Les bibliothèques font leur « pub »

Communication externe et promotion

Marielle de Miribel

C'est dans la rutilanteBDP (bibliothèque départementale de prêt) des Pyrénées-Orientales, à Thuir, qu'a eu lieu cette année la XXIXe journée d'étude du CEBRAL (Cercle d'études des bibliothécaires des régions Aquitaine-Languedoc-Roussillon). Cette association professionnelle, présidée par Jacques Roumegas (bibliothèque universitaire de Montpellier), organise chaque année dans des lieux décentralisés, des journées de débats sur les questions concernant différents types de bibliothèques de la région (effets de la loi de décentralisation, informatisation, gestion des stocks, etc.).

80 personnes, venues en grande partie de la région, y compris Barcelone, et pour la plupart, dépositaires bénévoles de la BDP, ont fait leur miel des expériences concrètes proposées par les intervenants mais aussi de l'exposition des documents de promotion présentés par 15 bibliothèques municipales, 12 bibliothèques universitaires, 44 bibliothèques départementales et 15 autres bibliothèques ou institutions dont la Xarxa de Biblioteques Populars de Barcelone, dont il faut signaler l'abondance et l'originalité des documents présentés.

Du concret

Les orateurs, choisis pour le côté novateur de leur expérience, ont donné des éléments de réponse concrets aux problèmes soulevés par la promotion et la communication externe des bibliothèques : les relations parfois antinomiques entre la communication et la charte graphique d'une collectivité locale et celles de sa médiathèque ; la nécessité et les contraintes d'une charte graphique à décliner sur différents supports et quelquefois pour plusieurs établissements ; l'émergence d'un nouveau métier de responsable de la communication et de l'action culturelle d'une médiathèque ; la perception d'un seuil de qualité des services proposés en-deçà duquel toute promotion est inutile, voire même indécente ; la promotion comme valorisation des services proposés mais aussi d'un savoir-faire professionnel susceptible d'être publié et exporté. La promotion d'une médiathèque la met au niveau des produits et des enjeux politiques de la mise en valeur d'une institution, qui plus est, culturelle.

Après les salutations d'usage, la journée commençait par une présentation par Luc Poujol, chargé de mission pour la communication au cabinet du président du Conseil général des Pyrénées-Orientales, de la communication externe du Conseil général. Celui-ci, confronté à l'ignorance et à la méconnaissance de ses administrés, cherche, comme toutes les collectivités, à « forger par l'image et le slogan le sentiment d'appartenance à une collectivité territoriale ». Après avoir, dans un premier temps, communiqué tous azimuts, - insertion de pages de publicité dans la presse, sponsorisation des équipes sportives, publication de brochures, diffusion des spots publicitaires à la télévision, et utilisation des techniques actuelles de lobbying, marketing direct, vidéo conférences et vidéo disques -, les contraintes législatives et budgétaires ont amené le Conseil général à mieux cibler sa communication. Pour la promotion de son identité à l'extérieur du département, le Conseil général a renoncé aux grandes campagnes d'affiches trop coûteuses, d'autant plus qu'il s'agit d'une zone touristique qui attire de toutes façons plus de 30 000 personnes par an. L'objectif étant d'étaler les flux et d'irriguer l'arrière-pays, le Conseil général s'est doté d'un outil de gestion touristique, le GIE (Groupement d'intérêt économique) Cap Sud, chargé de la commercialisation de produits touristiques clé en main, où le touriste est entièrement pris en charge. Parallèlement à ces actions qui rencontrent le succès, le Conseil général s'est préoccupé d'intensifier le partenariat avec la ville de Perpignan et la Chambre de commerce et d'industrie, pour mener une politique commune, et surtout, tenir le même discours. En communication interne, la première démarche a été de créer un logo servant de signature sur tous les produits du Conseil général, documents, bâtiments, panneaux indiquant actions et compétences. Avec un budget de 4 millions de francs, le Conseil général a privilégié la politique éditoriale, et, à côté du journal, distribué en 140 000 exemplaires dans les foyers, - et financé depuis 1993 non plus par la publicité, mais sur son propre budget -, il édite des brochures pour des populations plus ciblées : dans le domaine de la santé, Le petit guide de l'enfant, dans le domaine de l'éducation, Le petit guide du collégien, en partenariat avec l'inspection académique pour les questions d'orientation. Après une période de tâtonnements, le souci actuel du Conseil général est donc de valoriser un retour d'image et un investissement financier important.

« Le temps des livres »

Monique Michelin, commissaire national au « Temps des livres » (Centre national du livre), a présenté l'évolution de la campagne nationale de cette manifestation, qui succède cette année à la « Fureur de lire ». Dans le contexte inquiétant du recul de la lecture, Jack Lang, alors ministre de la Culture, a mis en place en 1981 un Salon du livre à Paris, puis en régions, et initié des campagnes de promotion du livre, par voie d'affiches et télévisuelle : en 1985, « Un livre et tu vis plus fort », en 1987 « Etes-vous livre ce soir ? », « Le livre, beaucoup, passionnément ». En 1989, la volonté ministérielle est d'instituer une fête annuelle du livre sur le modèle de la Fête de la musique, créant avec le Salon du livre en mars, une autre saison du livre en octobre, en faisant appel à l'imagination de tous sur un grand thème défini chaque année. Après avoir présenté le montage de l'opération en communication externe vis-à-vis du public et en communication interne vis-à-vis des partenaires, Monique Michelin a montré le succès chaque année plus important de la manifestation, par l'implication grandissante des partenaires français et étrangers, et par la fréquence accrue des passages dans la presse : en 1991, 237 passages (trois fois plus qu'en 1989), et 174 en média radiophonique (dix fois plus qu'en 1989). Elle a ensuite présenté l'évolution de l'image de la campagne, modifiée trois fois. En 1989, sur le thème « Ecriture et poésie », le visuel présentait l'ombre d'un palmier, avec le message implicite de silence, soleil, calme, plaisir, solitude, évasion. En 1990 et 1991, le néon dans la nuit donnait pour message la lecture universelle source de lumière dans la nuit du temps. Le pilier de fer présent sur le visuel de 1990 évoquait un drive-in et une référence à James Dean. En 1991, l'éclat du néon s'adoucit, car la lecture se veut plus accessible et plus familière. En 1992, le néon se reflète sur le visage d'enfants. En 1993, autre changement de message, l'auteur de bandes dessinées Loustal doit traduire l'idée du bar, dans une évocation plus conviviale de la lecture, et en 1994, Moebius, autre célèbre auteur de bandes dessinées, est chargé de traduire les nouvelles données. Le titre a changé, - « le Temps des livres » -, et la durée de la manifestation n'est plus un week-end, mais 15 jours, pour permettre une répartition plus harmonieuse des multiples manifestations.

Relations internationales à la Bibliothèque publique d'information

Souad Hubert, chargée des relations internationales à la BPI, en a présenté la richesse, et les modalités d'exportation d'un savoir-faire : échanges internationaux et voyages d'études sur la base de conventions avec de grands organismes étrangers (British Council, Deutsch Institut, ministère de la culture slovaque, Bibliothèque des littératures étrangères à Moscou, etc.), séminaires, stages de formations et publications. Souad Hubert a également montré le nouveau CD-Rom de présentation de la BPI, sur lequel, par un nouveau procédé Kodak, le texte explicatif est inséré dans les images en épousant la forme même de ces images. Pour prendre un exemple, les lettres formant le mot « accueil », insérées sur un tapis, sont dessinées selon les lignes de fuite du tapis.

En bibliothèque municipale

La communication externe à la Bibliothèque municipale de Lyon était présentée par Isabelle Blachier-Sangali, chargée des relations publiques et de la communication dans cette bibliothèque. Diplômée du CELSA (Centre d'études littéraires supérieures appliquées), et rattachée directement à la direction de la bibliothèque, elle est responsable de la mission d'action culturelle, qui s'exprime à travers des expositions, des colloques, des conférences et des cycles de rencontres : 293 manifestations en 1993, budget annuel de 300 000 F, dont la moitié pour le journal de la bibliothèque, Topo. Ce journal, principal support de communication, est bimestriel, avec un tirage de 15 à 20 000 exemplaires. Il a pour objectif de rationaliser la diffusion des informations culturelles de la bibliothèque et de supprimer les différentes fiches disparates, ainsi rassemblées sous une même identité visuelle et sous la même charte graphique. C'est une brochure de 20 à 24 pages, au format de poche et destinée à la consommation courante. La diffusion se fait à part égale, un tiers auprès des relais d'information, un tiers dans les bibliothèques du réseau, un tiers d'après fichier. Lequel fichier est riche d'environ 6 000 références, tenues à jour à partir des inscriptions aux manifestations culturelles, et donc différent du fichier des lecteurs.

L'intervention la plus appréciée fut sans doute la présentation de la communication externe et de la charte graphique de la Bibliothèque municipale de Saint-Etienne, par son directeur François Marin, et l'équipe des maquettistes Edgar Gonzalvez et Ursula Held (Ecole des beaux-arts de Saint-Etienne). Les conditions de mise en place d'une communication efficace étaient alourdies par une histoire émaillée d'erreurs. Après une absence totale de communication - la bibliothèque étant considérée comme une institution allant de soi -, le projet, en 1987, de la nouvelle bibliothèque et la prédominance des nouvelles technologies permet à la ville d'axer la promotion du futur établissement sur le concept de smart building (bâtiment intelligent !). Au début de l'année 1993, la ville accepte de revoir la communication et de créer un service communication et action culturelle au sein de la bibliothèque, composé de deux bibliothécaires. L'objectif était de mettre en place, avec la notion de réseau, une image de la bibliothèque qui permette de la distinguer dans la ville comme service culturel particulier. L'image structurante était le logo à créer en se démarquant impérativement du logo dont la ville venait de se doter et qui n'était guère enthousiasmant - un carré séparé en deux triangles par une ligne blanche médiane, symbolisant la ligne du tramway entre le bleu, couleur de la ville et le vert de « Allez les verts ! » -. Décision fut prise d'utiliser une institution de la ville (l'Ecole des beaux-arts) pour la création de la ligne graphique avec deux contraintes : l'utilisation obligatoire des couleurs de la ville, bleu et vert, et un budget limité de 70 000 F. En s'appuyant sur un petit document Chronologie d'une collaboration, les deux maquettistes ont commenté leur démarche, fondée sur une bonne connaissance des éléments à promouvoir, une étroite collaboration à tous les niveaux avec le commanditaire, une souplesse de déclinaison de la charte graphique et le respect et l'application généralisée de cette charte, une fois adoptée. Le logo se présente donc comme la silhouette de trois livres sur une étagère, vus sur la tranche, avant d'être ouverts. L'originalité de ce logo tient dans la richesse de ses déclinaisons : la silhouette des trois livres peut se répéter en frise, sur papier à lettre ou autre support, et la bibliothèque du réseau concernée voit ces trois silhouettes de livres en gras par rapport aux autres silhouettes de la frise - permanence et personnalité -. Chaque bibliothèque du réseau diffuse des marque-pages portant au recto l'adresse et la date de retour et au verso une citation littéraire qui incite les lecteurs collectionneurs ou esthètes à faire le tour des bibliothèques du réseau. D'autre part, de manière très originale et ingénieuse, la pliure d'un document comme le guide du lecteur utilise le bord de chaque silhouette et le livre silhouette s'ouvre quand s'ouvre le dépliant, selon le principe du film d'animation.

Cette journée d'étude s'inscrit donc dans la suite logique des colloques et journées organisées sur ce thème. Citons par exemple Promotion des bibliothèques publiques, séminaire organisé par l'APPEL (Association pour la promotion et l'extension de la lecture) à Valence en octobre 1987, ou le congrès de l'ABF à Marseille en juin 1988. Les actes de cette journée d'étude seront édités par le CEBRAL dans le courant de l'année.