Éditorial

Chaque jour, de nouvelles médiathèques ouvrent leurs portes. Chaque jour, elles font la preuve de leur succès et de leur nécessité. Chaque jour, elles sont envahies par des publics nombreux, variés, aux attentes de plus en plus diversifiées et exigentes.

La récente période, marquée par une intense activité de constructions et de rénovations en tout genre, a été l'occasion de multiples réflexions sur les modalités de la lecture publique à mettre en oeuvre. Construire, c'est bien évidemment concrétiser par un geste architectural et un aménagement spatial des propositions culturelles, destinées à un public, à des publics, dont on souhaiterait favoriser tel ou tel comportement. Aménager, c'est bien évidemment traduire par une mise en espace un ensemble de propositions intellectuelles cherchant à répondre aux missions que la bibliothèque se donne.

L'expérience accumulée lors de toutes ces années autorise aujourd'hui à prolonger la réflexion. Car les réalisations ne sont pas toutes identiques. Loin s'en faut. Le terme apparemment consensuel de médiathèque ne recouvre-t-il pas des réalités bien différentes ?

La coexistence, voire l'intégration des différents supports, raison même du choix français de ce néologisme, est-elle pensée et mise en œuvre de la même manière par tous ? Est-elle suffisante? Cohérente ? Jusqu'où aller dans l'accumulation des « thèques » ?

L'accès libre aux documents, qui a refusé que la hiérarchie des lectures ne hiérarchise les lecteurs, qui a voulu aider, dans leur confrontation aux textes, des publics divers et inégaux, qui a souhaité les confronter tous à une offre abondante, enrichie, renouvelée, ne fait-il pas l'objet, lui aussi, de mises en œuvre concrètes diverses ? Comment est pensé aujourd'hui le subtil dosage d'une stratégie qui veut à la fois favoriser l'autonomie des lecteurs et lui proposer les accompagnements qui leur sont souvent nécessaires ?

Si la bibliothèque est espace de convivialité (autre consensus'qui est ici interrogé), elle est aussi espace de conflits symboliques entre des publics dont les attentes, les savoir-faire, les besoins sont inégaux, parfois contradictoires. Au-delà d'un syncrétisme louable, comment est pensée aujourd'hui la diversité des missions et des services d'une bibliothèque ? Si certains reprochaient aux bibliothèques d'antan de favoriser un public considéré comme le seul public lettré, quel est, quels sont les publics que la médiathèque d'aujourd'hui a tendance, quand bien même elle ne le souhaite pas, à privilégier ?

Dans la multiplicité de propositions qu'est aujourd'hui une médiathèque, les services en ligne ont ajouté de nouvelles teintes au paysage. Ces services ont été eux aussi le lieu d'une rencontre entre des propositions professionnelles et des usages publics, rencontre qui conduit bien souvent les premiers à modifier et réajuster leur offre. Enfin, les multiples coprésences - de médias, de documents, de publics -, qui font le quotidien de la bibliothèque de lecture publique, font de plus en plus aussi celui des bibliothèques d'études. Elles ont, elles aussi, à protéger et valoriser cette diversité.