Les états de collection
Chantal Freschard
Si la notice descriptive d'un document permet son identification bibliographique, elle doit être complétée par des données factuelles de localisation et d'état de collection, afin que les gestionnaires, comme les utilisateurs des fonds conservés dans les bibliothèques, puissent à tout moment savoir quelles unités physiques sont disponibles dans un lieu géographique donné. Les données de localisation et d'état de collection peuvent aller de la cote d'une monographie en un seul volume, conservée en un seul exemplaire, à la description détaillée d'une publication en série où l'on signalera la présence ou l'absence de chaque unité physique constitutive de la collection considérée, quels qu'en soient le support ou la présentation.
Tout catalogue de bibliothèque contient des éléments de localisation et d'état de collection, mais leur présence et leur degré de précision sont primordiaux dans les catalogues collectifs dont le rôle essentiel est de localiser et de signaler la disponibilité des documents conservés dans plusieurs sites d'une aire géographique donnée.
Un projet de norme internationale
Les règles appliquées jusqu'à présent au signalement des états de collection ne sont pas normalisées et relèvent donc davantage de l'usage et du bon sens que de la théorie ; mais il est vrai qu'à l'époque de l'informatisation des catalogues, qui permet la consultation à distance et l'échange de données, il devient nécessaire de fixer intemationalement un certain nombre de règles de présentation des états de collection afin d'en permettre une meilleure lisibilité.
Il existe à ce jour un projet de norme internationale proposé par la Bibliothèque du Congrès, concernant la présentation des états de collection (ISO 10324), susceptible de devenir une norme française homologuée. Ce projet de norme a pour but de favoriser la cohérence dans la communication et l'échange de l'information ; il porte sur l'affichage d'états de collection succincts ; il spécifie les zones de données et les éléments de données à l'intérieur de ces zones, ainsi que leur ordre et leur contenu ; il fixe également la terminologie afférente aux états de collection. Il prévoit trois niveaux d'état de collection : le niveau 1 identifie le document et l'organisme qui le concerne, ce qui peut suffire pour un document en une seule partie ; le niveau 2 donne en plus des informations générales sur l'état des collections d'un organisme ; le niveau 3 inclut une mention d'état de collection. Il est prévu, à l'intérieur de chaque niveau, des zones et des éléments de données obligatoires et facultatifs. Lorsque le niveau 3 est utilisé, les informations générales obligatoires au niveau 2 sont alors facultatives.
Le contenu de l'état de collection se répartit en 6 zones obligatoires ou facultatives :
- identification du document (numéro international normalisé, par exemple) ; - localisation (incluant la cote) ;
- date d'enregistrement ;
- informations générales (indicateurs de type d'unité, de forme matérielle, de complétude, de statut d'acquisition, de conservation) ;
- étendue de la collection, incluant le nom de l'unité, son importance matérielle, la numérisation et la chronologie ;
- notes sur l'état de collection.
Les éléments d'information contenus dans ces zones peuvent être codés selon des valeurs prévues par le projet de norme ou libellés en clair. La ponctuation utilisée dans la zone de l'étendue de la collection est également spécifiée.
Exemple :
ISSN 8946-8321
Level 1 : III
Level 2 : III-19831017-(a,ta,1,4,8) or III-19831017-(text, currently received, permanent retention) or III-19831017
Level 3 III-19831017-(a,ta,1,4,8) vyp. 1 (1973)-or III-19831017-vyp. 1 (1973)-
Etant entendu que le projet de norme en question s'applique à toutes les publications, périodiques ou non périodiques, et à tous les supports, il est intéressant de voir comment sont présentés actuellement les états de collection dans le Catalogue collectif national des publications en série au moyen de l'exemple suivant :
ISSN 0762-5731
- Architectes, Architecture
Ed. par : Conseil de l'Ordre des architectes*Ordre des architectes
Paris : Conseil de l'Ordre des architectes
Fusion de : Architecture (Bimensuel) (0754-3697)*Architecture
(Paris. 1979) (0220-7591)
CDU : 71*34*72 1984 - publié en France en français, mensuel
335222303 [Q] : 1984- < >
381855105 [S] : 1984-<>
422182306 [P] : 1984-<>
460425102 [S] : mai 1987- < >
545782301 [P] : n. 147, 1984-<>
590092301 [Q] : 1985-<RUP 5>
692562301 [S]: 1986-<>
692562302 [P] : 1984- (lac 5 %) < >
751021007 [P] : <4 Jo. 48446>
751062305 [R] : 1984 <481>
751065101 [R] : 1984-<>
751142102 [S] : 1977-1981 (lac) ; 1985-1988 (lac) <Z 428>
751155101 [S] : 1969-<> 751155102 [S] : 1979-<>
L'identifiant du document est l'ISSN : l'organisme de localisation est exprimé par un code à 9 chiffres ; la lecture entre crochets carrés correspond à l'année de dernière mise à jour de l'état de collection (P = 1986, Q = 1987, etc.) et indique la fraîcheur de l'information ; les éléments suivants donnent l'étendue de la collection conservée dans chaque organisme. Chaque état de collection étant limité par le système informatique utilisé à 100 caractères, il arrive que l'état d'une collection trop morcelée ne puisse être mentionné avec précision ; les mentions de lacunes sont alors abrégées (lac) et assorties d'une évaluation en pourcentage. Enfin, la cote inscrite entre les signes inférieur et supérieur apparaît en dernière position.
Problématique
Cet exemple concret permet d'appréhender la distance qui sépare aujourd'hui les règles appliquées à la présentation des états de collections dans le Catalogue collectif national des publications en série, de celles préconisées par le projet de norme internationale. La structure et l'ordre des données sont différents ; la notion de niveau n'existe pas ; certains éléments de données prévus aux niveaux 2 et 3 du projet de norme n'apparaissent jamais ; des contraintes techniques limitent la longueur de la mention d'état de collection.
La problématique posée par le cas concret du Catalogue collectif national des publications en série qui signale aujourd'hui près de 950 000 collections de publications en série est la suivante : comment appliquer aux catalogues existants des règles de présentation des états de collection aussi différentes de celles pratiquées jusqu'alors ? Mise à part toute critique objective du projet de nonne sur les états de collection qui n'a pas sa place ici, comment envisager la reprise d'un existant souvent volumineux, qu'il s'agisse de catalogues de fonds propres de bibliothèques ou de catalogues collectifs ?
La normalisation de la présentation des états de collection est évidemment souhaitable dans la mesure où elle garantit en quelque sorte un langage commun et donc une compréhension et une lisibilité accrues : mais, s'agissant de données factuelles, une conversion automatique n'est que partiellement possible, car il ne s'agit pas seulement de paramétrer et de restructurer des éléments existants mais d'introduire un certain nombre d'informations jusque-là écartées et qui ne peuvent être rassemblées que grâce à un pointage minutieux des collections. Comment être sûr que toutes les bibliothèques auront les moyens en temps et en personnel pour appliquer avec rigueur des règles nouvelles et contraignantes ?
Ces questions sont volontairement d'ordre très pragmatique et ne sont pas destinées à remettre en cause le principe même de la normalisation des états de collection. Elles ont seulement pour but de souligner les difficultés prévisibles d'application au quotidien de règles normalisées. Néanmoins, l'avantage de la normalisation est de permettre d'envisager, en jouant sur le long terme, un rapprochement progressif entre les pratiques en usage et ce qui doit devenir un objectif commun officialisé par la normalisation.
Mai 1993