Maîtriser l'information pour garantir la qualité
Éric Sutter
ISBN 2-12-484512-8 : 120 F
Maîtriser l'information est devenu désormais un enjeu stratégique pour les entreprises qui veulent gagner, combattre efficacement la concurrence ou même simplement se maintenir, dans un monde qui bouge vite, où l'adaptation et l'innovation sont le socle de la survie. La certification de la qualité, recherchée par les entreprises, ne peut être acquise que si l'exigence de maîtrise des documents est remplie (normes de la série ISO 9000).
Entre 1945 et les années 90, on est passé de l'accent mis sur la production et sur la technique à l'accent mis sur la réponse à la demande et sur la vigilance. Il faut sans cesse maîtriser l'ensemble des informations qui permettront par exemple de choisir le meilleur équipement, d'améliorer la qualité des produits (viser à l'excellence), de respecter la réglementation (nationale et internationale), d'éviter des études coûteuses, de prévoir l'évolution du marché, d'établir des comparaisons avec la concurrence en matière de qualité, etc. Cette recherche de la qualité à tous les stades, de l'étude de marché à la commercialisation, en passant par la conception et la production, nécessite de traiter, de synthétiser et d'exploiter méthodiquement l'information, qui devient aussi une base de décisions, un facteur de production, un ferment d'innovations, un atout commercial, une denrée stratégique et aussi matière à participation pour les travailleurs.
Six sous-systèmes
Mais de quelle information s'agit-il ? Il y a là un concept à clarifier, et en particulier, il convient de distinguer le contenu (l'information proprement dite) du contenant (le « canal de communication »). Du point de vue de l'entreprise, on retiendra que le système d'information peut se subdiviser en six sous-systèmes dont chacun a son importance, sa finalité, son usage:
- l'information stratégique, synthétique, qui s'appuie sur les autres pour permettre le pilotage de l'entreprise, l'aide à la décision ;
- l'information de gestion, fonctionnelle, qui traite des finances, de l'approvisionnement, de la production, des clients, etc. ;
- l'information technique, qui permet de maîtriser les produits au stade du concept et de la fabrication, mais aussi de gérer la documentation d'utilisation et de maintenance ;
- l'information sociale, qui permet le management des ressources humaines et qui doit assurer l'amélioration continue des compétences individuelles, la préparation aux mutations, le gommage des inégalités entre ceux qui savent et ceux qui ne savent pas *;
- l'information de convivialité (notes de service, journal inteme, réunions de service, rapports divers, etc.) destinée à renforcer l'esprit d'équipe et à contribuer à une culture d'entreprise ;
- l'information documentaire ou cognitive : scientifique, technique, économique, juridique, réglementaire, etc., elle provient souvent de sources extérieures à l'entreprise, mais joue un rôle essentiel comme support d'alerte et de vigilance.
Une micro-entreprise
La maîtrise de ces six sous-systèmes doit être totale. Elle entraîne alors une efficacité redoutable sur le plan technologique, commercial, concurrentiel. Elle suppose de savoir identifier les besoins d'information des différents métiers de l'entreprise, d'extraire du flux global d'information ce qui est utile, et donc d'avoir défini les critères d'utilité : quelles informations traiter, quand, pour qui et sous quelles formes ? Elle nécessite d'être capable d'adapter l'information au destinataire. Enfin elle exige de savoir repérer la qualité de l'information, en évaluant par exemple le degré d'actualité, le degré d'exhaustivité, le degré d'opérationnalité, l'impact sur le destinataire, ce qui doit constituer la mémoire de l'entreprise, et donc être conservé, etc. Ce qui veut dire que l'entreprise se doit d'être exigeante sur la qualité de son système d'information documentaire qui doit fonctionner comme une micro-entreprise, avec du personnel qualifié, capable non seulement d'identifier, voire d'anticiper les besoins en information, de traiter et de générer la documentation, mais aussi et peut-être surtout de former le reste du personnel à l'exploiter correctement.
Les bibliothécaires chefs de service, notamment dans les grands établissements scientifiques, pourront méditer sur cet ouvrage qu'Eric Sutter, consultant en gestion de l'information, adjoint au chef du service « Information » de l'AFNOR, a réalisé à la demande de la Délégation à l'information scientifique et technique du ministère de la Recherche et de l'Espace. Dans les domaines du management et de la gestion des ressources humaines, il y a ici beaucoup à glaner : comprendre qu'il faut être en état de veille pour faire avancer nos établissements, qu'une bibliothèque est à certains points de vue une entreprise et que l'information sociale et l'information de convivialité sont indispensables à sa bonne marche, rechercher la qualité dans le service rendu aux utilisateurs, en particulier en termes de rapidité d'accès, de fiabilité et de pertinence, d'exploitabilité de l'information, et de coût d'obtention, telles sont quelques conclusions qu'on peut tirer de cette lecture.
La recherche de la « démarche qualité oblige à clarifier les finalités », remarque Eric Sutter. Les exemples commentés du Laboratoire national d'essais (Paris), de Kodak-Pathé (Chalon-sur-Saône) et de Coming Europe (Avon) le démontrent clairement. Le texte de ce petit livre dense, mais clair, est complété par des adresses d'associations et d'organismes professionnels, par quelques pages sur les métiers de l'information et par une bibliographie. Nous le recommandons particulièrement à tous les décideurs.