Les bibliothèques universitaires en action
Martine Poulain
Deux conférences de presse ministérielles dans le seul mois de décembre consacrées aux bibliothèques universitaires : le Ministre veut que l'on sache qu'il s'y intéresse et y attache de l'importance. Message reçu et depuis si longtemps espéré.
Ces mesures sont d'abord et avant tout financières, le nerf de la guerre. Le budget de fonctionnement des BU, qui s'élevait à 85,6 MF en 1987, à 229 MF en 1992, est porté pour 1993 à 336 MF. Les augmentations de 1993 concernent principalement les constructions, l'élargissement des heures d'ouverture, les acquisitions, le réseau et le partenariat, la lecture étudiante.
Construire
Rappelons que le schéma Université 2000 prévoit d'augmenter de 50 % la capacité d'accueil des BU françaises, en créant 35 000 places nouvelles. Les crédits de construction pour les bibliothèques universitaires sont portés à 355 MF en 1993 (50 MF en 1991, 190 MF en 1992). 210 000 m2 nouveaux sont programmés d'ici 1995 (soit 20 000 places supplémentaires), 10 000 m2 ont ouvert en 1992 : « agrandissements de bibliothèques existantes (Aix-Marseille, Metz, Saint-Quentin), constructions neuves sur des sites déjà existants (Le Havre, Montpellier, Saint-Etienne, Université française du Pacifique), bibliothèques nouvelles (Albi, Aurillac, Montbéliard, Troyes) » ou coopération BM-BU lors de délocalisations (Valence, Blois).
En 1993, « de nouvelles bibliothèques ou des extensions sont prévues notamment sur les sites suivants : Amiens, Angers, Bayonne, Besançon et Belfort, Brest, Corte, Dijon, Fort-de-France, Saint-Denis-de-la-Réunion, Lyon III, Montpellier I, Nîmes, Nancy, Metz, Montbéliard, Orléans, Toulouse, Papeete, Paris II Assas, Paris VI et VII (campus Jussieu), Paris VIII, Paris XI, Pau, Pointe-à-Pitre, Reims, Toulouse ainsi que le Centre technique du livre à Marne-la-Vallée en coopération avec la Bibliothèque de France ».
A partir de 1994, et dans le cadre du XIe plan, un effort particulier sera fait pour les universités nouvelles : Artois, Littoral, La Rochelle, et pour l'Ile-de-France.
Jussieu
C'est le projet de Rem Koolhas qui a été choisi par le Ministre pour la future construction des bibliothèques de Lettres / Sciences humaines et de Sciences. Mais c'est Jean Nouvel qui a été sélectionné pour l'aménagement d'ensemble du campus. Un double choix qui n'a pas manqué d'étonner certains observateurs 1. Les deux bibliothèques offriront 950 places en Lettres (sur 8 100 m2) et 450 en Sciences (sur 9 900m2). Le budget de construction s'élève à 350 MF. Cent équipes françaises et 22 équipes étrangères avaient concouru. Le jury a ultérieurement sélectionné dix équipes. Dans le projet de Koolhas, les deux bibliothèques, chacune de trois étages, sont superposées, les différents étages communiquant par des systèmes de plans inclinés. « Ainsi », commente Rem Koolhas, « un itinéraire continu traverse la totalité de la structure comme les boucles d'un boulevard intérieur. A tous les éléments du programme, il offre l'avantage de la visibilité et de l'accessibilité : le visiteur correspond ici au flâneur baudelairien, observateur séduit par un monde de livres, d'informations et par les " situations " urbaines ». Voilà qui promet quelques audaces bibliothéconomiques !
Ouvrir, acquérir, travailler en réseau
Du côté des horaires d'ouverture, l'objectif 1992-1993 est d'ouvrir dans toutes les BU 60 heures par semaine, 300 jours par an. Dans cette optique, 200 000 heures de monitorat étudiant (soit 12 MF) ont été financées en 1992 et 130 emplois créés. En 1993, ces mesures s'élèvent à 130 nouveaux postes et 60 MF pour le monitorat.
Les achats des BU ont évolué de 270 000 volumes en 1987 à un demi-million en 1991. Le budget 1992 (28 MF) devrait avoir permis l'acquisition de 170 000 livres supplémentaires et 1993 (75 MF) devrait porter le total des acquisitions des BU à 800 000 volumes. « En 1994, la poursuite de cet effort pluri-annuel devrait permettre de dépasser 1 million de volumes et d'atteindre l'objectif : 1 livre par étudiant ».
Travailler en réseau, c'est à la fois fédérer plus fortement encore les centres documentaires de l'université et renforcer les réseaux bibliographiques existants, tels le Catalogue collectif national des périodiques, le Pancatalogue, ION 2. Dans cette optique, une agence bibliographique de l'enseignement supérieur « devra regrouper les programmes nationaux aujourd'hui dispersés ». Le schéma directeur informatique sera mis en oeuvre. Un autre programme (EDIL 3) portera sur l'échange sur réseau électronique de documents numérisés entre différents pays d'Europe. Ce dernier projet sera financé à 50 % par la Commission des communautés européennes. Enfin, RENATER 4 est en plein développement. Rappelons que RENATER est constitué de réseaux régionaux qui autorisent les communications entre les utilisateurs et un raccordement au réseau national. Celui-ci interconnectera les réseaux régionaux et « des réseaux de la recherche de l'Europe et des Etats-Unis seront raccordés à ce réseau national ».
Le réseau, c'est aussi les nouvelles relations qui s'établissent un peu partout entre bibliothèques universitaires et bibliothèques municipales : « le Ministre demande que soit établie une carte documentaire du territoire, région par région, inscrivant les missions et spécialisations de chaque site ainsi que les relations de coopération et de partenariat ».
Les mesures en faveur de la lecture étudiante, dont le BBF s'est déjà largement fait l'écho 5, seront poursuivies et renforcées : études locales et nationales, actions sous des formes variées dans les universités et en partenariat avec les Directions régionales des affaires culturelles et les partenaires du livre.
Enfin, présentation rapide a été faite, au cours de cette conférence de presse du tout nouvel Institut national de formation des bibliothécaires. Il formera, on le sait, le corps des bibliothécaires, 120 en 1993, 300 en 1993-1994 et organisera plus de 50 stages de formation continue.. En 1993, 14 agents et un budget de fonctionnement (hors crédits pédagogiques) de 1,9 MF feront vivre l'Institut. L'achat de 1360 m2 de locaux est à l'étude.