Les bibliothèques dans l'Université
Paris : Ed. du Cercle de la librairie, 1994. - 358 p. ; 24 cm. - (Bibliothèques)
ISBN 2-7654-0548-4 : 270 F
Cet ouvrage est né du constat que manquait la synthèse permettant une saisie globale des bibliothèques universitaires (BU), qui les replacerait dans leur milieu naturel, les universités, analysant la complexité de leurs liens historiques, décrivant la situation actuelle et ouvrant des perspectives d'avenir.
Une image panoramique
Une quinzaine de collaborateurs ont participé à ce travail collectif. Tous reconnus, et pour certains les meilleurs spécialistes qui se puissent trouver, alliant souvent l'expérience du terrain et celle de l'administration centrale. La lecture en est rendue claire, nourrie d'une information statistique pertinente, débouchant sur une image panoramique aux vertus pédagogiques évidentes.
Le plan s'articule autour de 4 thèmes principaux : les bibliothèques dans l'université, les publics, la bibliothéconomie et les réseaux. En bonne logique, le volume s'ouvre sur la contribution de Denis Pallier consacrée à l'histoire des BU. Une histoire récente, dit-il, qu'il retrace depuis l'origine. Au terme d'un exposé divisé en 3 séquences temporelles, marquant 3 étapes des relations avec l'université (la IIIe République, 1945-1970, 1970-1986), D. Pallier conclut sur une ouverture prospective. L'autonomie des universités, la constitution des services communs de la documentation, les projets d'établissements, apparaissent comme autant de chances d'accorder les bibliothèques et leurs universités.
L'intitulé du chapitre écrit par Pierre Carbone « Les bibliothèques dans les universités » est révélateur. Il ne s'agit plus, comme jadis, d'observer les rapports bibliothèques universitaires/universités, mais chaque bibliothèque au sein de son université, pour en tirer des conclusions nationales. Etudiant successivement les universités, les bibliothèques, puis conjuguant les analyses pour amener le chapitre sur le grand jeu actuel : la documentation et l'université, il établit la synthèse la plus documentée sur les BU : leur organisation, leurs moyens, leurs rapports avec les autres bibliothèques ou centres de documentation, leurs statuts comme leurs résultats. De nombreuses données statistiques éclairent le propos, alors que des cartes aident à visualiser la couverture documentaire du pays.
Si les sujets développés recoupent souvent ceux traités par Catherine Gaillard et Jean-Pierre Casseyre dans leur « Que sais-je ? » 1, la perception du lecteur professionnel est tout autre. Le lecteur est forcément attiré par les données ponctuelles accompagnant des mises en situation nationale, voire des comparaisons régionales et des analyses statutaires fines. Public universitaire donc, qui appréciera de pouvoir juger des effets de la création des services communs de la documentation, de la contractualisation des établissements ou bien encore de la répartition des investissements dans Universités 2000.
Le texte de Pierre Carbone constituera bien vite une contribution à l'histoire des bibliothèques temporellement située. En cela, il est l'un des plus stimulants avec celui de Marie-Françoise Bisbrouck sur les constructions, ou ceux de Bruno Van Dooren et Daniel Renoult sur les réseaux. Ils impliqueront à terme proche, non pas la réédition de l'ouvrage, mais sa réécriture.
Dans sa préface, D. Renoult précisait que les lecteurs connaissant peu le milieu décrit représentaient une préoccupation majeure pour les auteurs. Il est possible que plusieurs chapitres débordent cet objectif, auquel adhérait - règle du jeu oblige - le « Que sais-je ? » sur les BU. Mais universitaires et bibliothécaires se féliciteront de ce que cet ouvrage de spécialistes ne soit en aucune façon celui de vulgarisateurs dans ses parties les plus vives.
Les publics
La troisième partie traite des publics. Situer cette étude au point d'équilibre de la composition n'est-ce pas révélateur d'une attitude nouvelle ? D. Renoult et Maguy Pézeril balisent le territoire dont ils découvrent la complexité : à la communauté universitaire déjà hétérogène s'ajoute un public non universitaire composite. Plus qu'ailleurs perce la volonté de comprendre le milieu où s'exerce notre métier. A certains égards la pensée des auteurs et leurs interrogations reproduisent l'attitude mentale des bibliothécaires de lecture publique de la fin des années soixante. L'analogie se retrouve dans le décalage entre l'informatisation des BU (voir la contribution de Nicole Bellier) et celle des bibliothèques municipales.
Les dernières parties du livre, plus techniques, adhèrent davantage au projet d'un ouvrage destiné à un public peu averti. Elle présentent, avec une efficacité pédagogique certaine, des problèmes tels les questions patrimoniales (D. Pallier), la classification et les modes d'accès (J.-P. Casseyre), l'informatique (N. Bellier) ou les personnels (Alain Gleyze). L'article d'A. Gleyze mérite une mention particulière ; catégorie par catégorie, il présente notamment les fonctions et les carrières de l'ensemble des personnels, et le rôle nouveau des moniteurs étudiants. Marie-Françoise Bisbrouck, qui tient le créneau où s'illustra naguère Jean Bleton, présente une philosophie du « bâtiment bibliothèque » à l'heure où s'ouvre une nouvelle période de construction. On aurait aimé que des photographies illustrent son propos.
Le fonctionnement en réseaux (mutation d'esprit autant que technologique) déterminant pour l'avenir fait l'objet d'une synthèse claire, très accessible, qui touchera le public universitaire concerné par le maillage national de la documentation de niveau recherche.
La dernière partie, « Regards comparatifs sur l'Europe », s'inscrit mal, me semble-t-il, dans le propos. S'il s'agissait de présenter les bibliothèques universitaires de l'Europe, il aurait fallu traiter de tous les pays limitrophes, surtout de ceux du Sud (Italie, Espagne) très méconnus.
On l'aura compris, ce livre est l'expression d'une décennie capitale pour les BU. Comment ne pas regretter que Daniel Renoult n'ait pu le signer en tant que sous-directeur des bibliothèques, parachevant ainsi cinq années qu'il aura marquées par sa volonté de fournir à nos partenaires des instruments de travail et de réflexion. Il n'est pas sans importance, en effet, qu'existent désormais outre les Bibliothèques dans l'université, un Annuaire des BU 2, un Programme technique pour la construction des bibliothèques universitaires 3 et un « Que sais-je ? » sur ces bibliothèques. Outils d'usage courant, ils resteront comme traces écrites pour l'histoire des bibliothèques.