Périodiques et lecteurs
Répondre à l'attente du public
Dominique Benoist
Hervé Le Crosnier
Le bibliothécaire est souvent confronté à la difficulté de bien renseigner ses lecteurs, faute de savoir où trouver l'information, particulièrement dans le cas des collections de périodiques. Et plus encore lorsqu'il s'agit des périodiques dits de " grande diffusion " que n'analysent pas les banques de données spécialisées. Il existe des répertoires en France. Ils sont présentés ainsi que les banques de données américaines de références d'articles de périodiques de grande diffusion. Ensuite une solution coopérative, conçue à la bibliothèque universitaire de Caen pour répondre aux besoins des bibliothèques, est proposée.
Librarians often have difficulties in answering their patrons' questions, because they do not know where to find the information. The problem is even more important for general interest magazines. The French indexes and some American general periodical databases are described. Then, this article studies the possibility for extending an index now existing in the scientific library of the University of Caen to a library network.
Der Bibliothekar trifft oft auf die Schwierigkeit, den Lesern triftige Auskunft zu erteilen, ohne zu wissen, wo die Information im besonderen Fall der Zeitschriften vorhanden ist. Es ist noch schwieriger, wenn es sich um sogenannte Zeitschriften "von großer Verbreitung" handelt, die von den Fachdatenbasen nicht analysiert werden. Verzeichnisse sind in Frankreich entstanden und werden hier vorgestellt sowie die amerikanischen Datenbanken, die aus Hinweisen auf Artikel der Zeitschriften von großer Verbreitung bestehen. Danach wird eine kooperative, zur Befriedigung dieser Bedürfnisse in der Stadtbibliothek von Caen erdachte Lösung vorgeschlagen.
Nous souhaitons ici présenter les diverses possibilités existant à l'heure actuelle en France et aux Etats-Unis d'une meilleure exploitation des périodiques de grande diffusion (magazines, périodiques de vulgarisation...), et proposer une voie coopérative pour répondre aux besoins des bibliothèques 1.
Une demande pressante
L'utilisation des périodiques non spécialisés dans les bibliothèques est loin d'être satisfaisante. Annie Béthery, en 1985 (à partir d'une enquête de 1978) 2 soulignait déjà la déperdition d'information résultant d'une sous-utilisation des périodiques généralistes dès lors que les numéros étaient remisés en magasin. Pourtant, la demande est pressante : recherche pour des exposés en lycée et dans le premier cycle des universités, intérêt du grand public pour la critique cinématographique, littéraire, théâtrale ou pour les biographies de contemporains, curiosité de plus en plus vive pour l'actualité scientifique et technique... Les périodiques généralistes ont un rôle particulier dans la diffusion de la connaissance : ils rendent accessibles au plus grand nombre les réflexions qui sont auparavant développées dans des cercles restreints d'initiés. Il serait très intéressant que les bibliothèques puissent fournir à leurs lecteurs un moyen d'exploiter, même plusieurs mois après leur publication, les informations, les mises au point ou les états de l'art publiés dans ces revues. Le type de revues dont nous parlons couvre une gamme importante, qui va de la presse locale (revues des académies régionales...) à la vulgarisation de haut niveau (La Recherche, Archeologia....) en passant par les secteurs spécialisés (critique littéraire, cinéma, photographie, musique... mais aussi consumérisme, gastronomie, électronique, sport...).
Les réalisations françaises
French periodical index ou Répertoriex
Ce répertoire 3 imprimé existe depuis 1973. Le nombre des revues dépouillées a beaucoup augmenté depuis le début de la formule (7 en 1973, 55 en 1993). Il s'agit de revues françaises ou canadiennes de langue française de grande diffusion (hebdomadaires d'actualité ou revues mensuelles spécialisées) auxquelles il faut ajouter le quotidien Le Monde dont le dépouillement est réalisé à partir de la sélection hebdomadaire éditée pour les pays étrangers.
Les articles sont classés par ordre alphabétique de mots-clés. Annuel, Répertoriex se vend par souscription. Il n'existe pas de cumulatifs. Le prix pour 1993 était de 350 F. Pour 150 F de plus le souscripteur reçoit une version intermédiaire portant sur un nombre réduit de périodiques dont les références sont ainsi accessibles plus rapidement. Cette version comprend 8 hebdomadaires dépouillés entre janvier et juin de l'année en cours. Elle est adressée aux abonnés courant juillet. Au départ, l'auteur du Répertoriex avait adopté un classement systématique par grandes classes assez peu commode et qui fut rapidement abandonné au profit d'un classement alphabétique par sujets. Celui-ci se réfère au « choix des vedettes matières à l'intention des bibliothèques » du Cercle de la librairie 4. Ce travail est destiné « aux bibliothécaires, journalistes, politologues et hommes d'affaires » ainsi qu'aux « lycéens de 2e cycle, écoles normales, CRDP ». Actuellement Répertoriex compte environ 500 clients dont 150 aux Etats-Unis. Les autres se répartissent entre la France (majoritairement), le Canada et la Grande-Bretagne. Le diffuseur de périodiques Dawson assure maintenant la commercialisation du répertoire et fait bénéficier celui-ci d'une publicité extrêmement importante.
Mémofiches
Mémofiches 5 existe depuis 1986. Il est disponible sur fiches papier ou sur disquettes utilisables sur compatibles IBM-PC avec le logiciel Mémolog. Début 1994, le dépouillement porte sur 64 revues (dont un nombre important de magazines destinés aux adolescents ou des revues pédagogiques). Le critère principal de choix est la relation avec les programmes d'enseignement. La base contient environ 35 000 notices. Depuis peu une version imprimée est disponible, en 11 fascicules par an, indexés avec le thésaurus Mémobase. L'abonnement est modulaire, et coûte 50 F en moyenne par revue dépouillée. Pour exploiter Mémofiches sur disquettes, il est préférable de faire l'acquisition du logiciel Mémolog (2 200 F) qui fonctionne sur ordinateurs MS-DOS. Mémolog est un logiciel documentaire qui permet de créer un fichier d'emprunteurs, de saisir un fonds de monographies, de gérer les prêts, les réservations, les rappels et possède une fonction statistique. Il est assez efficace, même si certains choix de structuration des données sont peu évidents, notamment la distinction entre la « notice » qui traite l'aspect documentaire et le « document » qui correspond à la description catalographique. Ces choix correspondent à un héritage d'un produit conçu en dehors des normes et des habitudes des bibliothèques. Sa simplicité d'utilisation pour le prêt et la saisie en font cependant un bon produit pour de petits centres. La recherche documentaire est victime à la fois des limites du thésaurus lui-même (difficulté à maintenir un langage documentaire encyclopédique) et de l'absence de recherche par unitermes.
Le système Mémofiches fonctionne par abonnement (700 F pour 1994 pour un utilisateur de Mémolog, et le double pour celui qui exploite les données avec un autre logiciel Diderot Polybase par exemple). Il est possible d'acheter les Mémofiches des années antérieures auprès du Centre régional de documentation pédagogique (CRDP) de Poitiers. L'abonné reçoit des disquettes comprenant l'ensemble des périodiques dépouillés et effectue lui-même sa sélection en versant dans sa base locale sous Mémolog les titres qu'il désire y voir figurer, en général ceux auxquels le centre de documentation et d'information (CDI) est abonné.
L'abonnement donne droit à 10 livraisons annuelles. Dans le courant de l'année, les références d'articles parviennent à leurs destinataires un mois et demi environ après leur parution. L'indexation se fait par mots-clés suivant le thésaurus Motbis produit par le Centre national de documentation pédagogique (CNDP). On peut également saisir des données localement, et en particulier ajouter 3 descripteurs libres non gérés par le thésaurus. L'utilisateur dispose d'une touche d'aide, de la troncature à droite, et peut utiliser les opérateurs booléens Er, OU, SAUF.
Ce système est principalement destiné aux utilisateurs d'un CDI (scolaires et enseignants). Le choix des périodiques est orienté clairement vers ce public. Les clients sont nombreux : 4 500 abonnés en 1993. Bien qu'il s'agisse majoritairement d'établissements scolaires (1 700 collèges, 1 200 lycées), Mémofiches compte 450 autres abonnés dont quelques petites bibliothèques municipales et des centres de documentation territoriaux (conseils généraux de certains départements).
Périoscope
Périoscope 6 est disponible sur disquettes pour micro-ordinateur MS-DOS (ces disquettes sont commercialisées sous le nom de Pério-Micro). Il est réalisé collectivement par les CRDP. Paru en version imprimée de janvier 1989 à fin 1992, Périoscope est actuellement disponible uniquement sur disquettes (six livraisons annuelles au prix de 800 F). Les données sont exploitables par tout type de logiciel documentaire sur PC.
Le dépouillement porte sur un nombre élevé de périodiques : plus de 400 revues françaises dont 150 revues régionales auxquelles sont abonnés les CRDP et centres départementaux de documentation pédagogique (CDDP) et certains CDI. Ces revues couvrent « toutes les disciplines enseignées dans les collèges et lycées ». Le nombre des notices s'élève actuellement à 12 000 (achat rétrospectif pour 1 500 F).
Les disquettes sont fournies avec deux types d'indexation (Motbis et Rameau). Citons la notice de présentation. « Différentes stratégies et méthodes d'interrogation existent : multicritère, thésaurus (et langages documentaires utilisant les mots-clés), recherche plein-texte, navigation de type Hypertexte. Aucune ne donne pleinement satisfaction. L'idée qui a présidé au développement d'Inter-O doc n'est pas d'en choisir une, mais d'essayer de toutes les utiliser, chacune pour ce qu'elle fait le mieux ; le pari est qu'il est possible de croiser leurs avantages et d'éviter leurs inconvénients. Inter-O doc est fondamentalement un système d'interrogation uniterme qui recherche les occurrences du mot qui lui est indiqué ; en fonction de la réponse il peut affiner en complétant la question par d'autres termes, obtenus par différents moyens ». Les zones affichables, interrogeables, peuvent être modifiées en fonction de choix opérés localement.
Périoscope est « destiné aux élèves, aux enseignants, aux documentalistes mais aussi à toute personne souhaitant se former ou s'informer ». Quelques bibliothèques municipales sont abonnées.
Science Culture : la revue des sommaires de revues
Science Culture 7 est actuellement un répertoire imprimé, publié avec le concours de l'Unesco qui contribue à sa diffusion et qui paraît depuis octobre 1991.
A terme, les références, regroupées dans une base de données, devraient être accessibles sur disquettes. Les revues dépouillées sont essentiellement européennes et américaines. L'ambition de Science Culture est d'atteindre une liste de 700 à 800 titres originaires de tous les pays du monde. Aucune sélection géographique ou par langue, mais il est nécessaire que la revue soit imprimée en caractères latins. Science Culture entend couvrir les champs des sciences humaines et sociales, de la littérature et de l'histoire. La sélection des titres se fait en fonction de la qualité scientifique de la revue. Sa notoriété, même récente, est un critère de choix, de même qu'une aide du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) ou du Centre national des lettres (CNL), considérée comme garantie de la valeur de la revue.
La présentation est faite sous forme de sommaires, par ordre alphabétique des titres de revues. La parution est bimestrielle. La diffusion se fait par abonnement, soit pour 20 numéros : 10 000 F (pour les institutions), 380 F (pour les personnes physiques-Europe) ou 430 F (autres pays), 300 F (tarif étudiant), tarifs spéciaux sur demande (responsables de revues, abonnements groupés). Un service de commande de tirés à part est proposé (1 F la carte, vendues par 100). De conception ingénieuse et originale, Science Culture fonctionne sur la base d'un échange de services. Les revues fournissent elles-mêmes sommaires et indexation sur disquettes. En contrepartie, Science Culture leur offre la possibilité de mieux faire connaître leurs publications.
Indexpresse
Indexpresse 8 propose depuis 1992 des disquettes en format Unimarc destinées à une dérivation vers les catalogues informatisés de bibliothèque (tous les logiciels actuellement sur le marché). On peut toutefois exploiter les données d'Indexpresse en mode autonome grâce au logiciel d'accompagnement Phidoc (4 000 F pour un système monoposte).
La liste des périodiques dépouillés comporte 71 titres de grande diffusion. L'indexation utilise les vedettes-matières de la liste Blanc-Montmayeur/Danset, ainsi qu'une indexation avec Rameau. A chaque envoi de disquettes, la liste des concepts utilisés est fournie, ce qui permet la mise à jour des renvois dans la liste d'autorité.
L'abonnement annuel comporte onze livraisons. Les bibliothèques s'abonnent pour un dépouillement « à la carte » : chaque disquette comporte les titres retenus dans une liste de 71 revues. Les prix varient selon les difficultés d'indexation des revues (de 300 F par an pour Archeologia, Diapason, Europe... à 3 900 F par an pour L'Express).
Cette bibliographie vise essentiellement les bibliothèques de lecture publique informatisées. Les premiers abonnés sont des bibliothèques municipales (dont la Maison du livre, de l'image et du son de Villeurbanne, les bibliothèques municipales de Valence, Arles, Aix-en-Provence...). Les notices ont été versées avec succès dans les systèmes Geac, Opsys et Dynix.
CD-Actualité
Dernier venu sur le marché, CD-Actualité 9 est diffusé sous la forme d'un disque optique compact (CD-Rom). Il comporte le dépouillement, depuis 1992, de 447 périodiques français « les plus consultés en France et sélectionnés par la Bibliothèque publique d'information ». Cette sélection intègre les 200 périodiques les plus localisés dans la base du Catalogue collectif national des périodiques et des publications en série (CCN).
CD-Actualité s'inspire des Current Contents, auxquels Chadwick-Healey se réfère. Il s'agit d'une compilation de sommaires, les articles étant signalés par leur titre et leurs auteurs. La recherche se fait à partir des noms d'auteurs et des mots du titre, et éventuellement sur les mots des résumés d'auteur... qui sont rares pour les revues concernées. Il n'y a pas de travail d'indexation. Le logiciel de pilotage, d'utilisation simple, est le même que celui de la version actuelle de Myriade, le CD-Rom du CCN, et a été mis au point par Chadwick-Healey France. Mis à jour chaque mois, l'abonnement annuel à CD-Actualité est de 8 000 F.
Comparaison des périodiques dépouillés
Quels sont les périodiques actuellement indexés par ces divers répertoires ? Si on considère l'ensemble des revues dépouillées, on parvient à un total de 672 titres (état fin 1992). Parmi ceux-ci figurent 82 revues régionales qui sont l'exclusivité de Périoscope, au fonctionnement décentralisé.
Restent 590 revues de domaines apparemment extrêmement variés. En fait l'analyse révèle que certains sujets sont plus représentés que d'autres et que certains autres sont presque absents. La première évidence est l'abondance des revues pédagogiques (Périoscope et Mémofiches sont constitués dans des centres de documentation pédagogique). Pour la même raison mais aussi en réponse aux besoins des bibliothèques de lecture publique souvent très sollicitées par un jeune public scolarisé, ces listes contiennent une proportion importante de revues destinées à un public d'adolescents et de lycéens (ainsi Phosphore est indexé dans 5 cas sur 6, Textes et documents pour la classe, BT Bibliothèque de travail dans 4 cas, Okapi dans 3 cas).
Les revues de vulgarisation scientifique occupent aussi une grande place (La Recherche est le seul titre indexé dans tous les répertoires). Les revues d'actualité politique et économique sont également nombreuses. Certains domaines sont bien représentés, parfois avec des titres différents. Cependant les quotidiens et les hebdomadaires d'actualité, dont le dépouillement représente un travail très lourd et parfois décevant (tous les articles de ces journaux n'ont pas vocation à la pérennité et le risque de redondance est important) sont faiblement couverts. Pour la même raison sans doute (caractère éphémère de la plupart des articles), les revues de sport sont pratiquement absentes des sélections.
En revanche pas d'explication à la quasi-absence de revues musicales (Le Monde de la Musique, Rock and folk n'apparaissent que 2 fois ; beaucoup d'autres titres sont absents, tel les Inrockuptibles) alors que les questions sur ce sujet (biographies de musiciens contemporains ou morts, documentation sur des instruments de musique, des œuvres musicales) sont fréquentes en bibliothèque de lecture publique et qu'il est souvent malaisé de trouver l'information requise. Comment également expliquer la quasi-absence de revues d'architecture ? Pour avoir accès à l'ensemble des références concernant la presse, il est nécessaire de faire appel à plusieurs outils, car beaucoup de revues ne sont analysées que par un seul répertoire.
Science Culture se démarque des autres répertoires par ses ambitions élevées, puisque le but est de dépouiller environ 800 revues du monde entier et en plusieurs langues, et surtout de niveau scientifique plus pointu. CD-Actualité, avec 450 revues choisies pour recouvrir le fonds de périodiques de la Bibliothèque publique d'information du Centre Georges Pompidou et les revues le plus souvent signalées au Catalogue collectif national des publications en série (CCN), cherche à satisfaire le plus grand nombre de bibliothèques. On peut seulement s'étonner de l'absence de quelques revues sans doute plus présentes dans les bibliothèques de lecture publique que ne le laisse voir le CCN, comme Cinéma, Croissance des jeunes nations, La Documentation photographique, Dossier familial, Le Français dans le monde, Gavroche, Groupe familial, Le Journal des enfants, Pourquoi, Trente jours d'Europe, ainsi que des revues destinées aux jeunes comme Okapi et Science et Vie junior. Mais, globalement c'est certainement la liste susceptible de coïncider le plus avec un fonds de périodiques d'une bibliothèque municipale.
Les index de périodiques disponibles sur minitel
En marge de ces répertoires destinés à une utilisation locale, on commence à trouver des services sur le réseau vidéotex. Même s'il est vraisemblable que le service 36 15 Match, qui offre les sommaires de Paris-Match sur 2 ans, n'apparaisse pas comme capital à la plupart des bibliothécaires, il indique la direction prise par les éditeurs de revues : proposer un produit d'appel reflétant les parutions de leur titre principal. C'est le cas par exemple pour 36 15 Archimède, qui offre un index de la revue Pour la science, associant à chaque recherche documentaire la possibilité de commander les numéros correspondants.
36 16 Archiv offre un service similaire pour la revue Historia. Trois revues offrent aussi le texte intégral des articles : il s'agit de Soft et Micro (36 17 SEM2), Science et Vie économie (36 17 SVE2) et Science et Vie micro (36 17 SVM2). On peut cependant se demander si le média vidéotex est le plus adapté à la lecture suivie d'un article.
Enfin, depuis janvier 1994, le journal Le Monde propose un service de recherche d'articles sur minitel (36 17 LMDOC pour les références seules, et 36 29 04 56 pour le texte intégral des articles). De même, La Croix (36 29 00 04) et Les Échos (36 29 50 50) offrent un accès en texte intégral sur le réseau vidéotex.
Aux États-Unis
Historique
Les index imprimés d'articles de périodiques grand public ont été produits pour les bibliothèques aux Etats-Unis depuis 1882, époque à laquelle a été publié pour la première fois un index intitulé Poole's index. Cet index fut ensuite repris par l'American Library Association, ce qui est révélateur de l'intérêt qu'a suscité cet outil chez les bibliothécaires américains. Plus tard (1905), cet index est repris par la Wilson Company, actuellement toujours éditrice d'index de périodiques, imprimés, en ligne et sur CD-Rom 10.
Pendant longtemps cet index ne connut pas de concurrent sérieux. Mais, en 1976, la société Information Access Company (IAC) met en place la première banque de données américaine de références d'articles de périodiques de large diffusion sous le titre de Magazine Index, sur le serveur Dialog. Ce produit, qui occupait un nouveau créneau, connut immédiatement une très grande popularité auprès des chercheurs et des bibliothèques d'établissements du second cycle scolaire ou du premier cycle d'études supérieures.
Wilson Company a mis quelques années à réaliser sa propre banque de données ou plutôt ses banques de données, car cette compagnie offre une gamme assez diversifiée. Il est possible de souscrire un abonnement à une banque de données en ligne qui reprend les répertoires imprimés, mais aussi de souscrire à des extractions correspondant à des domaines précis. Wilson Company semble avoir repris des parts de marché dans le secteur des bibliothèques en proposant des formules telles que le chargement dans le catalogue en ligne d'une bibliothèque donnée d'un ensemble au choix de ses banques thématiques.
En 1985, toujours avec une longueur d'avance, Information Access Company innove en mettant sur le marché un vidéodisque, ancêtre de ses CD-Rom, reprenant ses données accessibles en ligne, sous le nom d'Info-Trac. Bientôt rejoint par plusieurs concurrents, Info-Trac reste le produit le plus populaire et donc le plus diffusé. Actuellement il existe 4 compagnies américaines proposant ce type de CD-Rom : EBSCO, H. W. Wilson, University Microfilms Inc. (UMI) et Information Access Company. Ces CD-Rom intéressent vivement les bibliothèques des lycées et des universités, comme en témoignent les essais comparatifs publiés par les revues de bibliothéconomie américaines (l'essentiel des articles disponibles sur ce sujet est consacré aux versions sur CD-Rom et à leur utilisation en milieu scolaire ou universitaire) 11.
C'est aussi IAC qui indexe le plus grand nombre de périodiques, puisque sa version destinée aux universités sous le titre d'Academic Library Edition comporte 1 200 titres, chiffre équivalent à celui de sa Public Library Edition. Cependant, les différents producteurs sont tous attentifs à inclure dans leur sélection d'articles dépouillés les 200 titres de la liste de référence (Readers' Guide to Periodical Literature) mise au point par la Wilson Company et un comité de bibliothécaires sur la base de ce qui devrait constituer le fonds minimal de périodiques d'une bibliothèque publique. Cette liste est devenue une référence pour les producteurs, comme en témoigne l'argument publicitaire cité par Carol Tenopir : « Everything covered in Readers' Guide, plus more » (cf. note 10).
Il est intéressant de noter que les auteurs qui comparent ces CD-Rom soulignent l'importance que présentent de tels instruments de travail quant à l'utilisation des périodiques dépouillés. Toute une partie du public scolaire, du premier cycle des universités et des lecteurs des bibliothèques publiques a besoin de références d'articles de périodiques pour non-spécialistes. Chaque expérience citée dans les articles consacrés à ce sujet relate l'augmentation de la consultation du fonds de périodiques local et souvent l'augmentation des demandes de prêt inter bibliothèques portant sur les revues indexées par ces répertoires 12.
Récemment, une autre formule a vu le jour : les producteurs de banques de données ont commencé de signer des contrats avec des réseaux de bibliothèques ou des concepteurs de logiciels documentaires. Les bibliothèques membres de ces réseaux disposent de 3 options possibles 13 :
- charger des bandes de données dans leur propre système pour un accès local,
- utiliser un accès extérieur et obtenir l'information via un anté-serveur,
- charger les CD-Rom de ces banques de données sur leurs stations de CD-Rom déjà existantes.
Ce contrat a été passé notamment entre IAC et Notis Systems qui équipe un très grand nombre de bibliothèques aux États-Unis mais aussi avec Carl.
Deux réalisations nous semblent significatives : Magazine Index et Uncover.
Magazine Index
Magazine Index 14 est une banque de données accessible en ligne (sur la majeure partie des serveurs professionnels Dialog, Orbit...) et sur CD-Rom. IAC propose aussi sa diffusion en intégrant directement les données dans les systèmes de gestion de bibliothèques. Les domaines couverts représentent un très large spectre, depuis l'actualité et les informations générales, la littérature, les loisirs, les spectacles et les sports jusqu'à la vulgarisation scientifique et économique. Près de 450 magazines américains de grande diffusion sont dépouillés. En 1990 la banque comptait 2,8 millions de références. L'accroissement annuel est de 140 000 références.
Les notices descriptives sont très complètes, et comportent divers champs spécifiques pour faciliter la recherche : pn = product name, co = company name (depuis 1986), sf = special feature (illustrations, portrait...), na = name (personne citée dans l'article). Y figure également la valeur de l'appréciation (A à E) s'il s'agit d'une critique.
Une telle structure de fichier renvoie à la pratique de recherche documentaire menée par des intermédiaires professionnels. L'évolution de l'indexation de Magazine Index est révélatrice de l'évolution des besoins des usagers et aussi de la nécessité de contrôler la recherche dans un volume de données devenu très important (le nombre de références s'élevait en 1986 à 1 800 000. Il atteint actuellement 2,8 millions de références). C'est ce que traduit l'introduction en 1986 de deux champs codés supplémentaires : les codes géographiques (gn = localisation géographique), mis en place par la banque elle-même et qui permettent une interrogation variant du continent à la commune, et les codes de classification industrielle (sc = code de classification industrielle, c'est-à-dire codes de la Standard Industrial Classification). Depuis 1986, l'interrogation peut également se faire selon le nom des firmes et des produits industriels.
La mise à jour est mensuelle, mais les utilisateurs ont la possibilité de consulter la base Newsearch d'IAC qui contient la mise à jour quotidienne de six banques de données produites par cette compagnie (The Computer Database, Magazine Index, Management Contents, Legal Resource Index, National Newspaper Index, Trade and Industry Index).
L'indexation se réfère à la liste des vedettes-matières de la bibliothèque du Congrès (LC Subjects Headings). Information Access Company, le producteur, édite un Subject guide to IAC Database qui contient les descripteurs employés dans ses différentes banques. La recherche se fait par équations de recherche employant les mots-clés et les opérateurs booléens ou directement sur des champs codés. Depuis 1983 Magazine Index offre, pour 50 périodiques, la possibilité d'accéder au texte complet des articles dans une base intitulée Magazine ASAP avec interrogation possible par mots du texte.
Magazine Index est destiné à un très large public, dont celui des usagers des bibliothèques publiques et des bibliothèques des établissements d'enseignement, du secondaire à l'enseignement supérieur. Tous les étudiants américains de 1re et 2e année doivent rédiger des mémoires pour lesquels Magazine Index constitue la première source d'information. Aussi le producteur crée-t-il de nombreux produits documentaires diversifiés, diffusés sur CD-Rom, qui reprennent tout ou partie de la banque de données. La tendance actuelle est d'offrir aux bibliothèques un forfait global pour installer la banque de données sur leur système de gestion, permettant aux utilisateurs d'interroger avec les mêmes procédures le catalogue local et la banque de données.
Le réseau Carl et le dépouillement de périodiques
En dehors des banques de données commerciales, il convient d'étudier avec attention la banque de données coopérative Uncover de Carl (Colorado Alliance of Research Libraries). Carl system est un réseau informatisé de bibliothèques, fondé en 1974 par 6 bibliothèques universitaires du Colorado, qui comprend notamment un module d'acquisitions partagées et un catalogue commun accessible en ligne. Le logiciel ainsi développé a été choisi par plusieurs bibliothèques dans tout le pays (notamment Melvyl, de l'université de Californie, qui propose 7 millions de références d'ouvrages !).
La banque de données Uncover est produite suivant un mode coopératif, chaque bibliothèque du réseau dépouillant une liste de titres de façon très succincte (titre et auteurs, rarement résumé) et s'engageant à fournir les photocopies des articles à la demande des utilisateurs. Conçu à l'origine en cercle fermé pour les besoins du réseau Carl, cette banque de données est aujourd'hui accessible mondialement par le réseau Intemet. Chaque référence d'article mentionne un prix de copie, tenant compte du copyright. La commande des copies d'article se fait directement en ligne, et la réception est possible sur télécopieur. Paiement par carte bancaire, évidemment.
Le travail coopératif permet de proposer une grande variété de revues : plus de 14 000 titres, qui vont des revues scientifiques de très haut niveau aux revues sportives et musicales. L'indexation est réduite, la masse d'information proposée compensant les faiblesses de chaque description particulière. On doit de plus constater que les besoins desservis par Uncover n'étant pas « stratégiques », un rapport doit être établi entre le coût de réalisation du service et les besoins des utilisateurs. Les prix proposés pour la fourniture des documents sont proches des services du prêt entre bibliothèques (PEB) français. L'accès à la banque de données, qui est en fait conçu comme un produit d'appel pour la fourniture de documents, est aujourd'hui gratuit via le réseau Internet. On trouvera en annexe un exemple de recherche sur Uncover.
Le projet de l'université de Caen
La bibliothèque scientifique, section de la bibliothèque de l'université de Caen, propose aujourd'hui un projet 15 de travail coopératif de dépouillement de revues de grande diffusion semblable à celui d'Uncover.
Le système actuellement en place a démarré en 1988 afin de fournir aux étudiants des premier et deuxième cycles un moyen d'obtenir des informations bibliographiques pour la rédaction de mémoires. Les CD-Rom de publications scientifiques ne correspondaient pas à ce type de préoccupation, et les index annuels des revues de vulgarisation scientifique restaient peu pratiques. Un appel dans le forum associé au prêt entre bibliothèques a permis de connaître le travail d'un chercheur de l'université de Pau, qui dépouillait déjà, de façon très concise, sous le logiciel DBase, les revues visées (La Recherche, Pour la Science, Sciences et Avenir, Science et Vie...). Grâce à la bibliothèque de l'université de Pau, les données ont été récupérées et présentées sous Texto sur le serveur de Caen. Le logiciel d'interrogation a été rédigé afin de permettre un accès en formulation libre.
Les données paloises étant trop succinctes, la poursuite du projet a été assumée, à l'université de Caen, suivant une grille simple mais complète. La saisie est assurée sur Macintosh. Les données sont ensuite régulièrement versées sur le serveur de l'université et rendues accessibles aux utilisateurs. Cette architecture permet d'intégrer aisément le travail de dépouillement réalisé par toute bibliothèque qui souhaiterait participer à ce réseau coopératif, car la saisie se déroule en mode local, de plus sur un système convivial. Enfin, depuis février 94, un système de diffusion automatique de profils par messagerie électronique a été développé.
Le masque de saisie a été rédigé sous HyperCard/Hypertalk et requiert un écran de 12 pouces monochrome (ou au minimum 15 pouces couleur), afin de faire tenir toute la fiche de dépouillement sur un écran (cf. document ci-dessous). Une version pour les anciens Mac à écran 9 pouces existe, mais s'avère moins ergonomique.
Les choix d'indexation sont les plus importants à discuter ici, l'ergonomie de la saisie reprenant celle généralement répandue des applications Macintosh. Une revue est dépouillée très rapidement, soit 20 à 40 minutes. Nous avons opté pour une indexation en langage libre, qui présente deux avantages : d'une part, elle favorise une saisie rapide. Il y a gain de temps à la saisie dans la mesure où celui qui l'effectue ne lit, ni n'analyse l'article pour rechercher les expressions d'indexation les plus pertinentes mais utilise tout ce que la revue met à sa disposition : chapeau de présentation de l'article, têtes de chapitres, légendes de photos et résumé d'auteur ; d'autre part elle ne nécessite pas l'usage d'un thésaurus, instrument qui ne parvient jamais à suivre complètement le rythme des évolutions de l'actualité et dont le maniement reste compliqué. Les inconvénients souvent cités d'une dispersion du vocabulaire et de l'absence de liens entre les expressions rejetées et les termes choisis semblent moins importants en regard de la rapidité de saisie, qui correspond aussi à la possibilité d'offrir un plus grand nombre de références. Une étude est actuellement en cours pour calculer un coefficient de ressemblance entre références qui permettrait de résorber une partie de ces problèmes. L'objectif de cette étude est de mettre en place une navigation hypertexte partant des documents déjà retrouvés et proposant les documents ayant un fort coefficient de ressemblance 16.
Actuellement, la recherche est possible à partir de tous les mots de la notice, ce qui permet de retrouver des expressions idiomatiques dans les titres ou les résumés. Le logiciel d'interrogation accepte en entrée des questions formulées librement. L'analyse de la question élimine les mots grammaticaux (articles, prépositions...). Chaque terme repéré est recherché dans la banque de données avec ses flexions de nombre (singulier et pluriel, quel que soit le choix de l'utilisateur dans sa question... et quel que soit le choix de l'indexeur). Les termes sont ensuite combinés par un ET booléen (conjonction). L'analyseur reste fruste, mais sait néanmoins traiter tous les problèmes de pluriels irréguliers (cheval OU chevaux, éventail OU éventails) et propose une solution au problème du trait d'union (agroalimentaire OU agroalimentaire OU agro-alimentaires OU agroalimentaires). Le système, fonctionnant sous Texto, ne dispose pas des opérateurs de proximité, ce qui peut être source de bruit documentaire, mais permet la troncature à droite.
Ce service est ouvert à la consultation des étudiants depuis 1988 sur place. Il est accessible par le réseau Renater depuis octobre 1993. Un accès par le réseau téléphonique commuté permet aussi une consultation locale à partir d'un minitel bi-standard. Un exemple de consultation est porté en annexe.
Quel avenir pour un tel projet ?
Il nous semble que l'information contenue dans les revues de grande diffusion mérite une attention bien plus grande que celle qui lui est dévolue actuellement en France. Moins stratégique que l'information scientifique ou économique, la prise en compte de ce type de revues ne peut reposer que sur les bibliothèques, soit comme marché potentiel pour des produits commerciaux, soit comme acteurs d'un produit coopératif.
Cet article a présenté successivement les deux possibilités : une orientation commerciale, qui garde une place encore prépondérante, et une orientation coopérative destinée à offrir au moindre coût un service comparable (les travaux des CRDP ou le système proposé par l'université de Caen). Une solution intermédiaire existe aussi, consistant en l'achat de données au niveau de réseaux de bibliothèques. Une méthode qui correspond à un mouvement déjà bien établi aux États-Unis.
Ce mouvement général repose aussi sur la fiabilité accrue des réseaux de communication, qui permet d'envisager la mise à disposition des services dans chaque bibliothèque participante d'un réseau, tout en ne conservant qu'une seule banque de données partagée. Ce pari est celui proposé aujourd'hui par l'université de Caen. Il correspond au développement du réseau Renater.
L'offre actuelle de l'université de Caen reste assez souple et évolutive. La banque de données existante traite des revues de vulgarisation scientifique. Suite à une réflexion menée avec la bibliothèque municipale de Caen, notamment avec les bibliothécaires du conservatoire, nous envisageons maintenant de constituer deux fichiers : l'un conserverait une orientation scientifique, et l'autre traiterait les périodiques d'orientation culturelle et sociale. Cette partition permettrait d'éviter des problèmes de bruit documentaire, et offrirait un cadre plus accueillant pour toute bibliothèque désirant s'intégrer dans un travail coopératif.
Les fichiers sont distribués gratuitement par le serveur de l'université de Caen, suivant un accès via le réseau Renater/Internet. Ce choix délibéré vise à offrir des ressources d'information afin de promouvoir les utilisations du réseau par les bibliothèques. Le développement du réseau de la recherche et de l'éducation ne sera possible qu'en raison directe des services proposés. Nous offrons notre pierre à cette construction.
Le travail de dépouillement ne peut cependant reposer uniquement sur quelques bibliothèques. Comme nous croyons à la déontologie professionnelle, nous pensons que les bibliothèques qui auront trouvé des satisfactions à utiliser ce service auront à coeur de participer à son développement. La souplesse de constitution, via un logiciel en mode local, ergonomique, et la rapidité de saisie que permet l'indexation libre sont des arguments forts pour permettre à chacun de s'intégrer en fonction de ses capacités (nombre de titres dépouillés) et de ses choix de développement des collections (choix des titres dépouillés). Il sera toujours temps de revoir cette politique en cas de nécessité (coûts trop importants pour l'université de Caen). À vous de jouer.
Avril 1994