L'enseignement de la documentation en médecine
Jean-Philippe Accart
Dans un précédent article paru dans le Bulletin des Bibliothèques de France *, étaient détaillés les différents types de populations (médicale, infirmière, paramédicale, administrative et technique) utilisant les ressources d'un centre de documentation au sein de l'institution hospitalière. Au-delà de cette typologie, une autre se dessine très nettement avec le développement actuel des besoins en documentation médicale et en soins infirmiers et de son enseignement. Ecoles de bibliothécaires, facultés de médecine françaises et francophones, instituts de formation en soins infirmiers (destinés à former les infirmier(e)s), écoles de cadres infirmiers, formation continue des médecins, sont des demandeurs potentiels pour cet enseignement.
Les écoles de bibliothécaires
Il est révélateur de constater que certaines écoles de bibliothécaires - par exemple, l'Ecole de bibliothécaires-documentalistes (EBD) de l'Institut catholique de Paris - accordent, dans leur programme, une place non négligeable à l'enseignement de la bibliographie médicale et scientifique, ainsi qu'à l'interrogation des banques de données spécialisées telles Medline, Pascal, SciSearch. Cet enseignement est, en fait, destiné à des étudiants susceptibles de travailler en bibliothèque médicale ou en documentation pharmaceutique ; de nombreux débouchés sont offerts dans cette branche spécialisée. L'enseignement est dispensé sous la forme d'une liste d'ouvrages de base : une méthodologie de recherche bibliographique en médecine et en sciences est développée avec, à l'appui, des séances de travaux pratiques portant sur les outils papiers (type Index Medicus, Current Contents, Science Citation Index) et l'interrogation en ligne des banques de données correspondantes.
Les bibliothécaires francophones
Un certain nombre d'organismes institutionnels, tels le Centre international de l'enfance, la Conférence internationale des doyens des facultés de médecine d'expression française, délivrent des stages de formation pour des bibliothécaires francophones travaillant dans le domaine de la santé. Ces stages, d'une durée de 15 jours à un mois, accueillent une vingtaine de bibliothécaires et permettent des échanges fructueux entre formateurs et « formés », bien que les niveaux d'études, les expériences professionnelles, les représentations linguistiques (Afrique noire, Maghreb, Asie, Europe de l'Est, Caraïbes) soient pour le moins différents. Les besoins en documentation médicale sont à la fois très pratiques (comment se procurer des ouvrages médicaux, comment s'abonner à des revues scientifiques, qu'est-ce qu'un réseau etc ?) et très générales (la gestion d'une bibliothèque, son informatisation). L'intérêt pour les nouvelles technologies est cependant très fort, en mettant bien entendu l'accent sur les avantages du CD-Rom et des banques de données destinées à ces pays, la plupart en voie de développement (Bird, Pascal, Medidoc Redosi, Extramed, etc.).
Les bibliothécaires européens de santé
Tous les deux ans, ou au cours de congrès et séminaires internationaux (Section des sciences biologiques et médicales de l'Ifla), la jeune et dynamique Association européenne pour l'information et les bibliothèques de santé (AEIBS-Bruxelles), créée en 1986 sous l'égide de l'Organisation mondiale de la santé, propose à ses membres (quelque 700 bibliothécaires de 23 pays différents), des cours de formation continue en français et en anglais dans le domaine de l'information biomédicale. Très suivis, ces cours permettent à ces professionnels de l'information de santé d'être au courant des derniers développements de la technologie (CD-Rom et banques de données) et de la bibliothéconomie (gestion, personnel). De plus en plus, mais c'est aussi vrai dans les autres domaines de la documentation, l'attention se porte sur le rôle futur du bibliothécaire, le concept de « bibliothèque virtuelle » et sur les nouveaux réseaux de la communication scientifique type Internet. La 4e conférence européenne des bibliothèques de santé, qui se tient à Oslo du 28 juin au 3 juillet prochains, avec pour thème « L'information de santé : nouvelles possibilités », propose une série de ces cours à des professionnels avides d'être informés des évolutions à la fois humaines et technologiques du métier.
La formation continue du corps médical
Le corps médical dans son ensemble a pour obligation de mettre à jour de façon constante ses connaissances scientifiques : c'est vrai de par la nature même d'un enseignement qui doit être réactualisé, par le fait que les découvertes scientifiques et médicales se périment au bout de cinq années en moyenne ; et également qu'un médecin, s'il veut évoluer dans sa carrière, se doit d'écrire un certain nombre d'articles scientifiques et, si possible, dans des revues internationales indexées dans les banques de données médicales (type Medline par exemple).
La formation continue des médecins emprunte donc plusieurs chemins :
- la lecture régulière de la presse spécialisée, soit par abonnement personnel ou grâce à la fréquentation d'une bibliothèque (dans les centres hospitaliers universitaires, les centres hospitaliers généraux, les facultés de médecine, les laboratoires de recherche) : cette lecture s'avère cependant de plus en plus difficile de par l'abondance des publications. Les staffs de bibliographie sont, en général, un bon exercice pour le maintien des connaissances dans un domaine particulier au sein d'un service hospitalier par exemple ; de nombreux médecins réalisent également des synthèses bibliographiques pour une revue ou le bulletin bibliographique d'un laboratoire pharmaceutique (dans ce cas, c'est, pour eux, une voie d'accès aux centres de documentation de l'industrie pharmaceutique) ;
- la participation à des congrès médicaux : on ne dira jamais assez l'importance des échanges personnels au cours de ces congrès, une ou deux fois par an. Il existe, en général, des congrès pour chaque spécialité ;
- enfin, des cours de formation continue dans les facultés de médecine et les hôpitaux avec l'enseignement post-universitaire.
D'une manière ou d'une autre, la formation continue est en interaction avec la documentation. L'informatique, les nouvelles technologies (CD-Rom), les banques de données (300 dans le domaine biomédical) ont révolutionné l'aspect de la documentation médicale. Impulsés par la nécessité pour les médecins d'être informés le plus rapidement et complètement possible, les bibliothèques et centres de documentation ont très vite adopté ces technologies, et organisent des cours de formation à leur utilisation.
L'AFMHA (Association pour la formation des médecins hospitaliers à la gestion administrative-Hôtel-Dieu-Paris) propose, depuis 1992, des sessions de formation avec pour thème « Les nouvelles technologies au service de la documentation médicale » : une douzaine de praticiens hospitaliers sont ainsi initiés, durant deux jours, à tous les nouveaux produits offerts par la technologie actuelle - accès Minitel, banques de données classiques ASCII ou sur disquettes, CD-Rom bibliographiques ou présentant des périodiques scientifiques en texte intégral.
La formation des étudiants en médecine
Outre le fait que certaines facultés de médecine (Nancy, Lyon par exemple) dispensent aux étudiants des cours en documentation, les étudiants en médecine, afin de parfaire un enseignement magistral de plusieurs années, effectuent des stages dans les hôpitaux et font fonction d'internes. Ils participent ainsi de façon étroite à la vie des services médicaux. Les staffs de bibliographie déjà nommés précédemment, l'étude de cas médicaux et, finalement, la constitution de leur bibliographie pour la thèse de doctorat sont autant de raisons pour les amener à utiliser la bibliographie médicale. Les bibliothécaires médicaux organisent des cours de bibliographie, qui sont à la fois l'apprentissage d'une méthodologie de la recherche bibliographique, et une approche des possibilités offertes par les banques de données, et ce, quel que soit leur support. C'est aussi, pour ces futurs praticiens, une manière de les amener à compléter et à faire évoluer efficacement, par la lecture, des connaissances théoriques.
La recherche bibliographique en soins infirmiers
Le bibliothécaire de santé voit son rôle élargi à d'autres populations, celle des infirmier(e)s dans les Instituts de formation en soins infirmiers (IFSI, qui ont remplacé les écoles d'infirmières), des cadres infirmiers et cadres infirmiers supérieurs dans les écoles de cadres. Pour les premiers, il s'agit surtout, depuis la récente réforme du diplôme d'Etat en 1992, de s'adapter au module obligatoire de recherche. Cela passe par des études ponctuelles sur des sujets étudiés en cours et la rédaction d'un mémoire de fin d'études. Pour les seconds, c'est l'évolution dans la carrière qui est envisagé avec également la rédaction d'un mémoire. Depuis peu, les instituts et écoles ont intégré un module de recherche documentaire en faisant appel à des bibliothécaires ou documentalistes.
A l'instar de la population médicale, le corps infirmier, à toutes les étapes de sa carrière, se doit de se former et de s'informer : les techniques évoluent, les rapports au malade également. Une réflexion sur les soins infirmiers a émergé ces dernières années, et cette réflexion passe obligatoirement par un savoir bien intégré.
Le bibliothécaire médical, médiateur de l'information
Ainsi, le bibliothécaire médical voit son champ d'action s'élargir en fonction de la diversité des demandes et des types d'utilisateurs, et également de l'évolution des technologies qu'il lui faut dominer et maîtriser. L'impulsion donnée par la connaissance scientifique est un des moteurs essentiels qui font de cette branche spécialisée de la documentation, un domaine évolutif, passionnant et ouvert sur un avenir prometteur.