La bibliothèque administrative de la ville de Paris

par Philippe Hoch
réd. par Pierre Casselle, avec la collab. de Pierre-Allain Tilliette et Noëlle Balley ; avant-propos de Béatrix de Bufféevent
Paris : Agence culturelle de Paris, 1993. - 105 p. ; 21 cm.
ISBN 2-906869-46-5 : 120 F

Il y a une dizaine d'années, le rapport relatif à l'état du patrimoine des bibliothèques françaises établi par l'inspecteur général Louis Desgraves et les membres de la commission qu'il présidait, mettait l'accent sur la faiblesse numérique, la dispersion et l'extrême spécialisation des travaux portant sur l'histoire des grands établissements dépositaires et gardiens de la mémoire culturelle. La remarquable Histoire des bibliothèques françaises en quatre volumes, publiée entre 1989 et 1992 par Promodis, a amplement - et brillamment -comblé ces lacunes.

Mais une meilleure connaissance du passé et du présent d'institutions qui sont, selon l'heureuse formule d'André Masson, non seulement des « instruments de travail », mais bien le véritable « conservatoire du patrimoine intellectuel de l'humanité », passe aussi par des monographies précises et complètes. L'ouvrage publié par la Bibliothèque administrative de la ville de Paris fait figure de modèle et l'on aimerait que d'autres établissements, parisiens ou de province, suivent une voie tracée avec tant d'élégante fermeté et de savoir communiqué sans lourdeur aucune.

Dans un avant-propos concis, Béatrix de Buffévent précise les circonstances de la réalisation du livre (réouverture de l'établissement, en avril 1993, après dix mois de travaux de restauration et de réhabilitation) et rappelle quelle place, somme toute fort singulière, occupe la Bibliothèque administrative dans le paysage bibliothéconomique de la capitale.

Maître d'œuvre de l'ouvrage, Pierre Casselle évoque tout d'abord « près de deux siècles de bibliothèques à l'Hôtel de Ville ». Une première bibliothèque publique, dont les collections étaient de nature peu ou prou encyclopédique, exista en effet durant les sept premières décennies du XIXe siècle. Les moyens dont elle disposait n'étaient certes pas négligeables, puisqu'ils atteignirent 51 500 francs en 1870, « soit plus que les sommes consacrées par l'Etat aux bibliothèques Sainte-Geneviève et de l'Arsenal réunies ». Ses richesses s'accrurent rapidement, mais furent anéanties presque complètement en 1871, lors de la Commune. L'Hôtel de Ville ayant été la proie des flammes, une bibliothèque fut alors reconstituée à titre temporaire dans les locaux de l'Hôtel Camavalet.

Pôle d'excellence

La bibliothèque de l'Hôtel de Ville, qu'il avait fallu reconstruire, ne rouvrit ses portes qu'en 1890. Et sa vocation, désormais, n'était plus « généraliste », mais spécialisée dans le domaine de la documentation administrative, comprise au sens large, et répartie en deux sections, française et étrangère. L'établissement apparut rapidement comme « exemplaire » dans son secteur - on eût aujourd'hui parlé de « pôle d'excellence » -, offrant des ressources beaucoup plus importantes que les bibliothèques de l'Etat. L'étude de Pierre Casselle s'achève sur l'examen des différentes tutelles administratives de la bibliothèque, lesquelles furent fort nombreuses.

Le même auteur rend compte, dans un chapitre intitulé « La salle de lecture retrouve sa jeunesse », des travaux de réhabilitation entrepris en 1992 et 1993, qui prirent la suite de transformations dont l'Hôtel de Ville lui-même bénéficia ces dernières années (ainsi, en 1991, la verrière du comble). L'accès du public à la salle de lecture fut interdit à partir du mois de juin 1992, afin de permettre le déménagement de quelque cent mille volumes, mais surtout afin de procéder « à une véritable reconstitution du décor d'origine et à une réfection complète des équipements techniques », sans parler du nettoyage et de la restauration des peintures.

Un troisième article, « Des collections au service de la Municipalité, des chercheurs et des administrés », permet à Pierre Casselle de mettre en évidence la spécificité de la Bibliothèque administrative et de souligner l'importance du rôle qu'elle joue auprès d'un public à la fois « interne » (élus et fonctionnaires de la ville) et extérieur. Un fonds de 470 000 volumes et une collection de 1 330 titres de périodiques vivants, auxquels il convient d'ajouter un millier de titres morts, ainsi que 1 600 manuscrits du XIVe au XXe siècle, permettent de « couvrir tous les centres d'intérêt de l'administration parisienne ».

La documentation d'origine française est complétée par un fonds étranger d'environ 40 000 volumes, présenté par Pierre-Alain Tilliette. Cette section, créée dès 1878, dont la richesse est due notamment à des dons et à des échanges de publications officielles rédigées en une vingtaine de langues, contribue fortement à l'originalité de la Bibliothèque administrative. Ses responsables s'efforcent, par un travail prioritaire d'inventaire et de catalogage, de « répondre à la demande de chercheurs trop heureux de pouvoir trouver au cœur de Paris des documents qu'ils pensaient ne pouvoir consulter qu'à l'étranger ». De plus, souligne P.-A. Tilliette, « renouant avec les premiers temps, la Bibliothèque administrative se donne les moyens de son regain : magasins appropriés, travaux de reliure, acquisition de livres anciens et d'ouvrages de référence ».

Documentation par l'image

Il reste à faire état, avec Noëlle Balley, d'un dernier fonds, consacré à l'iconographie. En 1981, on découvrit dans les greniers de l'Hôtel de Ville dix mille dessins d'architecture datant pour la plupart de la seconde moitié du XIXe siècle, tandis que d'autres pièces, non moins intéressantes, reposaient dans une cave à Bagatelle. Des photographies anciennes, précieuses pour l'étude de l'architecture et de l'urbanisme parisiens, et d'autres, plus récentes, témoignant de « la construction et l'aménagement de squares, stades, terrains de sport et jardins dans les années 1940-1950 », complètent cette documentation par l'image.

En guise de copieuse conclusion, Pierre Casselle entreprend de démontrer, sources et preuves à l'appui, que la Bibliothèque administrative constitue « la mémoire de l'administration et des élus parisiens ». Ce parcours historique nous vaut la présentation, par le texte et par l'iconographie, de quelques-unes des pièces les plus remarquables de l'établissement, qui datent pour les plus anciennes de l'Ancien Régime, tandis que les plus récentes appartiennent encore, ou presque, au présent.

Soulignons quant à nous, pour finir, le soin apporté non seulement à la rédaction de cette monographie à la fois savante et plaisante - ce qui n'est pas si commun -, mais aussi à son illustration judicieuse et à son heureuse mise en page, non dépourvue d'originalité.