Les bibliothèques universitaires québécoises
La concertation comme levier de développement
Jules Chassé
Jean-Rémi Brault
Onil Dupuis
C'est en collaboration, dans une approche de concertation, que les bibliothèques universitaires québécoises entendent continuer à se développer et à relever les défis que posent la croissance rapide et la diversification des besoins auxquels elles doivent répondre, l'accélération de l'évolution des nouvelles technologies, en même temps que les ressources dont elles disposent diminuent. C'est dans cette perspective qu'elles ont élaboré ensemble le Plan directeur triennal 1993-1996 qui encadre leurs activités communes et précise l'orientation de leur développement futur.
Failing resources have led Quebec's university libraries to collaborate in various ways to meet the challenges created by expanding technologies and increasing number and range of demands. Libraries have joined together to draw up a Plan directeur triennal 1993-1996, to describe joint activities and chart future development.
Durch die Mitarbeit, d.h. mittels einer konzertierten Tätigkeit, wollen die Universitätsbibliotheken in Quebec sich weiterentwickeln und die Herausforderungen annehmen, die das rasche Wachstum und die Diversifikation der zu befridiegenden Bedürfnisse entstehen lassen, sowie die Beschleunigung der sogennanten " neuen Technologien ", obwohl ihre eigenen Haushaltsmittel indessen abnehmen. In diesem Rahmen haben sie einen dreijährigen Plan für 1993-1996 entworfen, der ihre gemeine Tätigkeit festlegt und die Ausrichtung ihrer künftigen Entwicklung bestimmt.
Concertation, collaboration, coopération et coordination sont les mots-clés - ou les quatre « C » - qui ont caractérisé le développement des bibliothèques universitaires québécoises au cours des vingt-cinq dernières années. Depuis 1963, celles-ci se sont réunies en un forum permanent d'échanges d'information et de concertation au sein d'un organisme privé à but non lucratif, la Conférence des recteurs et des principaux des universités du Québec (Crepuq).
Afin d'atteindre ses divers objectifs, la Crepuq a établi plusieurs comités et sous-comités permanents. Un des plus importants, à cause de son activité et de son rôle par rapport aux activités d'enseignement et de recherche, fut le Comité de coordination des bibliothèques. Le nom de ce Comité fut modifié en 1972, lors de l'adoption du nouvel organigramme de la Crepuq, pour devenir le Sous-comité des bibliothèques.
Ce Sous-comité est composé du directeur des bibliothèques de chacun des établissements universitaires membres, sauf l'Université du Québec qui, en raison du nombre de ses constituantes réparties à travers le Québec, y délègue quatre représentants. De plus, la Bibliothèque nationale du Québec, la Bibliothèque de la Ville de Montréal et le Collège militaire royal de Saint-Jean délèguent chacun un représentant, à titre d'observateur. Le Sous-comité relève du Comité des affaires académiques. Il dispose de l'appui du secrétariat permanent de la Crepuq et des services d'un chargé de recherche. L'organigramme fonctionnel de la page suivante situe plus exactement le Sous-comité au sein de la Crepuq et montre les relations et l'étendue des activités de ses différents groupes ou sous-groupes de travail.
Les activités du Sous-comité des bibliothèques se conjuguent autour d'objectifs précis. Sans entamer la nécessaire autonomie de chaque bibliothèque, les membres cherchent des possibilités sans cesse renouvelées de collaboration pour favoriser un accès maximal aux ressources documentaires disponibles dans chaque bibliothèque.
Ces objectifs se cristallisent autour de la notion du « service » le plus complet et le plus efficace possible. A cette fin, les directeurs des bibliothèques universitaires ont décidé de développer des outils communs, destinés à favoriser à la fois la rationalisation des ressources et une meilleure accessibilité à la documentation et à l'information. Ces objectifs étaient, certes, ambitieux, mais ils ont été largement atteints, on le verra, si bien que divers mécanismes peuvent maintenant être recherchés pour les améliorer.
La poursuite de ce double objectif visait à assurer une utilisation optimale des ressources humaines, documentaires, financières et matérielles mises à la disposition des bibliothèques par chaque université. Car, puisque ces ressources ne progressent pas toujours au même rythme que les besoins, il était impératif - et il l'est toujours - de trouver des moyens pour les rentabiliser. La mise en commun d'informations et d'expertises afin d'améliorer la gestion des bibliothèques, dans un contexte économique souvent difficile, l'étude de l'intégration et de l'application des nouvelles technologies, dans le respect de l'autonomie des établissements, tout cela constituait à la fois des objectifs et des moyens pour améliorer le « service » légitimement réclamé par les usagers.
Rappel historique
C'est le 27 octobre 1967 que les directeurs des bibliothèques des six universités québécoises 1 se réunissaient pour la première fois sous l'égide de la Crepuq. Cette première rencontre de ce qui s'appelait alors le « Comité de coordination des bibliothèques universitaires du Québec » répondait non seulement aux objectifs de la Crepuq, mais à un besoin clairement identifié, à un état qui, selon certains, voisinait avec l'indigence.
Car, durant cette décennie 1960, les bibliothèques universitaires du Québec souffraient d'un sous-financement particulièrement aigu. Les enquêtes s'étaient multipliées. Les résultats et les recommandations convergeaient : si les universités voulaient se doter de véritables bibliothèques, aptes à s'associer à la recherche et à soutenir l'enseignement, il fallait leur accorder un budget qui atteigne au moins 10 % du budget de fonctionnement de l'université. Telle était l'opinion de tous les spécialistes, aussi bien au Canada qu'aux États-Unis.
Or, selon le rapport Williams, ces bibliothèques ne recevaient en 1962 que 4,7 % de budget de fonctionnement de chaque université 2. Et, en 1967, le rapport Downs 3 établissait le pourcentage du budget des bibliothèques universitaires par rapport au budget de fonctionnement de leur université respective de la façon suivante :
Il est évident que cette carence du financement entraînait sa cohorte de problèmes, dont le manque de personnel qualifié et le sous-développement des collections n'étaient pas les moindres. Or, sans un personnel compétent et suffisamment nombreux et sans une collection adéquate et constamment mise à jour, une véritable bibliothèque universitaire n'existe pas. Et, ose-t-on ajouter, sans une véritable bibliothèque, une université ne saurait atteindre ses objectifs d'enseignement et de recherche.
Les directeurs de ces bibliothèques étaient donc convaincus - et ils le sont toujours - que les solutions résidaient dans un effort de concertation, de coordination, de collaboration et de rationalisation. Dès leur première réunion, ils définissaient le mandat dont ils entendaient poursuivre la réalisation. Il est intéressant de constater que ce texte contient en germe tout le programme qui sera subséquemment et graduellement réalisé et auquel ils resteront fidèles :
« Faire des recommandations à la Crepuq pour favoriser le développement et la coordination des bibliothèques universitaires du Québec. À cette fin, le comité doit d'abord étudier toutes les ressources disponibles dans la province et ailleurs s'il y a lieu, et soumettre ensuite un projet de collaboration entre les bibliothèques universitaires au niveau des collections de recherche » 4.
Ce mandat précisait à la fois les buts à atteindre et les moyens qui seraient utilisés à cette fin. Or, si le sous-financement de ces bibliothèques était patent, d'autres moyens devaient être mis en œuvre pour améliorer cette situation. La coordination, le travail en commun, la mise en place de mécanismes efficaces et concrets de concertation et de collaboration, toutes ces actions conjuguées à l'acceptation de normes de financement reconnues, devaient contribuer à leur permettre d'atteindre et de maintenir un niveau de développement propre à soutenir adéquatement les activités d'enseignement et de recherche des membres de la communauté universitaire.
Les directeurs des bibliothèques universitaires se mettent donc au travail pour réaliser un authentique réseau, conscients de l'urgence pour les universités de ne plus considérer « la bibliothèque comme une institution culturelle isolée ou comme un quelconque service administratif qui servait de complément aux manuels d'enseignement ou comme un supplément occasionnel à la collection de livres et de revues du professeur » 5.
Tout au long de ces vingt-cinq années de travail coopératif, une préoccupation a été constamment présente et a, en quelque sorte, commandé toutes les activités : c'est celle de la rationalisation du développement des collections.
« Considéré à juste titre comme la clé de voûte du service vraiment efficace que les bibliothèques universitaires doivent offrir, le souci de développer des collections qui répondent aux besoins des usagers et qui s'accordent aux programmes mis de l'avant par les universités, ce souci se retrouve dans toutes les décisions et dans toutes les entreprises. Les grands projets élaborés, puis réalisés au cours de ces années, visaient tous à résoudre, ou au moins à amoindrir les problèmes relatifs au développement des collections » 6.
Des projets mis en chantier
À cette fin, des projets concrets ont été d'abord mis en chantier, puis réalisés au cours des années. Le plus spectaculaire et le plus efficace est peut-être le réseau Pebuquill, un service de livraison quotidienne des documents 7. Malgré les distances considérables qui séparent les universités les unes des autres, ce réseau permet à un chercheur, quel que soit le lieu de son travail, d'avoir accès rapidement à l'ensemble de la documentation des universités québécoises. Bien plus, grâce à une entente cordiale entre la Crepuq et les bibliothèques universitaires ontariennes, le réseau s'étend également aux universités de cette province voisine 8. Une entente similaire permet l'accès à l'ensemble des bibliothèques du gouvernement fédéral de la région d'Ottawa. L'établissement de ce service contribua à rationaliser le développement des collections dans chaque institution, à faire en sorte que les collections de chaque université se développent dans un contexte collectif. Dans le but d'assurer une exploitation maximale des ressources documentaires des différentes bibliothèques universitaires, le Sous-comité s'est aussi préoccupé d'en faciliter l'accès. Ainsi le privilège d'emprunt entre bibliothèques, longtemps réservé aux professeurs, fut octroyé en 1975, de façon permanente, aux étudiants de deuxième et troisième cycles ainsi qu'au personnel administratif de l'ensemble des établissements universitaires québécois. En vertu d'une entente conclue, à titre expérimental, en 1973 et renouvelée chaque année, les bibliothèques universitaires ne se facturent pas entre elles les photocopies obtenues par prêt entre bibliothèques.
Une autre entente entre les bibliothèques universitaires québécoises et ontariennes permet aux étudiants des deuxième et troisième cycles, aux professeurs et aux bibliothécaires d'emprunter directement des documents, sur présentation d'une carte émise par la Crepuq, à l'une ou l'autre des bibliothèques universitaires du Québec et de l'Ontario. Notons également la réalisation d'une liste collective automatisée des périodiques. Connue sous l'acronyme Cactus, cette liste permet d'identifier et de localiser un ensemble considérable de collections et, éventuellement, d'y avoir accès par le prêt entre bibliothèques.
Automatisation et réseaux
Il va de soi que le processus d'automatisation de ces bibliothèques a fait l'objet d'une préoccupation concertée :
« L'augmentation substantielle du volume et du coût de la documentation, amorcée dès les années 1960 et qui n'a fait que s'accélérer depuis, a été accompagnée d'une augmentation très marquée des salaires du personnel des bibliothèques et des coûts de traitement. Très tôt, les bibliothèques ont été amenées à chercher des moyens de mise en commun de leurs ressources humaines et matérielles en vue de maintenir et d'améliorer la qualité de leurs services au public, malgré une fâcheuse tendance au plafonnement de leurs budgets » 9.
À l'exception des bibliothèques des constituantes de l'Université du Québec qui développaient déjà leur propre réseau de catalogue collectif, Badaduq, elles se sont d'abord réunies au sein du réseau Télécat/Unicat 10, affilié à Utlas 11, de 1975 à 1980, un système coopératif de catalogage bilingue en temps réel et en mode conversationnel. Ce réseau a permis d'améliorer considérablement l'efficacité et la rentabilité des services offerts à l'usager grâce à une réduction importante du temps et des ressources consacrés au traitement de la documentation.
Dissous en 1980, ce réseau fut remplacé par un regroupement de bibliothèques québécoises qui fut connu sous l'acronyme Riblin 12. Non seulement celui-ci permettait de poursuivre en commun leur expérience relative au développement d'un système intégré de gestion des bibliothèques, mais, adapté aux besoins locaux, il constituait un lieu privilégié d'échanges d'information et d'expérimentation entre les usagers d'un même système alors que se poursuivaient les études relatives à l'automatisation de l'ensemble des services de bibliothèques.
Surtout, la création de ces réseaux informatisés plaçait les bibliothèques universitaires sur la voie incontournable de l'automatisation de leurs services et de la nécessaire mise en commun de l'expertise accumulée depuis des années. Car si, plus tard, le réseau Riblin a été délaissé au profit de l'acquisition par chaque bibliothèque universitaire de son propre système automatisé, la même volonté de coopération se manifeste par la contribution de plusieurs d'entre elles aux catalogues collectifs nationaux et, plus récemment, par la mise en place de mécanismes d'interconnexion des systèmes.
Des données statistiques
En même temps, ces directeurs de bibliothèques entreprenaient dès le début de leurs travaux en 1967 de recueillir annuellement des statistiques de gestion. Non seulement elles permettent d'améliorer la gestion interne de chaque bibliothèque, mais, grâce à un recueil maintenant informatisé et établi selon une procédure normalisée, elles produisent chaque année un tableau précis de l'ensemble des ressources documentaires humaines, financières et matérielles des bibliothèques universitaires, ainsi que d'indicateurs quantitatifs relatifs à leur utilisation. La méthodologie du recueil des données ainsi que les définitions de chacune de ces données ont été uniformisées au préalable, assurant ainsi un très haut degré de fiabilité et de comparabilité. Un tel document devient un instrument de travail fort efficace, particulièrement lors des négociations avec les instances gouvernementales.
Groupes de travail et rencontres
Le Sous-comité s'est également préoccupé de favoriser les relations entre les responsables des services de chaque bibliothèque par la mise sur pied de groupes de travail ou l'organisation de rencontres. Ces rencontres ont pour but de permettre l'identification et la discussion d'éventuelles difficultés ou problèmes communs rencontrés dans le cadre des activités quotidiennes, l'étude de solutions possibles et la mise en commun des expériences individuelles.
Après plus de vingt-cinq ans, l'expérience est concluante. Cette approche a largement démontré son utilité. Elle est devenue un moyen indispensable pour atteindre une plus grande efficacité et une meilleure qualité des services offerts à la collectivité par ces bibliothèques. Et surtout, elle a permis un développement concerté de ce réseau, un service accru et de meilleure qualité pour tous les usagers. Mais il reste de nombreux défis à relever.
Le contexte des années 1990
La croissance des besoins
La croissance des besoins est liée à l'évolution même des universités. Les tendances constatées au cours des dernières années vont vraisemblablement s'amplifier : élargissement et diversification des publics, service à la collectivité régionale, multiplication des programmes d'étude, évolution des méthodes d'enseignement et d'apprentissage favorisant une plus grande autonomie de l'étudiant en matière de recherche documentaire, augmentation et intensification des activités de recherche, développement accentué des études et recherches multidisciplinaires. Ces phénomènes continueront d'exercer une pression sur le développement des bibliothèques. Elles devront de même continuer à tenir compte du souci croissant que les universités accordent à la qualité et des nouveaux objectifs d'excellence qu'elles se sont fixés.
Le graphique de l'évolution de l'effectif étudiant de 1971 à 1992 indique d'emblée l'influence certaine exercée par la croissance vigoureuse de la clientèle étudiante sur le développement des bibliothèques universitaires.
La rareté des ressources
Les universités québécoises vivent encore des difficultés budgétaires qui ont des répercussions importantes sur les bibliothèques. Dans un dossier sur les conséquences du sous-financement des universités sur le développement des bibliothèques à l'aube de la décennie 90, les directeurs de bibliothèques signalaient :
«Elles-mêmes placées sous la pression d'un sous-financement qui affecte l'ensemble de leurs opérations, les universités ne sont plus capables de donner à leurs bibliothèques le niveau de financement qu'elles leur accordaient en 1980, puisque le pourcentage moyen du budget consacré aux bibliothèques a diminué de 6,18 à 5,8 %. Les augmentations accordées aux budgets d'acquisition n'ont pas permis de compenser adéquatement les pertes occasionnées par l'inflation et, en dollars constants, les dépenses par étudiant demeurent toujours inférieures à celles de 1980. Depuis 1980, les effectifs en personnel ont diminué de 5,7 %, alors que les bibliothèques devaient faire face à une croissance et à une importante diversification des besoins. Au cours de la décennie 80-90, la situation financière des bibliothèques universitaires du Québec s'est donc aggravée » 13.
Les graphiques de la page suivante, relatifs aux dépenses de fonctionnement et d'acquisitions par étudiant pour la période 1983-1992, explicitent davantage cette problématique de rareté des ressources.
La situation financière a peu évolué depuis et rien n'indique que des améliorations majeures pourraient être apportées au cours des prochaines années. Les bibliothèques devront donc poursuivre leur mission dans un contexte de rareté des ressources, exacerbé par la croissance exponentielle du marché de l'information et de la documentation, la diversification des supports documentaires et la hausse constante des coûts. Elles ne pourront définitivement plus prétendre à l'exhaustivité et devront accentuer leurs efforts de coopération et de partage des ressources.
L'évolution des technologies
C'est sans doute là le facteur qui influencera le plus radicalement le développement des bibliothèques, en créant graduellement le cadre de ce qu'on appelle la « bibliothèque virtuelle ». Les principales tendances en ce domaine sont les suivantes : la diversification des supports documentaires et la disponibilité croissante et de plus en plus généralisée des sources d'information sur support électronique ; le développement des télécommunications et des réseaux, des technologies d'accès à l'information et de l'interconnexion des systèmes qui permettront aux bibliothèques d'offrir un accès décentralisé, plus rapide et plus efficace, aux sources d'information disponibles ; l'utilisation de plus en plus généralisée chez les usagers du micro-ordinateur personnel comme poste de travail scientifique (« scholarly workstation ») qui servira de guichet d'exploitation à distance des sources d'information ainsi offertes ; l'expansion et la diversification des services d'information offerts directement à l'usager ; le développement d'une plus grande convivialité dans les modes d'accès.
Le renforcement du partenariat
Ce contexte économique qui incite au partage des ressources et cet environnement technologique qui modifie en profondeur les processus de communication scientifique et de diffusion de l'information auront aussi des répercussions sur les modes de fréquentation et d'utilisation des bibliothèques. La réflexion partagée avec les membres de la communauté universitaire sur le rôle et la place des bibliothèques universitaires dans la diffusion du savoir devra donc se poursuivre et s'intensifier.
Une discussion en profondeur avec le concours de toutes les parties aura l'avantage de clarifier les enjeux, d'identifier les obstacles et pourra déboucher sur une certaine hannonisation des politiques institutionnelles des universités québécoises, notamment celles relatives au développement des collections et à leur accessibilité.
Les défis à relever
Au cours de l'année académique 1992-1993, le Sous-comité a marqué avec fierté et enthousiasme ses 25 ans d'existence. Différents événements sont venus souligner les réalisations les plus percutantes de cette coopération continue au sein du réseau des bibliothèques universitaires québécoises.
Particulièrement, cet anniversaire s'est avéré une occasion de réflexion commune et de renforcement du partenariat avec la communauté universitaire, grâce à la tenue d'un colloque dont le thème « Communication scientifique, nouvelles technologies et rationalisation des ressources : un défi pour les bibliothèques universitaires » orientait les échanges sur les principaux facteurs qui influenceront le développement des bibliothèques universitaires québécoises pour l'avenir prévisible 14. Ainsi, quelque deux cents participants - professeurs, chercheurs, administrateurs et bibliothécaires, en provenance de l'ensemble des établissements universitaires québécois - ont abordé résolument la problématique des modifications profondes du processus de communication scientifique et de diffusion de l'information, provoquées par le développement accéléré des nouvelles technologies, et la nécessaire redéfinition du rôle de la bibliothèque dans ce nouveau contexte.
Pendant cette même année, le Sous-comité procédait à une restructuration de ses activités, en adoptant un plan directeur triennal 1993-1996. Ce plan d'action témoigne de la détermination des bibliothèques à s'adapter à l'évolution de leur environnement et à relever les défis de leur participation à la réalisation des objectifs de qualité et d'excellence que se sont fixés les établissements universitaires, notamment dans une conjoncture économique difficile, caractérisée par un désengagement progressif du gouvernement au financement des universités 15.
Conformément à son mandat, le Sous-comité maintient et développe annuellement des objectifs de coopération, dont l'ensemble définit en quelque sorte le cadre permanent de ses activités. Le plan directeur triennal 1993-1996 définit plus précisément l'orientation des activités à entreprendre, compte tenu des principaux facteurs environnementaux identifiés. Il vise l'atteinte de cinq objectifs généraux prioritaires.
Maximisation de l'étendue des sources d'information disponibles
Les bibliothèques universitaires québécoises sont en transition vers ce qu'il est convenu d'appeler la bibliothèque virtuelle, orientant de plus en plus leurs priorités de développement vers l'accès à l'information, plutôt que vers la conservation de collections sur place.
En dépit de ce changement structurel qui s'impose, autant pour des considérations fmancières que technologiques, il n'en demeure pas moins qu'elles doivent continuer à acquérir une documentation de base venant appuyer au mieux les études et les programmes de premier cycle. Elles reconnaissent sans détour que le support documentaire qu'il faut apporter à l'enseignement et à la recherche au niveau du deuxième et du troisième cycles reposera dorénavant en très grande partie sur un partage des ressources au sein du réseau et sur des sources extemes à chaque institution.
En 1991-1992, les bibliothèques universitaires consacraient quelque 26 millions de dollars à l'achat de la documentation : de ce montant, près des deux tiers étaient alloués à l'acquisition des publications en série. Malgré les efforts constants consentis à rehausser la qualité de leurs collections, elles constatent « que le rythme de croissance des collections, qui était de 4,7 % en moyenne au cours des dernières années, s'est considérablement ralenti depuis deux ans. L'accroissement net de cette année est d'à peine 2,8 % ou, en chiffres absolus, de 560 000 documents, soit 106 000 documents de moins que l'accroissement net de l'an demier » 16.
D'ailleurs, « cette faible croissance des collections confirme, pour une quatrième année consécutive, le plafonnement du ratio documents/étudiant. Il était de 123,4 en 1988-1989, de 123,2 en 1989-1990, et de 123,1 en 1990-1991. Il est toujours de 123,1 en 1991-1992 » 17. Le tableau de la page suivante montre le profil des collections des différents établissements en regard de leur population respective pour l'année 1991-1992.
Les données précédentes expliquent aisément le fait que le Sous-comité se donne comme toute première priorité de « maximiser l'étendue des sources d'information offertes à l'ensemble de la communauté universitaire québécoise par une rationalisation accrue des politiques de développement et de conservation des ressources documentaires des bibliothèques universitaires québécoises, tout en tenant compte des programmes existants et des priorités de développement de chacun des établissements universitaires » 18.
Pour ce faire, il est décidé de poursuivre les travaux d'inventaire et d'analyse dans certains secteurs disciplinaires et d'établir, avant la fin du plan triennal 1993-1996, des ententes interinstitutionnelles concernant le développement concerté des ressources documentaires dans ces secteurs. Le Groupe de travail sur l'évaluation et le développement des collections se chargera de coordonner les travaux à accomplir dans les secteurs existants (administration, chimie, éducation, mathématiques, philosophie, psychologie, sciences économiques) et de proposer de nouveaux champs d'études à couvrir. Ces travaux sont sous la responsabilité d'un sous-groupe pour chacun des secteurs en cause.
Cette concertation se réalise à deux niveaux. Le premier vise à « créer des instruments et instaurer des mécanismes permettant à chaque institution d'ajuster le développement de ses collections en fonction de ses besoins tout en ayant une connaissance adéquate de la configuration des collections du réseau », tandis que le second niveau, « dans le respect de l'autonomie de chaque institution », désire « établir des ententes entre institutions consentantes, quant au partage de certaines responsabilités de développement » 19.
Il a été convenu que, compte tenu de l'importance et du caractère récurrent des coûts impliqués, on donnera la priorité aux travaux relatifs aux abonnements à des périodiques. Chacun des sous-groupes existants se donne comme cible prioritaire de réaliser une liste collective des abonnements en vigueur dans l'ensemble du réseau (liste sur support informatique, mise à jour et consultable par Intemet), de façon à prendre une décision mieux éclairée dans le cas d'annulation ou de prise d'abonnement. On veut également étudier la possibilité d'en arriver à une certaine synchronisation des annulations et ajouts d'abonnements dans les diverses institutions du réseau. Déjà, le sous-groupe en sciences économiques est sur le point de conduire une expérience-pilote en ce domaine. Les résultats pourraient influencer grandement le budget des abonnements pour l'exercice financier 1994-1995.
Accroissement de l'accès aux ressources documentaires internes et externes
Depuis quelques années, les bibliothèques universitaires éprouvent de grandes difficultés, provoquées par le développement constant des sources d'information et de documentation, par la hausse continue des coûts et par la demande accrue de services de la part des usagers.
Voilà pourquoi elles « doivent aujourd'hui, pour remplir efficacement leur mission, recourir à deux stratégies complémentaires visant à élargir l'accès à la documentation et à l'information. La première, mieux connue, est basée sur le développement de collections locales qui doit répondre de façon relativement autosuffisante aux besoins des programmes de premier cycle. La deuxième, en émergence depuis quelques années déjà, est basée sur le développement d'accès partagé aux ressources externes de documentation et d'information dans le but de mieux répondre aux besoins des programmes d'études avancées et de la recherche » 20.
D'ailleurs, comme l'indique si justement Jean-Pierre Côté, directeur des bibliothèques de l'Université du Québec à Montréal, « non seulement ce changement de paradigme est économiquement nécessaire, mais il est aussi techniquement réalisable, grâce au développement rapide des réseaux de télécommunication, à la prolifération de la documentation électronique et à la numérisation sur demande de la documentation imprimée et plus généralement analogique. Ce passage d'une stratégie d'information basée sur la disponibilité et l'exploitation de collections locales vers une stratégie basée sur l'accès, depuis son bureau ou son domicile, à l'information électronique, prendra néanmoins de nombreuses années et nous obligera à les maintenir simultanément mais, vraisemblablement, dans une proportion qui s'inversera avec le temps » 21.
Dans cette perspective, le Sous-comité désire « accroître l'efficacité et la rapidité de l'accès réciproque aux ressources documentaires internes des bibliothèques universitaires québécoises et élargir l'accès aux ressources documentaires par la mise en place d'ententes et d'infrastructures appropriées » 22.
Il se fixe notamment les objectifs spécifiques suivants :
- donner accès pour tous les membres de la communauté universitaire québécoise à l'inventaire de l'ensemble des ressources documentaires des différentes bibliothèques universitaires ;
- diminuer les délais d'obtention des documents répertoriés dans les autres bibliothèques du réseau ;
- favoriser l'accès aux sources d'information extemes par le développement et l'utilisation de différentes technologies de l'information.
Le Sous-comité confie au Groupe d'accès aux ressources le soin de coordonner les activités des différents sous-groupes de travail concernés, tels celui sur l'inventaire des périodiques, celui sur l'informatisation du prêt entre bibliothèques et la livraison électronique des documents, et celui sur les fichiers de données numériques.
Ainsi, en matière d'inventaire des ressources, une politique d'accès réciproque aux catalogues des bibliothèques par Internet vient d'être adoptée. Par ailleurs, on entend maintenir un inventaire des catalogues en ligne des bibliothèques du groupe et participer à l'alimentation de la liste collective des publications en série, Romulus, développée conjointement par la Bibliothèque nationale du Canada et par l'Institut canadien de l'information scientifique et technique, ainsi qu'à d'autres catalogues collectifs. On veut également étudier l'intérêt et la possibilité de mettre sur pied un catalogue collectif des tables des matières des périodiques du réseau.
En ce qui conceme l'accès aux documents, le Sous-comité veut promouvoir l'automatisation du prêt entre bibliothèques en respectant le protocole OSI (Open Systems Interconnection) et établir des ententes et une infrastructure en vue de l'implantation de systèmes de transfert électronique de documents. Un bilan des ententes actuelles concernant l'accès aux documents, le privilège d'emprunt direct et le prêt entre bibliothèques paraît nécessaire en vue de consolider les services en ce domaine.
En outre, on convient d'évaluer le bien-fondé de partager certaines sources d'information disponibles sur support électronique par la voie d'acquisition collective plutôt que par abonnement individuel. Une entente d'achat collectif de la banque Current Contents vient d'être conclue. En plus de générer des économies substantielles, elle permettra de rehausser considérablement l'accès à cette source d'information fort utilisée par les professeurs et les chercheurs concernés. Le Sous-comité souhaite grandement que cette réalisation puisse susciter d'autres collaborations du même type pour l'acquisition de multiples autres banques de données.
Finalement, l'utilisation des ressources d'Internet sera favorisée ainsi que la concertation dans le développement d'outils d'exploitation pour les usagers.
Renforcement de la qualité des services offerts
Les bibliothèques universitaires, en dépit des contraintes de toutes sortes s'exerçant sur elles et malgré l'insuffisance des ressources mises à leur disposition, sont soucieuses de rendre des services s'arrimant aux objectifs de qualité fixés par les universités, particulièrement en cette période où les concepts de « qualité totale » et de « valeur ajoutée » interpellent tous les secteurs d'activités.
À cette fin, elles veulent « renforcer la qualité des services offerts par la mise en commun des expertises et par le développement continu des compétences des différentes catégories de personnel » 23. C'est le Groupe de travail sur le perfectionnement et l'échange d'expertises qui assure les liens voulus entre les multiples groupes de travail impliqués.
Quant au perfectionnement du personnel des bibliothèques, un programme annuel d'activités de formation est établi en fonction des besoins ressentis ou en raison des développements affectant de près le fonctionnement des bibliothèques. Les thématiques les plus récentes qui retiennent l'attention concernent l'exploitation des données numériques, Internet, la formation documentaire, les documents audiovisuels et iconographiques, le traitement de la documentation, etc.
Le secteur de l'échange des expertises fait appel aux collaborations de plusieurs groupes de travail ou groupes sectoriels (par exemple, le Groupe de travail sur la conservation des collections, le Groupe sectoriel en droit et en sciences juridiques, le Groupe de travail sur l'accès aux ressources documentaires, etc.). Les actions entreprises sont multiples : rencontres entre différents responsables, journées Portes ouvertes, séminaires, etc.
Soutien accru aux gestionnaires des bibliothèques
Les bibliothèques universitaires constituent des organisations complexes, autant par l'envergure des ressources engagées et par la nature des services rendus que par les moyens technologiques sur lesquels reposent la plus grande part de leurs activités. En fait, elles se comparent aisément à des petites et moyennes entreprises : les plus petites emploient quelques dizaines d'employés tandis que leur budget de fonctionnement atteint plusieurs centaines de milliers de dollars ; les plus grandes ont à leur disposition quelques centaines de personnes et leur budget d'opération s'élève à près de 20 millions de dollars.
En 1991-1992, les dépenses de fonctionnement de ces bibliothèques dépassaient les 100 000 000$: elles comptaient quelque 1 700 employés qui desservaient environ 170 000 étudiants (équivalence temps complet) 24.
Ces données expliquent le souci du Sous-comité d'« offrir un soutien accru aux gestionnaires, par l'élaboration de méthodologies communes et d'instruments d'information de gestion » 25. Ces préoccupations sont placées directement sous sa responsabilité et les travaux qui en découlent concement principalement le Groupe de travail sur les statistiques.
Depuis plus de dix ans, ce Groupe de travail compile et analyse trois catégories de données de gestion : les statistiques générales portant sur l'ensemble des ressources et des activités, les statistiques sur le prêt entre bibliothèques et les statistiques sur les activités de catalogage.
Dans l'avenir immédiat, le Sous-comité veut identifier certains indicateurs de qualité de service et tenir systématiquement des sessions d'études sur ce thème à l'intention de ses membres.
Intensification du dialogue avec les partenaires académiques
Fort du succès et de l'impact qu'a connus le Colloque organisé en avril 1993 avec la communauté académique, lequel précisément se voulait une rencontre de réflexion et de sensibilisation impliquant la triade direction des bibliothèques, direction des universités et personnel enseignant, le Sous-comité des bibliothèques entend « intensifier le dialogue amorcé entre les membres de la communauté universitaire et les bibliothèques universitaires » 26.
D'ailleurs, les discussions intervenues lors de cet événement « ont mis en lumière la nécessité de poursuivre les travaux communs entre les universités et les bibliothèques universitaires, et la nécessité d'en venir à un meilleur lien centré sur la vie académique. Cette vie académique est la raison d'être des universités » 27.
Le resserrement du partenariat avec les membres de la communauté universitaire comporte trois éléments principaux, qui visent à :
- renforcer l'arrimage entre les objectifs prioritaires de développement des programmes d'enseignement et de recherche et ceux de développement et de conservation des collections ;
- développer une meilleure compréhension mutuelle de l'impact de la transformation du processus de communication scientifique et des nouvelles formes de dissémination de l'information sur le développement des collections et des services des bibliothèques ;
- poursuivre et intensifier la réflexion sur le rôle et la place de la formation documentaire dans la formation universitaire et le soutien à la recherche.
À court terme, il est prévu d'organiser, conjointement avec les représentants académiques concernés, un colloque portant sur la place de la formation documentaire dans les programmes d'enseignement.
En guise de conclusion, on peut dire que le mode de fonctionnement retenu par la Conférence des recteurs et par les directeurs des bibliothèques universitaires est sinon unique, du moins tout à fait original. Il conjugue la concertation entre plusieurs organismes qui poursuivent des objectifs similaires et la nécessaire autonomie de chacun de ces mêmes organismes. Chaque bibliothèque universitaire participera avec d'autant plus d'efficacité à un effort de mise en commun et de poursuite de ces mêmes objectifs qu'elle en aura les moyens, qu'elle disposera de toute l'autonomie requise pour d'abord assurer un bon service à sa propre clientèle.
Car, si l'objectif ultime du meilleur service possible est le même partout, si la clientèle universitaire est partout semblable, c'est-à-dire partout constituée de professeurs et d'étudiants, il reste que chaque institution possède un certain nombre de caractéristiques propres qui identifient sa personnalité, qui colorent son identité. Et c'est sans doute ce qui a permis aux bibliothèques universitaires québécoises de poursuivre avec succès leurs efforts de concertation. Chacune a conservé et préservé sa complète autonomie, tout en mettant en commun les ressources requises pour atteindre les objectifs de l'ensemble, pour se doter des outils nécessaires à une plus grande efficacité. Mais elles doivent intensifier encore leurs efforts et continuer à inventer ensemble des solutions originales, appropriées à leurs besoins et au contexte, afin de relever le défi sans cesse renouvelé de la poursuite de leur développement concerté.
Mars 1994