporate the new bibliographic search tools. This article contains a brief history of the course, a description of its content, the result of a survey made among the students and the question it raised.

1985 wurde an der wissenschaftlichen Fakultät der Universität Rouen die Studieneinheit (unité de valeur) « Einführung in bibliographische Suchverfahren und wissenschaftliche Informationsverarbeitung » (Initiation à la recherche et à l'information scientifique - IRIS) etableirt. Das Fach ist im 2. Studien-jahr obligatorisch. Der Unterrchtsstoff - gemeinsam vermittelt von Professoren und Bibliothekaren der Wissenschftssektion der Universitätsbibliothek - mußte nach und nach an eine wachsende Zahl von Studenten adaptiert und besser an deren Erwartungen angepaßt werden. Darüberhinaus mußten neuartige Hilfsmittel bibliographischer Nachforschung berücksichtigt werden. Dieser Artikel enthält einen kurzen historischen Rückblick, eine Beschreibung der Lehrinhalte und deren Evolution, die Ergebnisse einer Umfrage unter Studenten sowie die sich daraus ergebenden Fragestellungen.

La réforme des premiers cycles universitaires de 1984 visait à améliorer le taux de réussite des premières années en donnant à l'étudiant des moyens d'acquérir des méthodes de travail et de mieux maîtriser son environnement. La réforme insistait sur l'introduction, dans le cursus du diplôme d'études universitaires générales (DEUG), de l'enseignement de langages fondamentaux : maîtrise du français, langue vivante étrangère, informatique et recherche de l'information scientifique. C'est dans ce cadre que l'Unité de formation et de recherche (UFR) des sciences de l'université de Rouen a créé en 1985 une unité de valeur (UV) intitulée IRIS (Initiation à la recherche de l'information scientifique). Cette unité de valeur est obligatoire pour tous les étudiants de deuxième année de sciences. Il s'agit donc d'une formule « lourde » si l'on se réfère à ce qu'écrit Jean-Emile Tosello-Bancal (3).

En 1988, la Direction des enseignements supérieurs et de la recherche et la Direction des bibliothèques, des musées et de l'information scientifique et technique organisaient un colloque intitulé L'information scientifique et technique dans l'Enseignement supérieur. Lors de ce colloque, deux enseignants de Rouen déclaraient : « Il est encore trop tôt pour juger des répercussions sur les années ultérieures de scolarité de l'acquis de l'outil documentation ».

Aujourd'hui cette unité de valeur, qui répond exactement aux objectifs du colloque, a dix ans et il est possible de se livrer à l'analyse approfondie de son évolution (contenu, effectifs, équipe enseignante...), de ses répercussions sur la section sciences de la bibliothèque universitaire et de son impact sur la formation des étudiants. Une enquête a par ailleurs été réalisée pour mieux connaître les attentes des étudiants et redéfinir cet enseignement dans un cadre global.

Historique

Le choix d'un enseignement obligatoire en DEUG a tout de suite remporté l'unanimité des enseignants. Cela permettait à tous les étudiants d'acquérir un minimum de connaissances en matière de recherche d'information scientifique. Les professeurs de chimie et de biologie, utilisateurs réguliers et interlocuteurs privilégiés de la BU, furent à l'origine du projet et firent appel aux bibliothécaires pour la présentation de la section et l'initiation à la recherche documentaire informatisée.

Cette coopération ayant été très fructueuse, une équipe enseignante plus importante s'est formée, comprenant des enseignants du supérieur et des bibliothécaires. La répartition des rôles a alors changé, chaque intervenant prenant en charge un (ou plusieurs) groupe(s) pour toute l'UV, les enseignants du supérieur suivant de préférence les filières de leur spécialité. Cette nouvelle formule a permis l'homogénéisation des contenus, l'infrastructure – locaux, matériel, outils bibliographiques, etc. – étant assurée par la BU. Cet enseignement est toujours obligatoire pour tous les étudiants de deuxième année, même si leur nombre a plus que doublé depuis 1985. Il est divisé en deux parties : 28 h de cours et travaux dirigés (TD) et 22 h pour l'élaboration d'un dossier par les étudiants.

Description de la formation

L'enseignement de la bibliographie ne pouvant se concevoir sans la pratique des outils, nous avons voulu centrer la formation dans le programme 85 sur leur manipulation.

Contenu des TD

Après un cours magistral de présentation générale de l'IST, des bibliothèques universitaires et des réseaux, toute la formation prend la forme de travaux dirigés. La première partie de la séance est consacrée à une présentation théorique du ou des supports étudiés. Les étudiants passent ensuite immédiatement à la manipulation des outils en répondant à des questionnaires qui sont corrigés collectivement en fin de séance.

Exemple de questions :

– Trouver dans les fichiers des ouvrages sur la biomasse,

– Combien la BU possède-t-elle de livres écrits par Haroun Tazieff ?

– Où trouver des informations récentes sur le minitel ?

– Adresse de la bibliothèque de l'Institut du thé à Colombo ?

– Nom d'un corps chimique à partir de sa formule ?

– Que veut dire le sigle RMN ?

Le dossier

Il tient lieu d'examen final et sert au contrôle des connaissances acquises. Les étudiants se groupent en binôme pour choisir un sujet ou un article scientifique en fonction de leur intérêt et en tenant compte de la documentation disponible au sein du service commun de la documentation (SCD). Ce choix doit être soumis à l'enseignant responsable du groupe.

Le dossier comporte deux parties :

1. La production d'un article de synthèse sur le sujet choisi. Cette synthèse doit être présentée sous forme d'un article scientifique de 3 à 5 pages (avec titre, résumé et notes), faire référence de manière normalisée à la bibliographie utilisée (5 à 10 références), à laquelle s'ajoutent des références « pour en savoir plus », s'accompagner de mots clés pouvant servir à son indexation et du code de classement Pascal dans lequel cet article pourrait figurer, comporter en annexe un glossaire des termes jugés nécessaires à la compréhension du texte, une bibliographie permettant d'approfondir le sujet, une liste d'organismes travaillant dans le même domaine.

2. La méthodologie de la recherche. Les étudiants doivent exposer toutes les démarches qui leur ont permis de composer leur synthèse en précisant l'ordre des recherches, les outils utilisés, les échecs éventuels... Cette partie permet en fait de juger du travail personnel fourni et de la connaissance des catalogues et des outils bibliographiques.

Évolution de la formation

La liberté du choix du sujet du dossier motive beaucoup les étudiants qui le considèrent comme une première production scientifique. Depuis 1992, l'évaluation des connaissances acquises se fait par le dossier pour 70 % de la note et par un partiel sur table qui compte pour 30 %.

L'évolution de la formation a d'une part répondu au souci de l'équipe enseignante d'adapter le contenu de la formation aux acquis réels des étudiants d'IRIS, d'autre part dû tenir compte de l'augmentation très forte des effectifs (300 en 1985, plus de 700 en 1992-93). Des groupes de TD comprenant jusqu'à 40 étudiants ne permettaient plus de proposer des exercices pratiques ; il a été décidé en 1990 de dédoubler tous les groupes pour maintenir un bon encadrement des étudiants pendant leur recherche. Ce dédoublement des groupes a entraîné le doublement des heures de travaux dirigés et nécessité le recrutement de nouveaux intervenants. Pour réduire un peu les charges horaires, un second cours magistral a été introduit, présentant les différents supports de l'IST. Les enseignants du supérieur, surchargés de cours dans leur propre domaine, n'ont pu assumer plus de séances et il a été fait appel à des professionnels des autres sections de la BU et à un professeur certifié de documentation, puis à des étudiants vacataires en thèse qu'il a fallu former.

Pour mieux répondre aux besoins des étudiants, nous avons insisté sur les usuels, les ouvrages de référence et répertoires spécialisés en supprimant l'initiation aux périodiques bibliographiques spécialisés (Mathematical Review, Physics Abstracts, Chemical Abstracts). En effet, les étudiants n'ayant pas à les utiliser avant leur diplôme d'études approfondies (DEA), risquaient de les oublier très vite. Une séance supplémentaire a été consacrée à la normalisation : écriture des références bibliographiques et présentation d'une bibliographie. Les séances de démonstration de recherche documentaire informatisée et d'interrogation des banques de données scientifiques ont été remplacées par une initiation aux CD-Rom (Myriade, CD-Thèses, Pascal). Ces CD-Rom ont été mis en réseau à la section en 1993 pour répondre aux besoins de la recherche, et à ceux des étudiants d'IRIS.

Toutes ces modifications se sont faites par étape, l'équipe se réunissant régulièrement pour faire le bilan de l'année et apporter des modifications pour l'année suivante. La responsable actuelle, Catherine Mayer, maître de conférences en chimie, porte et défend cette UV auprès de ses collègues depuis sa création.

Évaluation par les étudiants

Les modifications apportées à cette formation, comme souligné plus haut, ont été introduites essentiellement pour faire face à des contraintes matérielles (augmentation des effectifs, problèmes de locaux, de personnels, etc.) : c'est dans le souci de nous situer non plus en aval, mais en prospective que nous avons décidé de mener deux enquêtes auprès des étudiants.

Celles-ci avaient pour but d'évaluer l'impact de cette formation auprès des étudiants, d'abord sous l'angle de leur relation avec la bibliothèque (le degré d'utilisation de ses services avant et après formation) ; puis dans un second temps, il s'agissait de savoir ce qu'ils avaient réellement découvert avec cette formation et ce qu'ils en pensaient.

La première a été réalisée auprès d'un effectif de 121 étudiants (sur un effectif de 350) lors de la première séance de formation.

La seconde enquête a été réalisée au moment où les étudiants déposent leur dossier à la bibliothèque, à la fin de la formation. Sur un effectif de 300 étudiants, nous avons recueilli 147 réponses.

Deux types de réponses méritent donc notre attention, celles qui témoignent des relations avec la bibliothèque et celles qui concernent l'apport de cette UV.

Relations avec la bibliothèque

La comparaison des résultats entre la première et la seconde enquête traduit une meilleure utilisation de la bibliothèque par les étudiants :

– 7 % utilisaient le guide du lecteur en première année, 46 % après ;

– 16 % consultaient les fichiers de la bibliothèque avant la formation, 31 % après ;

–11 % avaient déjà demandé des renseignements au personnel à la banque de prêt avant, 29 % après.

Cette formation a donc contribué à resserrer les liens entre les étudiants et la bibliothèque. A partir du DEUG, nous constatons la fidélisation d'un large public qui utilise les services proposés à bon escient. Les étudiants, devenus aujourd'hui chercheurs, retranscrivent très correctement leurs demandes lorsqu'ils s'adressent au service du prêt entre bibliothèques, et ils ne sollicitent ce service, bien souvent, qu'après vérification de la documentation disponible localement.

Apport de l'unité de valeur

Il faut se reporter naturellement aux résultats de la seconde enquête. Ils sont 76 % à penser que les connaissances acquises leur seront utiles dans la suite de leur cursus ; ce nombre est beaucoup plus faible en ce qui concerne l'apport de la formation dans leur vie professionnelle (32 % de réponses positives).

A la question : Qu'avez-vous découvert au cours de l'UV ?, les thèses ainsi que les CD-Rom bibliographiques arrivent largement en tête avec 66 % et 78 % des réponses. Les encyclopédies et surtout les dictionnaires étaient en revanche déjà connus par 76 % d'entre eux.

A la question : Pensez-vous à l'avenir pouvoir être plus autonome dans l'utilisation de la bibliothèque et pourquoi ?, les réponses se révèlent intéressantes. Si 42 % ont répondu par l'affirmative, 52 % avouent n'être qu'en partie plus autonomes et les raisons invoquées sont de deux ordres. Les uns s'estiment frustrés de ne pas avoir été initiés à tous les supports de l'IST présents à la bibliothèque, notamment les bibliographies étrangères spécialisées (Chemical Abstracts, Mathematical Review, Physics Abstracts). Les autres avouent un regret devant une formation trop courte, et un sentiment de panique devant le gigantisme de l'IST. En fait, ces réponses révèlent un intérêt des étudiants pour la formation et renforcent la nécessité d'un enseignement méthodologique à la recherche de l'information.

Les travaux dirigés ont la cote

Pour faire face à l'augmentation des effectifs, nous avons été tentés de multiplier les séances de cours magistraux, mais nous nous sommes fort heureusement limités à deux interventions en amphithéâtre. Les étudiants ont exprimé par le biais de la seconde enquête leur très nette préférence pour les séances de travaux dirigés (81 % de satisfaits ou de très satisfaits). Il est fondamental de maintenir cet aspect pratique de la formation, d'amener les étudiants à manipuler les outils documentaires et ainsi à s'approprier la bibliothèque.

Le dossier au sommet de la satisfaction

Avec 93 % de satisfaits, la réalisation du dossier arrive en tête. Les étudiants justifient leur réponse par la liberté du choix du sujet, ils ont l'impression de devenir à leur tour un peu acteur de la communication scientifique.

Si cette formation semble donc satisfaire les étudiants, il faut soulever les problèmes qu'elle pose tant du point de vue de la section sciences de la bibliothèque que du point de vue de son avenir. Du point de vue de la bibliothèque, cet enseignement pèse lourdement sur la vie de la section sciences et sur son personnel qui est très sollicité en service public. Il pose le problème du statut de l'établissement comme lieu d'enseignement et, partant, le statut des personnels intervenants de bibliothèque. Il faudrait que la formation des étudiants soit plus clairement définie comme mission des bibliothèques universitaires et que celles-ci soient dotées en postes d'enseignants en sciences de l'information (en solution d'attente, en ce qui nous concerne, un poste de capésien en documentation détaché serait le bienvenu).

Les locaux posent également problème, les établissements n'ont pas été construits dans une optique d'enseignement, or la bibliothèque est un lieu incontournable pour ce type de formation.

Du point de vue de la formation elle-même, cette unité de valeur est encore trop coupée des autres enseignements de deuxième année de DEUG, comme le soulignaient Catherine Mayer et Jean-François Verchère lors du colloque sur l'information scientifique et technique (2). Et, dans le cadre de la réforme des DEUG, il faudra travailler à une meilleure intégration des formations dites « non scientifiques ». Le projet consistera peut être en un module intégrant à la fois l'actuelle formation non obligatoire d'histoire des sciences, l'enseignement d'une langue vivante, et bien sûr l'initiation à la recherche et à l'information scientifique : un projet professionnel personnel demandé dans le cadre de la formation de bibliothécaire (IFB) a été élaboré sur ce point (1).

Indépendamment de cette réforme du DEUG, il paraît indispensable de poursuivre la formation dans le cadre des deuxième et troisième cycles, lorsque les moyens humains le permettront. La formation en premier cycle jouera alors véritablement son rôle d'initiation générale à l'ensemble de la documentation scientifique, avant que l'étudiant ne choisisse sa spécialisation. Elle devrait, selon nous, contribuer à l'aider dans ce choix.

Octobre 1994

Illustration
Évolution de la formation. Tableau comparatif des contenus 1985/1994

  1. (retour)↑  Jusqu'en 1992, les quatre auteurs de cet article étaient bibliothécaires-adjointes à la section sciences de la BU de Rouen.
  2. (retour)↑  Jusqu'en 1992, les quatre auteurs de cet article étaient bibliothécaires-adjointes à la section sciences de la BU de Rouen.