Lettres actuelles : information, débat, recherche
Dossier Bibliothèques : mode d'emploi
Mont-de-Marsan : Société de presse, d'édition et de communication, 1993.
Qu'une revue nouvelle, pour son premier numéro, fasse un dossier sur les bibliothèques, voilà une bonne idée : c'est la preuve que ces dernières intéressent aujourd'hui nos concitoyens et qu'elles font désormais partie du paysage des débats et enquêtes dignes d'un public élargi.
Pour un humanisme du temps présent
D'autant que la revue est elle-même ambitieuse. Réunissant autour d'Alain Viala, son rédacteur en chef, une pléiade d'universitaires, elle se veut revenir à la tradition des « lettres », des belles lettres dirions-nous, et défendre celles-ci : « La littérature, les arts, l'histoire, la langue et la culture sont des facteurs d'identité et des formes de savoir que nul autre ne peut remplacer... ». Se voulant outil de réflexion et espace d'analyse, instrument de travail autant que lieu de confrontation, Lettres actuelles milite « pour un humanisme du temps présent » si l'on reprend le titre de son éditorial de présentation.
Si la revue s'ouvre par une série de notes d'actualité (le « phénomène Guibert », un hommage à Greimas, un tableau des nouvelles recherches sur les pratiques de lecture...) et se clôt par des comptes rendus de lectures et des informations utiles et très concrètes concemant la recherche littéraire, deux grands axes structurent ce numéro. D'une part, un large débat : « la littérature peut-elle mourir ? », d'autre part un dossier : « bibliothèques mode d'emploi ».
Un viatique documentaire
Si le débat renvoie à la revue comme « espace de réflexion », c'est donc sous le signe de l'instrument de travail que se trouvent abordées les bibliothèques, « lieux cruciaux » du travail des chercheurs, étudiants et professeurs. Et les contributions de ce dossier, coordonné et présenté par Bruno Van Dooren, conservateur des bibliothèques, visent d'abord à « rendre familières » les bibliothèques d'études et à constituer une sorte de « viatique documentaire » pour les étudiants et les professeurs : « Aux côtés d'informations ponctuelles sur les outils bibliographiques au service de la communauté universitaire, des textes présentent en détail la démarche documentaire (...) ».
Ainsi, un panorama des bibliographies et bases de données littéraires et linguistiques nous rappelle non seulement les titres et outils à utiliser en ce domaine, mais reconstruit et commente la démarche bibliographique.
D'autres articles viennent expliquer, avec les reproductions d'écrans de minitel à l'appui, comment on se sert du Pancatalogue, comment on retrouve une revue et on consulte le Catalogue collectif national des périodiques, comment on recherche une thèse. Enfin, un recensement assez copieux pour la France, avec quelques pistes vers des établissements étrangers, nous présente les fonds littéraires conservés dans les bibliothèques. Outre de rapides indications sur les fonds, sont également données les adresses et les conditions d'ouverture des plus grandes bibliothèques spécialisées, des Cadist et de l'Institut de recherche et d'histoire des textes. Plus brièvement, sont évoquées les conditions de la recherche : aucune bibliothèque ne peut tout fournir, il existe donc des catalogues collectifs, des systèmes de prêt entre bibliothèques... et cette recherche du document, avec ses aléas et errances fait également partie du travail du chercheur...
De la pédagogie au débat
L'essentiel de ce dossier est donc fort pragmatique, pour ne pas dire pédagogique. C'est une initiation qui vise à faire connaître les collections que les bibliothèques possèdent et à donner quelques moyens pour maîtriser et repérer ces collections. incidemment, les quelques idées générales sur le fonctionnement des bibliothèques ne sont données que du point de vue de l'utilisateur, quand elles l'aident à comprendre certaines des conditions de l'accès ou de la disponibilité des documents.
Deux articles un peu différents viennent cependant conclure ce dossier : Jean-Pierre Cressent expose en quoi consiste l'évaluation des collections (est-ce un moyen de pousser les chercheurs à réclamer que les bibliothèques universitaires françaises se constituent des niveaux d'excellence ?), et Bernard Pudal relate, sous l'angle et avec les méthodes des sciences politiques « les logiques d'un conflit », celui qui entoure la construction de la Bibliothèque de France.
La réflexion et la discussion sont donc bien au rendez-vous et apportent la preuve que l'on ne peut parler aujourd'hui des bibliothèques sans débattre de leur place et de leurs missions dans la vie culturelle et universitaire. Les bibliothèques ont enfin rejoint l'âge démocratique.