Informatisation, accès libre et service public
Une expérience à Paris XII
Marie Davaine
Fabienne Queyroux
La section multidisciplinaire de la bibliothèque de l'université Paris XII a mené depuis cinq ans une politique dynamique de développement de ses services publics. Elle a mis notamment l'accent sur la notion de libre-accès : libre-accès aux collections, puis libre-accès le plus large possible à l'information en général, au moyen de l'automatisation des catalogues et de la mise à disposition de CD-ROM. L'expérience acquise au cours de ces cinq années, jointe au résultat d'enquêtes auprès du public de la bibliothèque, permet de constater que le libre-accès le plus large, loin de limiter les interventions du personnel, les requiert encore davantage sous une forme différente.
Since 1987, the multidisciplinary library of the University Paris XII at Créteil has conduced a dynamic development of its public services. Particular emphasis is put on « freedom of access », not only to the collections, but also to the larger world of knowledge, through computerized catalogues and CD-ROM workstations. Experience, self-evaluation and several library-user polls show that full freedom of access, far from reducing staff intervention, still requires it, though under a different form.
Die Abteilung für mehrere Bereiche der Universitätsbibliothek Paris XII hat seit fünf Jahre eine tatkräftige Politik ausgeführt, um ihre öffentlichen Leistungen zu entwickeln. Sie hat besonders auf dem Begriff vom Freizugriff bestanden : sowohl Freizugriff zu den Sammlungen, als auch möglichst erweiterter Zugriff zur Gesamtinformation, anhand der EDV-Katalogen und zur Verfügung gestellten CD-ROM. Die während dieser Jahre erworbene Erfahrung wird publikumsseits von Umfragenergebnissen bestätigt : der weiteste Freizugriff hat an dem Personal, anstatt dessen Leistungen zu beschränken, immer mehrere und verschiedene Anforderungen stellen lassen.
Dernière Venue à l'université Paris XII-Val-de-Marne, après l'ouverture de la section du CHU 1 de Mondor en 1967 et celle de Droit et Sciences économiques de Saint-Maur en 1969, la bibliothèque, ouverte le 16 janvier 1973 sur le site du centre multidisciplinaire de Créteil, n'a pas eu que de bonnes fées autour de son berceau.
Handicaps de départ
Sa création s'est inscrite dans le mouvement de décentralisation parisienne, amorcé en 1962 avec Orsay et Nanterre, et amplifié par l'application de la loi d'orientation sur l'enseignement supérieur de 1968. Contemporaine de Villetaneuse, elle appartient à ces bibliothèques universitaires parisiennes de la « troisième génération », selon l'expression de Marie-Edmée Michel, premier conservateur de la section : « qui offrent en libre-accès des collections correspondant aux études des premiers et deuxièmes cycles, "bibliothèques-relais" en quelque sorte... souffrant de la proximité des vénérables institutions parisiennes (...) ».
Par ailleurs, même si elle fut, dans ses débuts, une bibliothèque de Lettres, elle avait vocation à devenir aussi multidisciplinaire que le centre universitaire de Créteil, qui vit naître successivement une faculté des Sciences, une faculté d'AES et une UFR 2 de Sciences sociales.
Multidisciplinarité : redoutable privilège pour une bibliothèque dont le développement allait coïncider avec ce qu'il est convenu d'appeler la période des « années noires » des bibliothèques universitaires. La section n'y échappa point : après les dotations généreuses qui accompagnèrent sa création, elle connut, comme ailleurs, une diminution terrible de ses crédits documentaires et des restrictions de personnel. Le libre-accès lui même, expérience menée tout d'abord dans l'enthousiasme, faillit être abandonné en raison du comportement négatif des lecteurs : 456 ouvrages volés en 1977 pour un fonds de 40 000 volumes.
L'obligation de protéger le fonds de prêt en l'installant en magasin entraîna une diminution considérable des emprunts et même de la fréquentation de la bibliothèque. En 1987, on comptait 1 626 lecteurs inscrits (pour 7 000 étudiants) qui empruntaient moins de 6 000 ouvrages, alors que 20 000 documents avaient été prêtés en 1977. Par ailleurs, en 1987, le personnel en place était, malgré l'accroissement constant du nombre d'étudiants, identique à celui de 1977 en ce qui concerne l'encadrement - un conservateur et trois bibliothécaires adjointes -, mais inférieur en nombre en ce qui concerne le personnel de service : quatre postes pourvus sur les sept existants.
Les enquêtes, réalisées en 1988 par Conception-Ouest et par un groupe d'étudiants en communication de l'IUT 3 de Paris XII, ont mis en évidence la mauvaise image de marque d'une bibliothèque multidisciplinaire dont l'ensemble des services, même les plus performants, étaient totalement ignorés du public (93 % et 94 % de « sans opinion » sur le prêt entre bibliothèques et la recherche documentaire informatisée). Plus de la moitié des étudiants interrogés (56,3 %) ont avoué utiliser la bibliothèque comme salle de travail et ne recourir à aucun de ses services. D'où le nombre de « sans opinion » sur le service de prêt : 49,5 %.
L'enquête complémentaire des étudiants de l'IUT a permis d'analyser aussi le comportement des enseignants vis-à-vis de la bibliothèque et de dégager des lignes d'action en matière de communication 4.
La multidisciplinarité, ressentie comme un handicap par les étudiants - qui ont l'impression que les livres sont « mal rangés », dans la mesure où leur classement selon la CDU 5 ne correspond pas à l'idée qu'ils se font de leur discipline -, était également très mal perçue par les enseignants et les chercheurs à qui le manque de spécialisation « fait peur » : ils redoutent l'échec dans la recherche et la perte de temps.
Mais l'enquête ne s'est pas limitée à ce constat d'échec. Les enseignants interviewés ont fait des propositions concrètes destinées à améliorer, non seulement l'image, mais surtout le service de la bibliothèque.
Il s'agissait, d'une part, de changements organisationnels internes : des horaires d'ouverture plus larges, une réactualisation des ouvrages, une surveillance des salles de lecture, pour y obtenir, sinon le silence, du moins de meilleures conditions de travail. D'autre part, en plus des systèmes de communication « classiques » (plaquette d'information, visites guidées, etc.) dont le développement nous fut conseillé, l'informatisation de la bibliothèque a été considérée comme le moyen prioritaire.
Aux yeux des enseignants :
« La communication doit passer par l'informatique » ;
« Les universités américaines suivent ce modèle et fonctionnent très bien » ;
« Un investissement de ce type sera tout à fait fructueux pour la BU en terme de fréquentation, d'utilisation et d'image ».
Ces propositions arrivaient à point nommé : au moment où, après la publication du rapport Miquel en 1989, des moyens accrus parvenaient à l'ensemble des bibliothèques universitaires, en termes de budgets documentaires, de créations de postes et de subventions destinées à favoriser l'informatisation.
Tirer parti des handicaps
Telle fut l'idée de base :
- « profiter » de la modestie de nos fonds documentaires pour réaliser une informatisation totale et rapide ;
- pallier le manque de personnel en développant l'accès libre à tous les types de documents.
Une politique documentaire plus pertinente
Il ne fallait pas pour autant perdre de vue la nécessité de combler les lacunes, grâce à une politique d'acquisitions à la fois mieux ciblée et plus ambitieuse.
En multipliant les contacts avec les enseignants, en sollicitant par courrier personnel les suggestions de commandes et les listes bibliographiques, l'équipe de la bibliothèque a pu, non seulement faire des achats d'ouvrages plus pertinents, mais aussi transformer progressivement ses interlocuteurs en « prescripteurs » de la bibliothèque auprès des étudiants.
Cette politique, jointe à l'augmentation de nos crédits documentaires, a très vite porté ses fruits. Les dépenses de documentation, qui s'élevaient à 679 228 F en 1987 sont passées à 915 385 F en 1991 et 1 356 459 F en 1992. Le nombre d'étudiants inscrits à la bibliothèque est passé de 1 386 en 1987 à 5 423 en 1989 et 7 096 en 1991. Entre 1987 et 1989, le taux des professeurs inscrits est passé de 18 à 48 %, et les demandes de suggestion d'achats ont augmenté de 110 % . En 1992, 150 enseignants (pour un total de 488 enseignants sur le site) ont adressé des listes à la bibliothèque.
Il faut noter au passage le rôle bénéfique du logiciel d'acquisitions. Il permet, au moment de la réception des ouvrages, l'édition automatique de bulletins de réception au nom de chaque enseignant demandeur. Ce système est extrêmement apprécié par les professeurs et les encourage à multiplier les demandes adressées à la bibliothèque.
Une informatisation rapide
L'informatisation de la section, inaugurée en décembre 1987 par l'installation d'un poste Mobibop au service du prêt, s'était étendue très rapidement à l'ensemble des autres services. Le choix du système Datatrek pour la gestion des périodiques et des acquisitions, en avril 1989, et pour le catalogue, en septembre 1989, correspondait à nos besoins de l'époque : un système simple, convivial, suffisant pour gérer des données de dimensions modestes, et moins onéreux que les gros systèmes - les plus répandus à ce moment-là.
Il fallut mobiliser toutes les énergies de la modeste équipe en place pour mener de front la saisie des 750 périodiques de la section, la préparation de la saisie rétrospective du catalogue, réalisée par la société Jouve, et le changement simultané des cotes des ouvrages en accès libre afin d'obtenir un classement CDU simplifié compatible avec la gestion informatisée... et plus clair pour les lecteurs.
Ce travail interne s'est concrétisé aux yeux du public par un réaménagement de la salle des périodiques et par une signalisation complètement nouvelle de la salle de lecture, simple et colorée, mise en place en septembre 1991. Un plan de la salle permet de situer immédiatement l'emplacement des différentes classes de la CDU, de repérer la couleur des pancartes de chacune d'elles, et le premier chiffre de la cote correspondante.
Dès octobre 1990, les lecteurs ont pu interroger le catalogue en ligne des périodiques de la section et, dès juin 1991, ils ont eu accès grâce à l'OPAC 6 Datatrek aux notices des 50 000 ouvrages de la salle de lecture.
Enfin, la gestion des microfiches de thèses, particulièrement lourde dans une section qui reçoit toutes les thèses de Lettres et de Sciences, fut à son tour informatisée. Le système Eric permet enfin un accès facile aux 67 000 microfiches jusque-là enfouies dans des tiroirs. La saisie sur micro-ordinateur et l'archivage dans des armoires électroniques ont été réalisés par le personnel de service dans les moments non consacrés au « prêtrangement-équipement ».
L'informatisation a eu des effets positifs immédiats. Les taux de fréquentation des différents services ont pris leur envol. L'augmentation des prêts fut bien entendu la plus spectaculaire, et ce malgré la décision de ne plus prêter les périodiques pour permettre un accès à la totalité des collections. Le nombre de prêts a été multiplié par 4 entre 1987 et 1988, passant de 5 855 à 23 271, et il a été multiplié par 8 entre 1987 et 1991. L'informatisation des services a ainsi permis de décupler les effets de l'accès libre.
L'accès direct à l'ensemble de la documentation
Dès le mois de décembre 1987, l'installation d'un système anti-vol dans le hall d'entrée de la section avait permis d'endiguer l'hémorragie qui avait un moment mis en péril les collections de la bibliothèque. La sécurité du système fut une incitation à développer de nouveau au maximum l'accès libre en salle des périodiques et surtout en salle de lecture, où le fonds de prêt, dissimulé depuis 1978 en magasin, a pu reprendre place.
Ce retour à l'accès libre est aussi la cause de l'accroissement du nombre des prêts à partir de 1988, alors que l'effectif des magasiniers était toujours limité à quatre personnes.
Peu à peu, année après année, le déficit fut comblé. En septembre 1991, grâce aux sept postes pourvus et aux crédits supplémentaires pour l'embauche de CES 7 et de moniteurs-étudiants, la section a pu accéder au souhait de ses utilisateurs en leur offrant une heure de service supplémentaire chaque jour : une ouverture de 9 h à 19 h.
Le développement des nouvelles technologies documentaires
Nous avions cependant conscience que tous ces moyens déployés pour favoriser l'accès aux ressources documentaires d'une bibliothèque multidisciplinaire ne satisferaient que partiellement nos utilisateurs en raison de la modestie de nos collections.
Il nous a paru indispensable de leur faciliter l'accès à la documentation qui se trouve ailleurs et de créer pour les enseignants et pour les étudiants des second et troisième cycles une station-relais pour l'information scientifique et technique, et ce grâce aux nouvelles technologies documentaires.
Depuis longtemps déjà, quelques enseignants-chercheurs de notre université savaient comment se procurer des documents non disponibles sur place grâce au service du prêt entre bibliothèques créé en 1975. L'informatisation du service en 1984, l'installation de la version PEB-Micro, et le regain d'intérêt des enseignants-chercheurs pour les services de la bibliothèque ont entraîné une augmentation considérable d'activité dans ce secteur. Les demandes de PEB ont presque triplé entre 1987 et 1991, passant de 1 266 à 3 300, tout en étant traitées par le même personnel.
Le service de la recherche documentaire informatisée, créé en 1982, avait d'ailleurs contribué à l'essor du service du PEB et connu un succès certain auprès des enseignants entre 1987 et 1989.
Il y eut ensuite un tassement, dû en partie au coût des interrogations, jugé prohibitif par bon nombre de chercheurs, et au fait que de nombreux laboratoires, de plus en plus informatisés, exécutaient chez eux les recherches en ligne qui leur étaient nécessaires.
Dans ce contexte, le développement des bases de données sur CD-ROM 8 nous est apparu comme le moyen d'offrir à nos lecteurs l'accès à une information que nous ne pourrions jamais mettre matériellement à leur disposition, même en multipliant de façon extraordinaire les acquisitions de livres et de périodiques.
C'était aussi nous approprier, nous semblait-il, un outil pédagogique exceptionnel : un moyen d'initier (de façon beaucoup moins sélective et onéreuse que dans le cadre de l'interrogation en ligne) de très nombreux étudiants à la recherche documentaire.
Mais les obstacles ne manquaient pas : à la fois financiers, humains et techniques.
Obstacles financiers : le coût du matériel nécessaire et le coût des disques eux-mêmes devaient nous contraindre à un choix très rigoureux entre des bases de données de plus en plus nombreuses, toutes susceptibles d'intéresser le public d'une bibliothèque multidisciplinaire 9.
La décision d'achat de bases de données comme le Robert électronique ou Discotext, ne nécessitant pas de mise à jour, fut relativement aisée à prendre.
Pour les autres, l'idée a été d'acheter en priorité les bases bibliographiques les plus multidisciplinaires, comme Pascal et Francis, ou les bases factuelles qui concernaient le plus de composantes de l'université et le plus grand nombre d'étudiants : par exemple Megastat et Chelem, intéressant à la fois les étudiants en AES, en LEA 10, et Techniques de commercialisation de l'IUT.
Enfin, les autres bases de données sur CD-ROM devaient permettre à nos utilisateurs de localiser l'information : Myriade, bien sûr, pour les articles de périodiques, CD-Thèses, et, pour les ouvrages, les catalogues de cinq bibliothèques parisiennes : Bibliographie nationale française, Lise et Quartier latin.
Un autre obstacle de taille était le problème de l'accès à ces bases. Le manque de bibliothécaires, dont la section souffre toujours aussi cruellement - trois postes en 1992, pour 9 000 étudiants, comme aux débuts de la bibliothèque en 1976... -, nous interdisait d'organiser un service spécialisé « sous surveillance » dans une salle réservée à la recherche documentaire ou dans un bureau de renseignements.
Encore une fois, l'accès libre paraissait être la seule solution, ce qui nous valut en premier lieu des quantités de problèmes matériels et techniques à résoudre.
Moyens matériels et techniques
L'équipe de la section souhaitait rapprocher le plus possible ces services de leurs utilisateurs. Mais le choix même des lieux d'implantation devait tenir compte de plusieurs facteurs contraignants : tout d'abord de l'espace disponible, par rapport à la circulation générale dans le bâtiment de la bibliothèque ; ensuite, des possibilités de câblage pour les postes dévolus à la consultation de l'OPAC ; enfin, bien sûr, de la proximité d'un pôle de renseignement afin de faciliter l'intervention du personnel, en cas de besoin. A présent, l'OPAC se consulte sur huit postes, répartis entre le hall d'accueil, près de la banque de prêt, la salle de lecture principale, à proximité du bureau de renseignements, et la salle des périodiques, près du bureau où se tient le personnel. Quant aux huit stations de consultation des CD-ROM en accès libre 11 elles sont regroupées d'une part dans la salle de lecture, à l'intérieur du bureau de renseignements et à proximité immédiate, et d'autre part dans la salle des périodiques, près des OPAC. Elles se partagent trois imprimantes à bulles d'encres, silencieuses et rapides, munies de lecteurs de cartes magnétiques pour le paiement des impressions (0,50 F par page ; hormis les impressions, le service de CD-ROM est gratuit).
La sécurité
Le premier problème concret qui s'est posé a été d'assurer la sécurité du matériel et des logiciels. Il n'était en effet pas possible de surveiller sans cesse ces postes, compte tenu des flux importants d'étudiants 12 ; c'eût été en outre contraire à la volonté de favoriser la liberté d'accès. Après quelques mois, une décision s'est imposée : ne laisser si possible à la portée des utilisateurs que les claviers et les écrans. Dans notre situation précise, cette solution présente plusieurs avantages. Outre celui de protéger contre le vol et la dégradation les CD-ROM eux-mêmes, les lecteurs et les unités centrales, elle garantit, en empêchant l'accès aux lecteurs de disquette, que le matériel servira bien à l'usage prévu, et surtout qu'aucun virus informatique ne viendra parasiter les programmes 13. Dans le cas des postes dévolus à l'OPAC, il s'agit de plus d'empêcher l'accès du public au réseau qui supporte le système de gestion de la bibliothèque : en effet, ces postes, dépourvus de disque dur, ont besoin pour se connecter au réseau d'une disquette-boot 14, qu'il suffit donc ensuite d'enlever pour garantir la sécurité.
Le choix de mettre sous clé la majeure partie du matériel a conduit à rechercher et acquérir un mobilier adapté à nos besoins spécifiques. L'OPAC se consulte debout afin d'éviter les stations trop prolongées ; les postes situés dans le hall d'accueil, zone de circulation très dense, ont fait l'objet d'un surcroît de précaution afin d'assurer leur stabilité : les unités centrales, les claviers et les écrans ont été solidement fixés aux meubles, eux-mêmes fixés à un pilier. Pour les stations CD-ROM, il a fallu aussi songer à protéger les installations de logiciels contre des interventions intempestives. En effet, l'utilisation d'un logiciel de menu étant devenue impossible pour certains titres de CD-ROM en raison d'un manque de place en mémoire vive, les étudiants bien souvent sortaient du logiciel de consultation et s'amusaient à examiner les fichiers installés sur le disque dur, sans s'interdire d'essayer d'en modifier, voire supprimer quelques-uns. Après plusieurs incidents, les commandes du DOS 15 susceptibles d'altérer les installations ont été retirées des disques durs, et tous les autres fichiers ont été masqués et rendus non modifiables. Ainsi donc ont été fabriquées (artisanalement !) des « bornes interactives » ; aucun nouvel incident n'a depuis été détecté.
Redéploiement progressif des logiciels et du matériel
En 1989 la section possédait trois titres de CD-ROM, pour deux postes de consultation. Aujourd'hui, elle offre en tout 18 titres, soit 25 disques, sur 10 stations de consultation équipées de 16 lecteurs de CD-ROM (dont deux Pioneer « juke box » DRM610 correspondant chacun à six lecteurs). Convaincue de l'apport positif des CD-ROM, la bibliothèque était prête à acquérir les titres semblant le mieux correspondre à son public ; mais il était évident, dans une perspective de libre-accès, que la multiplication des titres devait s'accompagner d'achats de matériel de consultation. Le choix de la mise en accès libre était en effet dicté non seulement par le souci d'encourager les étudiants à utiliser le plus largement possible les CD-ROM, mais aussi par la conscience bien nette que le personnel ne pouvait se permettre de passer trop de temps à manipuler des disques. Sans compter que le risque d'une mauvaise manipulation, malgré la précaution élémentaire consistant à laisser les disques dans des caddies, s'accroît lorsque ces manipulations se multiplient et surtout doivent s'effectuer le plus rapidement possible.
Ainsi l'extension de la collection de CD-ROM a-t-elle induit l'extension du parc matériel. Durant les trois dernières années, la technologie des lecteurs a évolué et, de manière générale, les prix en micro-informatique ont baissé très sensiblement, permettant d'acquérir des appareils de moins en moins chers et de plus en plus performants. Parallèlement, les logiciels de consultation de CD-ROM, de plus en plus sophistiqués, ont eu tendance à devenir de plus en plus gourmands en mémoire vive. Le parc actuel de la section reflète bien dans son hétérogénéité les différents stades de développement. Le chaînage de lecteurs de CD-ROM et l'achat de « juke-box » permettent actuellement à chaque station de lire au moins deux disques, et de un à trois titres différents. Ce chaînage, ainsi que la multiplication des stations de consultation, ont permis de résoudre au moins partiellement le problème des files d'attente, puisque les titres de CD-ROM ont été répartis en fonction de leur fréquence de consultation : un titre très demandé est associé à un autre n'intéressant qu'un public beaucoup plus restreint. Il est devenu très rare qu'un utilisateur soit contraint de réserver une station de consultation à l'avance, sauf s'il souhaite recevoir une formation.
Naturellement, la prochaine étape sera celle de la mise en réseau. L'université Paris XII met progressivement en place un réseau ETHERNET sur l'ensemble du campus de Créteil. Depuis l'été 1992, tous les bâtiments ont été reliés entre eux et au centre informatique par une fibre optique. Le câblage interne suivra, bâtiment par bâtiment : celui de la bibliothèque sera l'un des premiers à être entièrement équipé. Cette installation facilitera non seulement l'implantation d'un réseau de CD-ROM interne à la bibliothèque, mais permettra également par la suite l'accès aux CD-ROM depuis tout autre point câblé du campus. La bibliothèque a donc choisi d'attendre la mise en place du réseau général et l'achèvement de son propre câblage interne avant d'investir dans un réseau de CD-ROM. Une partie du matériel actuel pourra à ce moment-là être réutilisé (les micro-ordinateurs 386 et les lecteurs de CD-ROM équipés de cartes SCSI).
Le point de vue des utilisateurs
Afin de mieux connaître les réactions du public vis-à-vis de la mise à disposition de moyens informatiques, deux enquêtes ont été menées, l'une portant sur le service de CD-ROM en libre-accès, et l'autre sur les usages de l'OPAC.
Enquête CD-ROM
L'enquête sur l'utilisation des CD-ROM s'est déroulée durant le mois de novembre 1992, l'un des mois où la bibliothèque est la plus fréquentée. Le personnel, lorsqu'il constatait la présence d'un usager devant une station de consultation de CD-ROM, lui demandait de remplir un bref questionnaire. Le dépouillement de ces questionnaires a montré que le service de CD-ROM attire prioritairement des étudiants de second cycle (51 % des utilisateurs), et que les enseignants-chercheurs ne constituent que 6,5 % du public. Ce dernier résultat a paru quelque peu sous-évalué ; mais la période durant laquelle l'enquête a été menée est l'une de celles où les enseignants-chercheurs sont les plus absorbés par leur enseignement et mettent entre parenthèses leurs propres recherches.
Quant à la façon dont les utilisateurs ont appris l'existence du ou des CD-ROM consultés, il s'est avéré que, dans plus d'un tiers des cas (36 %), un professeur avait donné l'information. Cette part assez forte n'a pas beaucoup surpris, étant donné que l'équipe de la section multidisciplinaire s'est efforcée, à chaque fois qu'un titre de CD-ROM nouveau arrivait, acheté ou emprunté en test, d'en aviser les enseignants susceptibles de s'y intéresser, et d'organiser pour eux des démonstrations. En revanche, 23 % des utilisateurs ont découvert leur CD-ROM grâce à l'accès libre ; tandis que 14,7 % ont été orientés par les conseils d'un membre du personnel. Les autres modes cités - information par un autre étudiant, guide du lecteur, visite de la bibliothèque - constituent chacun 3 à 6 % des réponses.
Le bon usage des CD-ROM a nécessité une aide dans 52 % des cas : ce n'est pas tant la complexité des logiciels d'interrogation qui semble en cause, mais bien plutôt le besoin de savoir ce que l'on peut trouver sur le disque. Le taux de satisfaction quant aux résultats des recherches atteint 82 % ; il est à noter que les utilisateurs repartis bredouilles se recrutent parmi ceux qui ont déclaré ne pas avoir eu besoin d'aide... Globalement, les chiffres apportés par l'enquête ont confirmé les intuitions de l'équipe de la section multidisciplinaire. Les utilisateurs apprécient le service des CD-ROM, et le libre-accès le plus large se révèle incontestablement positif, puisqu'il a permis à presque un quart des utilisateurs interrogés de découvrir ce moyen d'information. Néanmoins, on constate que, dans ce contexte, l'intervention du personnel ajoute toujours de la valeur au service rendu.
Enquête OPAC
Pour recueillir des données sur les usages de l'OPAC par le public, une méthode d'enquête différente a été choisie.
Un lundi de décembre 1992, jour et mois de grande affluence, le personnel a distribué en salle de lecture 250 questionnaires le matin et 250 l'après-midi. Les usagers ont accepté volontiers de collaborer, puisque 436 questionnaires utilisables ont été collectés et que de nombreux commentaires, recueillis par oral ou par écrit sur les feuilles, ont prouvé que l'initiative avait été jugée intéressante.
Il est apparu que 25 % des usagers de la bibliothèque ne consultent jamais l'OPAC 16 ; mais seule une petite fraction d'entre eux se déclare rebutée par la difficulté de son utilisation. En fait, les usagers, utilisateurs ou non de l'OPAC, privilégient pour se procurer un document la recherche directe en salle de lecture. C'est le cas de 59,47 % de ceux qui utilisent l'OPAC.
Par ailleurs, on relève également une certaine similitude entre ces deux catégories d'usagers. Ceux qui n'utilisent pas l'OPAC travaillent un peu plus sur leurs documents personnels (39,54 % contre 32,64 %), empruntent un peu moins (22,73 % contre 29,62 %) et consultent sur place tout autant (37,73 % contre 37,74 %).
La répartition par cycle ne fait pas non plus apparaître de grandes différences : les étudiants de premier cycle sont un peu plus nombreux parmi les non-utilisateurs (69,52 % contre 62,23 %), viennent ensuite les étudiants de second cycle (30,48 % contre 35,6 %), alors que les étudiants de troisième cycle qui ont répondu au questionnaire ont tous déclaré utiliser l'OPAC. On peut considérer que ces différences s'expliquent simplement par une plus grande familiarité avec la bibliothèque chez les étudiants de deuxième cycle, et probablement même par le fait qu'ils ont pu bénéficier d'une formation au cours des années antérieures.
Les utilisateurs de l'OPAC le trouvent dans l'ensemble facile ou assez facile (81,31 % des opinions exprimées) ; cependant, 36,04 % d'entre eux ont admis avoir eu besoin d'aide. Cette ambivalence réapparaît dans le taux de satisfaction quant aux réponses obtenues, puisque 38,46 % des utilisateurs ne trouvent que rarement ce qu'ils cherchent. Ils expliquent l'échec de leur recherche en premier lieu par l'absence de l'ouvrage concerné dans le fonds de la bibliothèque (48,16 % des réponses) ; en second lieu (19,27 % des réponses), ils mettent en cause la qualité même du catalogue (qu'ils soupçonnent parfois de ne pas être complet), notamment en ce qui concerne l'accès par matière 17 ; mais presque autant de réponses (18,8 %) indiquent que les usagers trouvent le catalogue trop difficile à utiliser, ou pensent qu'ils n'ont pas su poser leur question faute de formation ou d'aide. Ainsi, aux yeux du public, les insuffisances du fonds multidisciplinaire l'emportent sur la difficulté d'utilisation de l'OPAC ou sur l'inadéquation de celui-ci pour expliquer l'échec. Néanmoins, la demande d'une formation demeure très nettement exprimée.
Parmi les stratégies adoptées en cas d'échec d'une recherche via l'OPAC, la recherche directe en rayon domine largement (31,74 %), suivie par l'essai d'une autre recherche dans le catalogue (23,12 %), puis par le recours à une ou plusieurs autres bibliothèques (21,84 % ; 29,59 % du total des usagers ayant répondu au questionnaire). Ensuite vient l'abandon de la recherche (14,68 %) ; et en dernier lieu seulement le recours au personnel de la bibliothèque (8,62 %). Faut-il expliquer ce faible pourcentage par un désir ou une habitude d'autonomie de la part du public de la bibliothèque ? Ou par les effets bénéfiques de l'amélioration de la signalisation ? Le bureau de renseignements, lorsqu'il est ouvert, est pourtant très sollicité, comme le prouve l'expérience du personnel. Il faut donc déduire que peu d'usagers déclarent recourir au personnel parce qu'ils constatent que ce dernier n'est pas assez disponible... ou absent. Certains l'ont même spontanément indiqué sur leur questionnaire : « [personnel] fantôme », « inexistant ».
L'effet boomerang
L'expérience de Créteil, en ce qui concerne l'utilisation des bases de données sur CD-ROM, nous paraît complémentaire de celle de Luminy. Cette section de la bibliothèque de l'université d'Aix-Marseille II, très spécialisée dans le domaine des Sciences, satisfait en priorité un public d'étudiants de troisième cycle. La consultation des CD-ROM y est surtout perçue par les utilisateurs comme une solution plus pratique et moins onéreuse que l'interrogation en ligne pour mener une recherche documentaire.
A Créteil, ces mêmes bases de données totalement (ou presque) en accès libre, permettent de former des étudiants de second cycle à cette recherche. Elles nous aident à combler, au moins en partie, les lacunes d'un fonds trop multidisciplinaire et trop récent.
Elles font de la section une bibliothèque « virtuelle », une bibliothèque « relais d'information », en donnant au mot « relais » le sens attribué par Le Robert de la langue française dans un contexte scientifique : « dispositif servant d'intermédiaire pour déclencher, par la mise en œuvre d'une énergie relativement faible, une énergie plus forte ». L'informatisation du catalogue et la multiplication des CD-ROM ont dynamisé l'action de la bibliothèque et amélioré son image. Elles sont, globalement, ressenties positivement par les utilisateurs.
Mais toute médaille a son revers. Le développement des nouvelles technologies provoque en revanche la résurgence d'un problème que nous avions toujours tenté d'esquiver en raison du manque de personnel : une demande de service public exponentielle.
Il entraîne un « choc en retour » pour le personnel, confronté à la nécessité de connaître parfaitement le maniement d'une quantité de matériels et de logiciels, et harcelé par une demande de service public insatiable, émanant d'une population étudiante en plein accroissement (9 000 étudiants en 1992). En 1991, 2 388 lecteurs ont fait l'objet d'une formation contre 1 710 en 1989.
Depuis le renseignement ponctuel sur la manière d'utiliser convenablement l'OPAC, en passant par les demandes de visites pour les étudiants en DEUG 18, de formation à la méthodologie documentaire pour les étudiants de licence et de maîtrise, jusqu'aux séances d'initiation à la recherche documentaire informatisée pour les étudiants de troisième cycle, les demandes sont de plus en plus nombreuses et de plus en plus pressantes. Besoins exprimés à des professionnels de la documentation (actuellement réduits à cinq personnes dans la section), besoins que ne pourront jamais satisfaire des personnels d'appoint constitués de CES et de moniteurs étudiants.
Par ailleurs, l'enquête réalisée récemment auprès de nos utilisateurs est un rappel à la modestie. Faciliter par tous les moyens l'accès à la documentation, c'est bien, mais offrir le plus de documents possibles, et, en particulier, des manuels en nombre suffisant pour un public constitué pour une large part d'étudiants de premier cycle, c'est encore mieux.
Il faut souhaiter que le contrat quadriennal de l'université Paris XII, signé à Créteil le 8 décembre 1992 19, grâce au « volet documentaire » important obtenu par le président et son équipe - dont le soutien au dossier énergiquement défendu par notre directeur a été total - permette de continuer et surtout d'amplifier la politique entreprise ces dernières années.
Janvier 1993