De la documentation en entreprise
Congrès IDT
Martine Poulain
C'est une assistance motivée et nombreuse qui a assisté au dernier congrès IDT, dont le titre 1993 était en soi tout un programme : L'information, intelligence de l'entreprise *. Voilà qui est sans doute donner pour le coup des responsabilités écrasantes à ladite information... Mais c'est un autre débat.
Veille technologique, besoin des utilisateurs, recherches en sciences de l'information, nouvelles technologies, formation à la veille, coût et qualité des services, données économiques et techniques nécessaires à l'entreprise, Europe de l'information : c'est autour de ces sept principaux thèmes que les congressistes ont écouté des orateurs nombreux. Mais ce congrès était aussi composé d'un salon riche d'exposants, enrichi de plusieurs journées satellites sur divers thèmes et de nombreuses démonstrations techniques sur tel ou tel service.
Eliminer et veiller
Trop d'information tue l'information : ce propos fut sans doute le leitmotiv commun à la plupart des intervenants. La question est aujourd'hui autant de savoir éliminer l'information que de la fournir. Le client veut une information précise, sélectionnée, adaptée à son cas particulier. « Quand un chef d'entreprise veut une information, il ne veut pas une bibliographie de six pages, ni même six pages à lire », rappelle Harry Collier, de l'Association for Global Strategic Information. Rien de commun avec l'attitude du chercheur ; c'est même son exact envers. Un veilleur doit : avoir une très bonne connaissance du domaine ; offrir des informations pertinentes, être muni de compétences journalistiques pour trouver l'information fiable aux endroits idoines. Le veilleur doit être considéré comme responsable de l'information diffusée.
Stéphane Dumas a expliqué le fonctionnement d'un service de veille dédié aux petites et moyennes entreprises. Il s'agit d'un service collectif de veille partagée. Il est fourni aux entreprises : un rapport documentaire sur l'état de leur branche industrielle fait par des experts du domaine ; des statistiques rassemblant les principales caractéristiques du domaine ; une vision factuelle, rendant compte de congrès et autres manifestations marquantes. On cherche ainsi à remarquer les faits nouveaux, les amorces de tendance, en ayant également recours aux sources informelles, voire aux rumeurs (qui sont ici officialisées comme sources d'information), qui peuvent fournir des renseignements précieux. Si les documents sont, dans un premier temps, sélectionnés par un documentaliste, ils sont ensuite passés au crible par un expert du domaine. Tous les résultats de la démarche doivent être validés par l'expert, avant d'être fournis aux clients. Ce qui est, une nouvelle fois, poser la question du rôle et de la fonction des documentalistes.
Evolution technologique
Dominique Marre s'est efforcé, après un bilan de la croissance de l'équipement technologique et de ses usages, de tracer des perspectives d'évolution du secteur.
La « baisse du coût des connexions consécutif à la mise en place de nouvelles infrastructures va sans doute ramener un certain nombre de services vers l'information en ligne ». Les deux supports ne seront plus concurrents mais complémentaires. L'enrichissement de l'information et des possibilités des réseaux et machines autorisera la transmission de l'information et de sa structure, mais aussi de son apparence graphique : ASCII et fac-similé ne seront plus incompatibles. La normalisation devra progresser rapidement. Les contenus des bases de données s'enrichiront, grâce aux possibilités du multimédia. Du côté des utilisateurs, l'articulation entre usage de l'information et poste de travail sera beaucoup plus étroite et se développera massivement. Leur utilisation dans le travail en groupe se développera. La mise à jour de l'information devra être beaucoup plus rapide.
Deux types d'acteurs vont jouer un rôle important : les grandes sociétés de logiciels, parce qu'elles auront la maîtrise des accès ; les sociétés qui fabriqueront des logiciels verticaux et qui seront des lieux de passage et de médiation pour la définition des applications.
L'information européenne
Où en sont les programmes IMPACT de la Communauté européenne ? IMPACT 1 (1989-1991) avait comme but principal de soutenir l'offre de bases de données et d'aider la production européenne dans un marché largement dominé par les Etats-Unis. IMPACT 2, qui court sur 1991-1995, dispose d'un budget de 64 millions d'Ecus. Ses objectifs sont d'aider au renforcement d'un marché important d'information électronique, de soutenir le marché européen, d'identifier des points forts et des points faibles, de stimuler la compétitivité, de soutenir particulièrement les petites et moyennes entreprises et les régions les moins favorisées, d'exploiter les résultats des programmes nationaux et communautaires. Pour cela, IMPACT 2 cherchera à mieux connaître et comprendre le marché ; à améliorer la convivialité et à promouvoir une culture de l'information ; à développer des projets pilotes. Pour mettre en œuvre ces programmes, la Communauté a, dans chacun des pays membres, des correspondants, « partenaires nationaux de sensibilisation ». Les PNS français sont Olivier Thiébeauld (ADBS) et François Libmann (GFII).
Le multimédia
Dominique Cotte et Pierre Brouste ont engagé sur le multimédia une réflexion précieuse. Chacun des supports qui composent ledit multimédia était en effet régi, lorqu'ils étaient dissociés, par des logiques techniques, économiques, culturelles, d'usage distinctes. « Chacun pour des raisons différentes, les éditeurs, les firmes informatiques, les entreprises de l'audiovisuel et du spectacle, pour ne citer qu'eux, sont intéressés par le multimédia ». Qui va dominer dans ce concours ? Sur le plan des usages et de la technique, la proposition/écran est ici déterminante. On peut penser que le multimédia sera « le support privilégié de l'image et du son », bien qu'il ait virtuellement à sa disposition toutes les possibilités d'un accès infini à des textes. D'où certains paradoxes. Pour les auteurs, l'hypertexte et ses possibilités de « navigation » ne sont pas en soi une panacée et correspondent davantage aux besoins du grand public qu'à ceux des chercheurs : l'hypertexte ne résoud pas, sur le fond, « la question inhérente à tout balisage de corpus : soit ce balisage emprunte à un langage particulier et alors on retrouve les problèmes bien connus en matière d'interrogation de banques de données ou de corpus documentaires ; soit ce balisage est laissé entièrement libre et on retrouve les problèmes de bruit, de redondance ». De telles réflexions, à la croisée des disciplines, se devraient d'être poursuivies, afin que ce ne soit pas, une fois de plus, l'offre qui structure et conditionne les usages, mais que les découvertes et avancées technologiques soient mises en œuvre pour répondre à des besoins réels.