Le circuit du livre dans les bibliothèques universitaires
Évaluation des tâches
René Deriez
Élisabeth Le Barbanchon
L'informatisation du catalogage devient une réalité dans grand nombre de bibliothèques universitaires. Lors d'études faites, avant l'informatisation de ces établissements, dans un échantillon significatif de bibliothèques universitaires de province, il apparaît clairement que le catalogage est l'une des fonctions très bénéficiaire de l'informatisation, malgré les investissements nécessaires et importants en matériel, en logiciels et en télécommunications. L'ensemble du circuit du livre : acquisitions, catalogage et équipement, est evalué en temps de travail ; ceci permet de déterminer le coût moyen d'une monographie disponible à l'utilisateur. L'essentiel du coût, très variable selon les disciplines et les établissements, est constitué ici par celui du personnel. Moins les locaux sont adaptés, ce qui est le cas de lieux aussi anciens que prestigieux, plus il faut s'organiser. Avant toute informatisation, il est donc indispensable d'analyser le circuit du livre (ou du périodique), de veiller au déroulement rigoureux des nombreuses procédures et à l'adéquation des qualifications et des tâches à effectuer.
Cataloguing computerization is becoming a reality in most University libraries. During previous research before computerization of these establishments, taken from significant sample of University libraries in the country, it clearly appears that cataloguing is one of the most beneficial functions of computerization, in spite of the necessary cost in equipment, software and telecommunication. The routing of documents : acquisition, cataloguing and equipment, is analysed in detail, according to types of staff. This gives the average cost of an available monograph. In this study the cost, which varies depending on disciplines and establishments, is mostly covered by the staff. More organization is necessary for old although often well known buildings. Before any computerization, it is necessary to analyse the routing of a book (or a periodical) to make sure the necessary procedures are strickly carried out by the right people.
Die EDV wird in mehreren Universitätsbibliotheken für die Katalogisierung tatsächlich eingesetzt. Als man Studien vor diesem Einsatz in einer bedeutenden Warenprobe der Provinzanstalten trieb, konnte man erkennen, daβ die Katalogisierung den besten Nutzen aus EDV zieht, wenn auch unter notwendigem und groβem Aufwand von Fernmeldewesen, Hard- und Softwaren. Die ganze Buchbehandlung : Erwerbung, Katalogisierung und Ausstattung, wird nach der Arbeitsdauer scharf analysiert, damit der mittelmäβige Gestehungspreis eines vorhandenen Bandes abgeschätzt werden kann. Das gröβte Preisteil besteht hier in Personalsarbeitszeit, obwohl die Kosten nach Spezialitäten und Anstalten sehr verschieden sind. Je weniger anpassend die Räumlichkeiten sind, besonders im Fall von so alten und prachtvollen Gebäuden, desto wichtiger die Arbeitsmethode ist. Vor dem EDV-Einsatz muβ man unbedingt die Buch- oder Zeitschriftenbehandlung analysieren, den genauen Vorgang der zahlreichen Aufgaben überwachen, und die Arbeitsfähigkeit jedes eingesetzen Personalsmitglieds seinem Werk gegenüber abschätzen.
En France, très peu d'études ont été consacrées à l'évaluation des bibliothèques universitaires. Gérard Thirion, en 1976, a publié, à partir des données de la bibliothèque interuniversitaire de Nancy, dont il était alors directeur, un article qui n'a pas été renouvelé et dont la démarche et les analyses restent très pertinentes pour les bibliothèques non informatisées (1). Plus récemment, lors du Congrès de l'IFLA 1 en 1989, Geneviève Boisard a fait le point sur l'évaluation des coûts du catalogage (2).
L'exploitation des données collectées par les Enquêtes statistiques générales auprès des bibliothèques universitaires (3) permet de suivre précisément l'évolution statistique générale de ces établissements. Pierre Carbone (4) a fait récemment une synthèse très complète de la dernière décennie 1981-1991. Des ratios ont pu être dégagés et la pratique du tableau de bord s'est diffusée dans quelques-unes de ces bibliothèques.
La conjoncture
Depuis quelques années, on peut assister à la croissance conjointe des effectifs étudiants inscrits en université, et, en bibliothèque, des crédits documentaires affectés à celles-ci. Ces dernières se trouvent maintenant en mesure d'accroître leurs fonds de manière significative mais sans attribution de personnel supplémentaire jusqu'à ces toutes récentes années : on assiste aujourd'hui à un renversement de tendance, marqué par l'évolution de la formation initiale et continue des professionnels, la mutation de l'ENSB en ENSSIB 2 et le développement des cursus.
Cette croissance des personnels est toute récente et les augmentations budgétaires antérieures avaient généralement conduit à un allongement du circuit du livre. Les ouvrages, acquis en nombre pour combler le manque précédent, auraient encore tendance à s'accumuler durablement dans les services internes, quelle que soit la compétence des personnels en charge de ce traitement. Et la mise à disposition de ces documents se fait avec un retard considérable sur les rayonnages comme dans les catalogues ; un retard de quelques semaines à quelques mois pour le catalogage et plus long encore pour l'intercalation des fiches.
C'est une des raisons techniques déterminantes pour les bibliothèques de poursuivre leur informatisation : le catalogage partagé devient une nécessité pour faire face à l'accroissement de la demande.
La politique contractuelle du ministère et des universités, l'application, généralisée en province, du décret du 4 juillet 1985, le plan Université 2000, l'avenir de pôle européen pour quelques-unes d'entre elles, ont déterminé un cadre structurel propice à l'évolution et ont amorcé une reprise sérieuse qui mettait fin au manque de moyens clairement exposé dans le « rapport Miquel » (5).
En outre, la participation accrue aux échanges bibliographiques internationaux, la création de catalogues collectifs de localisation et d'identification, tels que le CCN 3 et le Pancatalogue, tous ces éléments ont créé un environnement favorable au développement de l'informatisation des bibliothèques.
L'informatisation obligatoire
Devant l'ampleur des missions à accomplir et des tâches à mettre en oeuvre, l'informatisation est donc apparue, à juste titre, un passage obligatoire.
L'importance des financements qu'elle implique a modifié les modalités de l'évaluation des coûts réels rendus par le service public à la collectivité.
Une première approche était de mesurer les coûts de fonctionnement selon les procédures actuelles, puis d'estimer les coûts supplémentaires générés par l'informatique, en les pondérant par les gains de temps et de production escomptés.
Le catalogage, historiquement et techniquement, fut longtemps considéré comme l'opération bibliothéconomique la plus importante par des bibliothèques de « référence » telles que les bibliothèques universitaires ; son objectif immédiat, la recherche d'information pour le public, a donc focalisé l'intérêt de l'ensemble de la profession, comme l'a démontré Geneviève Boisard (22).
Un large débat sur les choix des sources bibliographiques et de réservoirs de notices, l'adoption généralisée d'un langage commun d'indexation RAMEAU 4, sur la normalisation, les formats MARC 5 et leurs contraintes a animé nombre de congrès professionnels, de journées d'études ou de groupes de travail, faisant progresser ainsi les connaissances et les compétences en matière de réseaux d'information.
Or, s'il est évidemment indispensable que le lecteur ait connaissance des ressources d'une bibliothèque, par les catalogues informatisés ou non, l'objectif final est bien de mettre à sa disposition, dans les champs documentaires concernés, le maximum d'ouvrages dans le minimum de temps.
Car la qualité du service proposé aux usagers par une bibliothèque ne repose pas exclusivement, même si elle en est un élément déterminant, sur la qualité de sa banque de données.
C'est donc, dans le cadre d'une future informatisation, non seulement le catalogage qu'il faut envisager mais l'ensemble du circuit du livre, du choix du document à son arrivée en rayon.
Les bibliothèques évaluées
De 1989 à 1991, la société Deriez Consultants a réalisé les études en vue de l'informatisation de six bibliothèques universitaires de province, ce qui représente une base de raisonnement statistique fiable. L'une d'entre elles avait déjà informatisé la plupart de ses tâches, mais sans que cette informatisation soit intégrée. Une autre, en revanche, ne bénéficiait pas encore pleinement des accroissements de crédits documentaires, ce qui majore quelque peu ses coûts de revient à cette époque.
Les chiffres servant de base aux calculs effectués sont issus des Enquêtes statistiques générales annuelles fournies par chaque bibliothèque au ministère, ce qui permet d'avoir un cadre uniforme de référence et un vocabulaire commun.
Il est intéressant de situer l'échantillon que nous avons analysé relativement au bilan statistique publié par Pierre Carbone (4). Cet échantillon représente 13 % des services communs de documentation de province. tous concernés en 1989-1990 par l'application du décret du 4 juillet 1985.
Nous avons analysé 287 emplois sur 2 170, soit plus de 13,2 % des personnels en exercice dans les services communs de documentation de province.
Le tableau ci-dessus, obtenu à partir de la moyenne des chiffres des deux années 1989-90 avancés par la Direction de la programmation et du développement universitaire, laisse apparaître que nos analyses portent sur environ 8 % de l'effectif professionnel.
Il est également utile de situer relativement les quantités documentaires traitées dans le circuit du livre des établissements considérés.
En 1989, les collections recensées dans les bibliothèques analysées représentent en termes d'acquisitions :
- 45 728 volumes sur 246 889, soit 18,5 % ;
- 8 677 titres de périodiques sur 45 078, soit 19,2 %.
Evaluer six tâches principales
Nous avons identifié dans les bibliothèques universitaires six grandes tâches bibliothéconomiques : les acquisitions, le catalogage, l'équipement, le prêt, le prêt entre bibliothèques, l'accueil (qui comporte les services de référence bibliographique manuels et automatisés).
La gestion a été analysée en tant que telle et comme fonction indispensable à la bonne marche d'une structure administrative. Selon cette approche, les coûts induits sont à répartir sur chaque tâche bibliothéconomique, au prorata de ce que représente chacune d'entre elles. Cette méthode permet d'estimer de manière plus réaliste le coût de revient des tâches « professionnelles ».
Il sera évidemment question ici des trois premières de ces tâches, composant le circuit du livre et objet de cette étude : acquisitions, catalogage, équipement.
Lors de l'étude d'un établissement, chaque membre du personnel reçoit un questionnaire à compléter et à remettre après quelques semaines, qui permet d'évaluer le plus objectivement possible le temps hebdomadaire passé à chacune des tâches dont cette personne a la responsabilité.
Les horaires hebdomadaires sont variables selon les bibliothèques, ainsi que la durée des congés. Il faudrait donc faire des péréquations hasardeuses selon les établissements pour obtenir des moyennes finalement peu significatives. Nous avons travaillé sur la base d'une année de 46 semaines, en considérant la durée légale des congés de la fonction publique. Ceci évite d'avoir recours à des moyennes salariales globales par catégorie de personnel et chaque établissement voit ainsi son identité respectée.
Les temps consacrés à chaque type de tâche ont été analysés dans chacune des six bibliothèques. Les coûts sont connus pour cinq de ces établissements.
Certains chiffres sont discordants par rapport à d'autres. Ceci est toujours le résultat d'un aspect particulier, qu'il concerne l'organisation du travail, le déroulement des procédures ou qu'il renvoie à la taille de l'établissement ou encore à l'inadaptation de locaux prestigieux mais peu fonctionnels et parfois très dispersés.
Ces études nous ont permis de faire quelques constatations, confirmant dans leur généralité les travaux précédents (1) (2), les développant sur certains points.
Chaque tâche du circuit du document (acquisitions, catalogage, équipement) a été étudiée, en différenciant aussi les estimations selon le type de document (monographies ou périodiques). On a ainsi pu calculer avec précision le coût moyen de chaque étape du circuit des monographies, en général et selon les différents champs disciplinaires (sciences et techniques et sciences économiques, humaines, juridiques et sociales).
La répartition des tâches par catégorie de personnel a été étudiée à chaque étape : la répercussion sur les coûts en est bien évidement immédiate.
Durée et coût du catalogage
Technique privilégiée des bibliothécaires, élevée par certains au statut de philosophie... Nous n'entrerons pas dans ce débat qui, en ces temps d'informatisation, garde toute sa valeur et toute sa nécessité.
Le catalogage, c'est dire l'importance qu'on lui donne, mobilise la moitié du temps du circuit du livre ; dans l'échantillon considéré, près de 51 emplois y sont consacrés.
Il représente en moyenne 17,8 % du temps de travail et plus de 19 % des coûts des activités d'une bibliothèque universitaire.
Sont considérés ici comme acquisitions les volumes acquis à titre onéreux, par échange ou par don, selon la définition adoptée par l'Enquête statistique générale auprès des bibliothèques universitaires. Les thèses ne sont pas prises en compte.
Le catalogage est, en ce qui concerne les ouvrages, la tâche la plus longue et la plus onéreuse du circuit de traitement. Elle représente la quasi-totalité des temps et des coûts du catalogage de l'ensemble des documents, soit 90 %.
Le détail des diverses opérations met en évidence que le catalogage de base (30 mn), puis la dactylographie (26 mn) et enfin l'intercalation dans les fichiers (20 mn vérifications comprises), sont les tâches qui prennent le plus de temps. Il faut en moyenne 1 h 45 pour cataloguer une monographie.
Obtenus sur des échantillons et par des méthodes différents, ces temps sont comparables à ceux des études citées plus haut : de 1 h 41 à 2 h 07 pour une fiche intercalée en bonne place dans le catalogue adéquat.
Le coût du catalogage est très variable dans les établissements du panel étudié, selon la taille de la bibliothèque, le nombre de volumes traités et le champ disciplinaire couvert. Il peut aller de 188 F, moyenne « générale », à 196 F (sections économiques, juridiques et littéraires), et s'élever à 224 F, dans les sections médicales et scientifiques.
La bibliothèque qui a informatisé cette partie de son circuit, y consacre un temps relativement important ; mais c'est aussi celle qui traite le plus grand nombre d'ouvrages annuellement.
L'influence de la taille de l'établissement et du nombre de volumes traités est donc évidente, à une exception près. Que l'on ait ou non un grand nombre d'ouvrages à traiter, il y a toujours une équipe de personnel en charge de cette tâche. L'effet d'économie d'échelle joue pleinement ici.
Le catalogage des périodiques prend moins de temps : une fois catalogué, un titre l'est généralement pour longtemps. Il faut en moyenne 59 mn par titre catalogué. Cette estimation est très globale car un titre génère un nombre plus ou moins élevé de fascicules annuels. Cela dépend de la composition du fonds littéraire économique ou scientifique ; en sciences, on le sait, c'est le support privilégié des chercheurs.
Le catalogage est effectué à 62 % des temps par le personnel scientifique et technique. Ceci explique en partie que le pourcentage des coûts soit supérieur à celui des temps : les personnels assurant cette tâche sont les plus qualifiés et les mieux rémunérés. Les administratifs, par la dactylographie des fiches, participent à 25 % de cette tâche.
Lors de l'informatisation intégrée d'une bibliothèque, la dactylographie et l'intercalation disparaissent complètement des activités.
Les conservateurs ou les bibliothécaires adjoints, et les administratifs, selon les lieux, sont donc libérés en grande partie de la dactylographie, même s'il faut tenir compte de la saisie, des vérifications, et totalement de l'intercalation, qui allongent le circuit physique du livre et les temps de traitement.
Durée et coûts des acquisitions
Du choix du livre à sa réception, les acquisitions comportent un certain nombre d'opérations qui mobilisent au total dans les bibliothèques étudiées 27 emplois et le quart du temps passé au traitement des documents. Cela représente encore, dans le cadre des activités générales d'une bibliothèque, près de 9,50 % du temps et 11 % des coûts.
La part relative des périodiques, à cause du bulletinage, est importante : un tiers des temps, des emplois et des coûts des acquisitions.
Le choix est l'étape la plus onéreuse au sein des acquisitions de monographies, par la qualification des personnels qui l'exercent : 60 % du temps qui y est consacré l'est par les conservateurs et les bibliothécaires adjoints. C'est aussi une tâche très importante : d'elle dépend l'évolution du fonds de la bibliothèque ; en outre, c'est en partie par elle que se remarquera l'orientation de la politique documentaire de l'établissement. Acquérir une monographie prend 39 mn et coûte 77 F en moyenne.
Pour un titre de périodique, et malgré le regroupement fréquent des renouvellements d'abonnement et des commandes en début d'année universitaire ou civile ou leur prise en charge par une ou deux sociétés d'abonnements, 2 h seront nécessaires. Cela coûtera, en plus du prix de l'abonnement, 205 F pour en traiter l'acquisition.
Le bulletinage à lui seul mobilise 3,8 emplois ; il faut 49 mn en moyenne pour bulletiner un titre de périodique. Cette seule opération coûte 80 F ; mais la diversité de la périodicité des revues, du quotidien au trimestriel, ne peut réduire une telle estimation à une moyenne. Si l'on tentait une évaluation plus précise, il faudrait tenir compte de critères tels la discipline ou le niveau scientifique de la revue. Cette estimation est donc toute relative.
Durée et coût de l'équipement
Avant d'arriver en rayon, le livre ou le fascicule de périodique devra être équipé afin d'être classé et reclassé, emprunté, protégé du vol, préservé du vieillissement prématuré par l'équipement immédiat et la reliure.
Cette étape du circuit réserve bien des surprises, et bien des variations suivant les bibliothèques. En moyenne, il faut compter 9 % des temps (autant que pour l'acquisition) et 7 % des coûts de l'activité d'un établissement. Et, chiffre plus évocateur, 25 % du temps de traitement et 19 % des coûts lui sont imputables. En 1989-1990, on a passé près de 3/4 d'heures à équiper chaque volume, et 1 h 25 pour un titre de périodique (on sait la relativité de cette estimation pour les revues).
Les coûts extrêmes pour les monographies varient de 39 F à plus de 200 F, dans les différentes sections des services communs de documentation. Les coûts moyens s'établissent à 60 F dans les sections juridiques, économiques et littéraires, 113 F pour les sections scientifiques et médicales, mais à 53 F pour l'ensemble des bibliothèques étudiées.
C'est à ce point du circuit que se cumulent tous les effets des ruptures du chemin parcouru par le document, imposées par des locaux inadaptés, favorisées par la permanence des savoir-faire des personnels depuis longtemps en place. L'enchaînement de multiples procédures traditionnelles n'intègre pas le circuit « physique » du livre ou du fascicule de périodique.
Les magasiniers assurent 67 % de l'équipement, ce qui explique que le pourcentage des coûts soit inférieur à celui des temps. Ce coût ne sera pas minoré par l'informatisation car c'est une des tâches sur laquelle elle a peu de prise. Pourtant son importance relative dans l'ensemble du traitement est manifeste.
Un catalogage surévalué
Ces données appellent quelques réflexions générales : la place du catalogage dans le traitement du document a été surévaluée.
Le catalogage, lors de l'informatisation d'une bibliothèque, est la tâche qui apparaît la plus bénéficiaire en gains de temps et de coûts, par la suppression de la dactylographie, de la multigraphie, ou de la duplication des fiches et de leur intercalation. Mais la répartition des trois tâches permettant d'assurer le circuit du livre montre que le catalogage en représente un peu plus de la moitié, les acquisitions et l'équipement se partageant à peu près également la petite moitié restante.
Tout le circuit du document est donc vraiment concerné, et avant d'espérer des gains en temps et en coût d'une informatisation, il convient de le mettre à plat en décomposant les diverses opérations auxquelles il donne lieu.
Seul, dans l'état actuel de l'art, un système de gestion de bibliothèque intégré peut permettre d'améliorer la productivité mais aussi la qualité du service, l'information étant saisie une fois pour toutes et les opérations ayant lieu, pour la plupart, en temps réel.
Les bibliothèques universitaires françaises connaissent toutes une informatisation partielle, du prêt au minimum, et beaucoup encore cataloguent sur une source ; mais peu ont un module de consultation et très peu un module d'acquisitions lié au catalogage. Les gains en temps et en coûts sont donc ponctuels ; cette informatisation partielle a l'avantage de former les personnels et de faire pressentir aux professionnels et aux usagers l'amélioration potentielle de la qualité des services. Lorsque le circuit est bien décomposé, on peut espérer éviter les double ou triple allers-retours entre l'ouvrage, le ou les registres d'inventaires, les bons de commandes ou de livraison. Il est aussi nécessaire de rassembler dans un même lieu (ou des lieux proches au même niveau) le maximum d'étapes afin de minimiser les déplacements de personnels, de collections, de documents administratifs ou fmanciers.
Ceci suppose l'organisation méthodique et rationnelle de bien des procédures auxquelles participent des personnels nombreux et de qualifications différentes. L'informatisation est source de coûts, et si l'organisation du service n'est pas mise en place au préalable, les gains qualitatifs et quantitatifs escomptés risquent de ne pas être atteints, quelle que soit la qualité du catalogage et de la banque de données qui en sera issue.
A quoi servirait-il à un usager d'avoir l'identification approfondie et la localisation sophistiquée de la documentation qu'il souhaite s'il ne peut l'obtenir rapidement ? Si la réduction des temps et des coûts passe aujourd'hui par l'informatique intégrée et les réseaux, elle est aussi très liée à l'organisation rationnelle du travail et des procédures nécessaires au traitement du document. L'informatisation n'apportera la plénitude de ses moyens qu'à cette condition.
Evaluer pour évoluer, titre de deux articles publiés à quelques années d'intervalle dans deux revues différentes, par des auteurs différents, de pays différents : c'est bien dire toute l'attention qu'il est nécessaire de porter à chaque maillon de la chaîne afin de donner aux réseaux, dans tous les sens de ce terme, leur capacité à fonctionner pleinement.
Décembre 1992