La médiathèque du Canal à Saint-Quentin-en-Yvelines

Philippe Debrion

La médiathèque du Canal, qui a ouvert au public en octobre 1993, est venue s'insérer dans un réseau déjà important de lecture publique (bibliothèques municipales et équipements communautaires). Sa réalisation a été l'objet d'un long travail d'étude et d'une enquête réalisée auprès des habitants portant sur les attentes en matière de lecture publique. Elucider le terme médiathèque, prendre en compte les contraintes du bâtiment, proposer une offre de service correspondant aux missions : tels ont été les principaux sujets de réflexion qui ont permis de privilégier deux perspectives pour concevoir la médiathèque : la documentation et la formation. Pour y parvenir trois axes ont été privilégiés : la création de services spécifiques destinés à faire correspondre l'offre aux missions, la qualité du service et de l'accueil et enfin le travail en réseau.

The Médiathèque du Canal, open to the public in October 1993, took its place in an already important network of public libraries and equipments. Its achievement has been the object of a long studywork and of a survey among the inhabitants : their expectations as regards public libraries. The explanation of the word médiathèque, the taking into account of the architecture of the building, the proposition of an offer of service corresponding to the missions were the main subjects of reflection which gave greater place to two perspectives in the conception of the multimedia library : documentation and education. Three main lines have been favoured for a good success : the creation of specific services with an offer corresponding to the missions, the quality of the service and reception and at last the network.

Die médiathèque du Canal wurde im Oktober 1993 eröffnet und in ein schon bemerkenswertes Netz des offenen Lesens ein-gefügt (Stadtbibliotheken und Sammelstellen). Sie wurde bei mehreren Untersuchungen und nach einer unter den Bewohnem veranstalteten Umfrage aufgebaut, deren Zweck war, ihre Erwartung in der Beziehung abzuschätzen. Die genaue Bedeutung des Worts "Mediothek" wurde besonders erwägt, sowie die Einschränkungen des Gebäudes und die Nötigkeit, Dienstleistungen in Zusammenhang mit den Aufgaben einer solchen Anstalt vorzuschlagen. So wurden zwei Aussichten zur Planung der Mediothek vorgezogen : Dokumentation und Ausbildung, und dazu drei Schwerpünkte festgesetzt : die Entwicklung besonderer Dienste, deren Wirkung das Angebot und die Aufgaben in Einklang bringen soll, die Qualität der Leistungen und endlich die Arbeit im Rahmen des Netzes.

Depuis plusieurs années, il était prévu de doter la ville nouvelle de Saint-Quentin-en-Yvelines d'une médiathèque importante, dont la vocation serait de répondre aux besoins de la totalité des habitants répartis dans plusieurs communes.

Après l'abandon d'un premier projet, la médiathèque a été intégrée dans un bâtiment accolé au théâtre, destiné à l'origine à être un centre de séminaire. Cette intégration, si elle a été une contrainte, a été aussi un moyen de réfléchir aux fonctionnalités des services, qu'il s'agissait d'implanter dans les différents étages.

Le contexte

La médiathèque du Canal, d'une superficie de 5 000 m2, est venue compléter un tissu déjà important de bibliothèques, qu'elles soient gérées directement par les communes (Trappes, Guyancourt, Voisins...) ou par le syndicat d'agglomération nouvelle (médiathèque des 7 Mares, médiathèque du Canal, bibliobus). Au total, en additionnant les surfaces de l'ensemble de ces équipements, c'est près de 10 000 m2 de bibliothèques qui sont offerts aux 135 000 habitants des sept communes qui composent la ville nouvelle.

Différentes actions de coopération ont permis de constituer un véritable réseau, quel que soit le type de gestion des bibliothèques/médiathèques, et cette situation a été parachevée par la connexion au même système informatique (Geac-advance) de la quasi-totalité des bibliothèques de la ville.

La médiathèque, qui a ouvert au public en octobre 1993, vient donc renforcer une activité déjà forte de 40 000 adhérents et de plus de 700 000 prêts, à laquelle il était nécessaire d'ajouter un équipement de référence important. Son rôle est bien de s'adresser à l'ensemble de la population, grâce aux différents services qu'elle offre, et aux innovations technologiques auxquelles elle devra faciliter l'accès.

Les attentes des habitants

Le programme, qui avait déjà permis l'élaboration d'un premier projet situé sur un autre terrain du centre ville, a été réutilisé en partie pour l'intégration de la médiathèque dans les locaux qui lui ont été attribués en 1989. Il prévoyait les différents services que l'on trouve dans la médiathèque : bibliothèque, discothèque, vidéothèque. D'autres ont été supprimées, comme la logithèque ou l'artothèque, de nouveaux services ont été ajoutés, comme Infodoc, la formathèque, le service de consultation des CD-Rom ou la bibliothèque professionnelle.

Ce programme avait d'ailleurs été complété après une enquête réalisée en 1988, dont les résultats ont été publiés en 1989. Les quatre années qui ont séparé cette étude de l'ouverture au public n'ont pas rendu caduque celle-ci, même si certains points ne sont plus d'actualité. Réalisée par l'Agence Rhône-Alpes de services aux entreprises culturelles (ARSEC), cette étude avait pour objectif de faire connaître les attentes des habitants de Saint-Quentin-en-Yvelines en matière de médiathèque publique 1.

L'étude qualitative, réalisée sur un échantillon d'adhérents et d'habitants, avait montré que ceux-ci étaient attachés à des espaces et des ambiances séparés et différenciés, qui donnent au lieu une certaine intimité. Ils souhaitaient aussi une architecture futuriste ; était même évoquée une certaine mise en scène ou mise en espace de la pratique de lecture.

Pour deux des services nouveaux, il était important de connaître les attentes des habitants avec précision. Il s'agissait de la formathèque et de l'artothèque. Si le premier a semblé obscur à bien des personnes interrogées, il a été néanmoins l'objet de propositions qui comblent l'absence de définition précise. Le second n'a pas été plébiscité par le public, comme l'a confirmé la phase quantitative de l'enquête.

L'étude quantitative n'a pas infirmé la première étude qualitative, sauf sur certains points, comme la halte-garderie, qui avait été refusée lors de la consultation des groupes : elle eut au contraire 85 % d'opinions favorables. Cette étude a approfondi certains points, confirmé des aspects déjà connus quant à l'utilisation par le public d'une bibliothèque, et dévoilé certains autres qui nous étaient inconnus.

Au moment où a été réalisée l'étude, 22 % des personnes interrogées déclaraient connaître l'existence du projet de la médiathèque (en 1993, une autre étude montrera que 57 % des habitants connaissaient le projet de la médiathèque). Les propositions qui ont retenu l'attention du public étaient que la médiathèque devait être accueillante et rassembler différentes activités.

Les interviewés déclaraient aller dans une médiathèque pour emprunter des livres (25 %), pour s'instruire, découvrir des nouveautés, emprunter des cassettes vidéo (14 %), pour se documenter (12 %) et pour emprunter des disques (11 %). Enfin, les activités jugées prioritaires ont été : les livres, la halte-garderie, la salle d'exposition, le laboratoire de langues, la salle de conférence, les cassettes vidéo, les disques, la salle de visionnement, les ordinateurs et les logiciels, les revues et les périodiques, les jeux de société, les œuvres d'art. Les priorités établies par les habitants montraient bien qu'ils attendaient un autre contenu que celui d'une bibliothèque au sens traditionnel du terme.

La notion de médiathèque était perçue comme concrétisant un lieu concentrant savoir et information, les conditions d'accès à ces différents contenus devant être facilitées. Mais cet espace devait également offrir la possibilité d'acquérir des connaissances, grâce aux nouveaux outils et paradoxalement grâce à l'utilisation d'espaces de confrontation et de rencontre (conférence, exposition, salle de visionnement).

Médiathèque, un terme flou

Si 57 % des habitants connaissaient la médiathèque avant son ouverture, il a fallu en effort dans la communication pour définir le mot et faire connaître le projet. Toutefois le flou demeure encore autour de ce terme. S'il permet à chacun d'y mettre ce qu'il attend, il a toutefois l'inconvénient de créer une certaine frustration au moment de la première visite, car les services souhaités n'y sont pas tous présents. Il faut se consoler en pensant qu'au mot « média », on peut associer celui de médiation, qui exprime bien notre activité envers le public.

Sont bien évidemment présentes dans la Médiathèque du Canal les missions traditionnellement dévolues aux bibliothèques, telles qu'elles sont décrites dans la Charte des bibliothèques 2. Mais si les quatre termes associés généralement aux missions des bibliothèques sont : information, formation, documentation, loisirs, il nous a paru nécessaire d'accentuer certaines de ces missions par des propositions fortes : c'est le cas pour la documentation et la formation.

En fait, la réflexion a moins porté sur la nature des missions que sur les conditions nécessaires à leur mise en œuvre, à la stratégie qu'il fallait mettre en place pour parvenir aux résultats attendus. Trois axes ont été privilégiés : la création de services spécifiques destinés à faire correspondre l'offre aux missions, la qualité du service et de l'accueil et enfin le travail en réseau.

Ces orientations ont, bien entendu, influé sur la conception de la médiathèque, mais la structure du bâtiment dans lequel elle a été réalisée n'a pas été à l'origine de la segmentation des services. C'est une volonté clairement affirmée qui nous a conduits à les répartir dans les étages.

Six niveaux

La médiathèque du Canal comporte six niveaux, dont quatre sont publics. Chaque plateau public mesure environ 650 m2. L'aménagement des salles a fait l'objet de longs débats avec l'architecte, car, du fait de la multiplicité des niveaux, le fonctionnement est maintenant figé. Toutefois, des évolutions restent possibles. Cette contrainte fournit en revanche l'avantage de plateaux simples, facilement aménageables et transformables, sans qu'il soit nécessaire de toucher à la structure du bâtiment.

Plusieurs principes issus du programme initial ont été conservés dès l'origine. Le hall d'entrée devait permettre un accès facile du public, en évitant les portillons ou détecteurs en tous genres. Il semblait, en effet, inopportun de chercher à ce que le public puisse entrer librement et d'établir dans le même temps des barrières, même symboliques. La vidéothèque devait être un service à part entière, non inséré dans un autre et maîtrisant son propre fonctionnement. La discothèque devait être pourvue d'un auditorium relié à la vidéothèque.

La volonté d'orienter notre action vers la documentation a d'autre part conduit à créer une véritable salle de lecture, à rendre la bibliothèque jeunesse autonome, en la dotant d'un espace de travail au sein des collections en libre accès. Pour éviter le cloisonnement qui aurait pu être induit par une telle architecture, les services intérieurs ont été rassemblés dans un bureau paysager, permettant ainsi une communication constante entre les personnes.

Les contraintes économiques exigeaient un personnel réduit pour assurer le service public et, en parallèle, ont abouti à une organisation spécifique basée sur la présence de vacataires pour renforcer l'équipe déjà en place.

La répartition des services dans les différents étages renforce la notion de documentation : la spécialisation y est clairement lisible et géographiquement répartie. La création de services spécialisés renforce encore cette option.

Infodoc et Formathèque

Le premier de ces services, Infodoc, situé dans la salle de lecture, est le noyau des services documentaires qui vont se mettre progressivement en place dans la médiathèque, comme la consultation de CD-Rom ou d'une documentation spécialisée. Dans un premier temps, Infodoc a pour objectif de répondre à des demandes individuelles, précises sur la vie quotidienne, dans les domaines aussi variés que la consommation, le droit, la formation, la recherche d'emploi, l'information sur la ville et les communes, etc. C'est aussi un relais destiné à présenter d'autres sources d'information ou de documentation.

Ce service n'en est aujourd'hui qu'à ses débuts, il sera complété progressivement par la création d'autres propositions devant répondre à d'autres questions, telles les revues de presse ou de sommaires ou les dossiers documentaires. Mais la documentation devra nécessairement s'ouvrir à des secteurs d'activité plus précis, comme les entreprises ou des institutions, plaçant ainsi la médiathèque à l'intérieur du réseau de recherche d'informations.

La formathèque, dont l'ouverture est prévue en 1994, est en revanche un service à part entière. Elle a été conçue pour être un centre de ressources informatiques destinées à l'autoformation et à l'acquisition de connaissances dans différents domaines, grâce notamment aux nouveaux outils multimédias, associant différents moyens d'expression sur un seul support. Dans son principe, la formathèque doit permettre au public qui le souhaite d'acquérir les connaissances nécessaires pour accéder aux différents savoirs proposés dans la médiathèque. Une chose est de constituer des collections importantes représentant la connaissance et les différents courants de pensée, autre chose est d'aider le public à y accéder. Le but de la formathèque n'est pas tant à nos yeux de développer une pratique autodidacte que d'offrir au public une possibilité supplémentaire d'accéder au savoir.

Ce service devra aussi assurer l'actualisation des connaissances. C'est dans le domaine de l'apprentissage des langues que la demande est la plus forte. C'est aussi dans ce secteur que l'offre éditoriale s'est le plus développée : les CD-Rom multimédias pour l'apprentissage d'une langue abondent désormais. L'utilisation du multimédia pour la formation est importante car, au-delà d'une facilité liée à l'enchevêtrement de l'écrit, de l'image et du son, l'aspect ludique et l'autonomie d'usage favorisent un apprentissage. Ces outils ont aussi leurs limites car, en l'état actuel, leur rigidité n'échappe pas longtemps à un utilisateur : si dialogue il semble y avoir, il n'est que factice, fabriqué.

Nous étudions actuellement de quelle manière développer les formations grâce aux perspectives nouvelles ouvertes par les outils multimédias. L'organisation de sessions de formation, avec la collaboration d'organismes spécialisés, constituées de groupes rassemblés par des demandes homogènes, est actuellement à l'étude. Si cet espace est indépendant du reste du bâtiment, c'est pour qu'il il puisse fermer plus tard le soir ; d'autre part, son lien direct avec la salle polyvalente lui permettra d'accueillir des groupes de façon autonome.

L'accueil

La fonction d'accueil est bien évidemment première dans la qualité du service rendu par la médiathèque. La qualité de l'accueil était une des premières demandes du public. La taille de l'équipement, l'importance de sa fréquentation, l'anonymat ainsi engendré rendent cette exigence impérative. L'usager s'adresse finalement assez rarement aux bureaux d'accueil d'une bibliothèque : le jugement et l'image qu'il peut avoir de la médiathèque dépendent donc en partie de la qualité de cette relation.

Plusieurs actions ont été entreprises. La première a été la formation de l'ensemble du personnel, afin qu'il maîtrise les outils destinés à améliorer la qualité de l'accueil ou soit apte à résoudre certaines difficultés relationnelles.

Le mobilier étant un des dispositifs de cette fonction d'accueil, plusieurs meubles ont été créés avec l'architecte : les terminaux ont été intégrés dans les banques de prêt, afin d'éviter les « obstacles » entre l'adhérent et le bibliothécaire ; rien ne vient encombrer les plateaux de ces banques, ce qui les rend disponibles pour le public et minore l'aspect administratif de l'opération de prêt.

Dans la salle de lecture, deux espaces radicalement différents ont été créés par les tables sur mesure conçues par l'architecte. La médiathèque propose de longues tables de travail de 16 à 24 places, avec éclairage individuel, destinées essentiellement à des lycéens et des étudiants pour une occupation de longue durée ; à l'opposé ont été conçues des tables pupitres, en acier, couplées avec des tabourets hauts, destinées à une consultation rapide : c'est avec ce type de sièges qu'a été meublé l'espace Infodoc. Ainsi a-t-on cherché à maintenir continuellement des places disponibles pour le grand public.

La mise en scène des documents n'a pas été oubliée : rayonnages éclairés à la bibliothèque et à la discothèque, création de meubles colorés dans la bibliothèque des jeunes, contrastant avec le rayonnage traditionnel, ordonné, gris et bistre.

Quant au classement auquel le public est systématiquement confronté, il est cohérent avec le principe des services spécialisés dans leurs domaines : on a refusé le mélange des supports. Aucun classement n'est idéal, aucun ne peut être source d'un comportement unique ou être destiné à un modèle type de public. Le public ayant des pratiques hétérogènes, il serait illusoire de croire que modifier le classement peut générer des pratiques entièrement nouvelles. Les principes qui ont sous-tendu l'organisation du classement ont donc été de faciliter les recherches des lecteurs, par exemple, en réduisant la taille des cotes, ou en créant des espaces limités qui ne soient pas perçus comme de véritables labyrinthes par les usagers.

Coopération et réseau

La nature des services offerts au sein de la médiathèque ne devait pas faire oublier que celle-ci se situe à l'intérieur d'un réseau de bibliothèques/médiathèques, disséminées sur le territoire de la ville nouvelle. La coopération et le travail en réseau sont très importants, d'autant plus que l'informatisation commune des bibliothèques et du service de documentation de l'Ecomusée a déjà permis la constitution d'un catalogue unique, ainsi qu'une utilisation indifférenciée, avec la même carte, des différentes bibliothèques par le public.

L'ensemble de ces équipements, même s'ils ont des modes de gestion différents, travaille en complémentarité, chacun en fonction de ses spécificités : faciliter l'accès au livre ou développer la lecture. Ces équipements vont également travailler ensemble pour mener des actions culturelles communes, comme, par exemple, la Fureur de lire, qui mobilise tous les partenaires concernés par le livre et la lecture (libraires, centres de documentation, bibliothèques).

Enfin la création d'une bibliothèque professionnelle dans la médiathèque, que les bibliothécaires de la ville peuvent consulter, est l'amorce d'un type de service nouveau entre les équipements. S'il faut aujourd'hui se déplacer pour utiliser cette documentation, l'idée future est de développer la circulation de l'information et de « mutualiser » des services, tels les dossiers documentaires ou les revues de presse, chacun contribuant à créer l'ensemble.

Le succès rencontré par la médiathèque depuis son ouverture montre qu'elle répond à un besoin ou au moins à une attente. Les faits ont confirmé ce que l'enquête avait indiqué. Loin de faire baisser la fréquentation dans les autres bibliothèques/médiathèques de la ville, le nouvel équipement a, soit conquis de nouveaux publics, soit créé un effet de synergie. Reste maintenant à évaluer l'activité globale, mais aussi les principes de fonctionnement qui régissent la médiathèque du Canal.

Janvier 1994

  1. (retour)↑  ARSEC, Les Attentes des habitants de Saint-Quentin-en-Yvelines en matière de médiathèque publique, Lyon, 1989.
  2. (retour)↑  Conseil supérieur des bibliothèques, Rapport du président pour l'année 1992.