Les presses d'université

Annie Le Saux

Les universités sont un vivier d'auteurs. Pour un universitaire, être publié constitue un besoin. La publication, en plus de la notoriété, lui apporte la reconnaissance de ses travaux de recherche et le situe dans le monde universitaire. Les presses d'université sont un des moyens de se faire connaître de ses pairs, mais un moyen encore trop confidentiel, trop inorganisé, comme il est apparu lors du premier salon des presses d'université, les 1er et 2 décembre à la Sorbonne.

Il fut, lors d'une des tables rondes, débattu de la place des presses d'université dans le domaine de l'édition, de leurs spécificités, de leurs difficultés à se faire connaître et reconnaître.

Le chaînon manquant de l'édition

Où se situent les presses d'université ? D'un côté, elles se rapprochent de la littérature grise par le public visé, le côté un peu artisanal de leurs travaux et le manque de visibilité et, de l'autre, par leur volonté d'éditer des œuvres indispensables à la recherche et à l'enseignement, par leurs efforts, même s'ils sont loin d'être concluants, de diffuser leurs publications, elles penchent du côté de l'édition privée.

Et pourtant, si la frontière est fragile entre ces deux derniers systèmes, et s'il leur arrive de se concurrencer, le créneau, très ciblé, des presses d'université, leur tirage, souvent limité, l'absence de but commercial à proprement parler les maintiennent dans une spécificité qui en fait le chaînon manquant de l'édition. Il faut maintenir, dit Hervé Hamon, du Seuil, « la coexistence des deux systèmes. Il faut trouver des passerelles entre les presses privées et les presses d'université ». Car, si les éditions privées cherchent des auteurs et recrutent souvent des universitaires, elles peuvent aussi orienter vers les presses d'université des ouvrages qu'elles savent ne pas pouvoir publier.

Qualité d'écriture et qualité éditoriale

Cependant, souligne Maurice Garden, de la Direction de la recherche et des études doctorales au ministère de l'Education nationale et de la Culture, le rôle des presses d'université n'est pas de publier aveuglément ce qui n'a pas été publié ailleurs, poussé en cela par certains universitaires, dont la devise pourrait se résumer en la formule lapidaire « publish or perish » !

Une exigence de qualité d'écriture devrait être à la base de chacune des publications universitaires, avec, en plus, un niveau d'exigence éditoriale élevé. Cela signifie, en plus du travail scientifique, un travail d'écriture, de réécriture, comme le précise, par expérience personnelle, Martine Ségalen, chercheur au CNRS. Ce problème se pose notamment lors de publications de colloques, où la disparité des communications, tant par la qualité des contenus que par leur mise en pages ou plus exactement absence de mise en pages, rend leur lecture indigeste, sans un travail préalable. Pour éviter ces problèmes, les Américains, qui ont des exigences éditoriales plus élevées que les Français, pensent en amont des communications à un livre.

Les presses d'université devraient avoir pour objectif de faire un vrai métier d'éditeur, c'est-à-dire, précise Martine François, du Comité des travaux historiques et scientifiques et nouvelle présidente de l'Association française des presses d'université *, de « découvrir, choisir et attirer, puis mettre en forme des éléments bruts », afin d'éviter le reproche qui leur est souvent fait de bricoler, d'improviser, de manquer de professionnalisme. Etudier sérieusement les besoins, les moyens, les manques et les difficultés pour ne publier que des ouvrages qui en valent la peine : le métier d'éditeur ne s'improvise pas. Pourquoi alors, dans les centres de recherche, ne pas former aux méthodes d'édition, ne pas inculquer aux universitaires, auteurs potentiels, des connaissances minimales dans ce domaine, que ce soit en typographie, maquette, lisibilité des articles, pourquoi ne pas enseigner aux enseignants ?

Diffuser en commun

Une organisation plus rigoureuse, depuis l'écriture des ouvrages jusqu'à leur promotion et leur diffusion, renforcerait l'image des presses d'universités et, à travers elles, celle des universités.

L'AFPU, initiatrice de ce premier salon des presses d'université, et qui regroupe 22 membres, s'est donnée pour mission de coordonner les efforts de ces différentes presses d'université, dont la disparité tient autant de leur taille, allant des très grosses comme Lille ou Grenoble au toutes petites comme Perpignan, dont le chiffre d'affaires annuel est de 30 000 F, que de pratiques diverses dans le domaine de la diffusion : il y a celles qui font appel à un distributeur privé et celles, comme Vincennes et Lille par exemple, qui sont diffusées par le CID, système de diffusion des publications en sciences humaines créé il y a environ 10 ans par la DRED. Diffuser, distribuer en commun, faire des catalogues collectifs serait un moyen d'améliorer le chiffre d'affaires des presses d'université et de mieux les faire connaître notamment des bibliothèques qui sont des acheteurs potentiels et, au-delà de la France, de l'Europe.

Bibliothécaires, libraires, universitaires ont, d'une seule voix, déploré l'absence de coordination dans la diffusion et appelé à la création de véritables structures. Exigence de qualité, d'écriture et de fabrication, liée à une réelle visibilité et à une amélioration de la diffusion et de la distribution, sont les conditions nécessaires à une valorisation de la recherche au travers des presses d'université.

  1. (retour)↑  Association française des presses d'université, 1, rue d'Ulm, 75005 Paris tél. 46-34-22-08.