Les dépenses culturelles des départements
analyses et évolution 1978-1987
Catherine Lephay-Merlin
ISBN 2-10-00150-2 : 150 F
Outil de travail pour l'analyse et la décision, Les dépenses culturelles des départements : 1978-1987 s'inscrivent dans un collection mise en place par le Département des études et de la prospective du ministère de la Culture, collection qui passe en revue les financements publics du domaine culturel. Etabli à partir des comptes administratifs des départements, le volume laisse la plus large part à des tableaux récapitulatifs, dans lesquels les différents départements apparaissent dans un ordre qui reste alphabétique (on regrettera un peu à cet égard qu'une approche plus audacieuse n'ait pas autorisé certains regroupements - par strates de population, par efforts consentis, et -, même si quelques cartes autorisent une meilleure lisibilité que des colonnes de chiffres bruts).
L'explosion des dépenses
La synthèse préalable est du plus vif intérêt. Rappelant la triple mutation des années 75-87 (politique de contractualisation, responsabilités nées des lois de décentralisation, mutation du partenariat avec l'émergence des Directions régionales des affaires culturelles), Catherine Lephay-Merlin souligne l'explosion des dépenses culturelles des départements, qui passent de 290 millions de francs en 1975 à 2,7 milliards en 1987, représentant 7 % des financements publics de la culture. Ces dépenses, équivalant à 52 F par habitant en 1987 (contre 17 F - valeur 1987 - en 1975), atteignent 2,1 % des budgets départementaux, avec une nette prédisposition aux dépenses d'investissement (les plus forts budgets de fonctionnement intervenant dans les départements à forte population ou à fort potentiel fiscal).
La répartition géographique de ces dépenses est extrêmement inégale, comme cela est prévisible pour des collectivités d'autonomie récente. Si les plus gros budgets sont consentis à l'est d'une ligne Le Havre-Marseille, des départements isolés témoignent d'une forte volonté de rattrapage (la Somme, le Finistère, par exemple), sans qu'on puisse par ailleurs se servir de couleurs politiques pour effectuer des comparaisons. L'auteur signale justement que les moyennes sont faussées, tant l'évolution est tirée vers le haut par 17 départements seulement, dont les dépenses courantes sont passées en 12 ans de 10 à 44 millions de francs.
La place du livre et des bibliothèques
Dans ces dépenses, le livre et les bibliothèques se placent très honorablement, puisqu'ils viennent en 4° place des dépenses culturelles avec 12,7 % des budgets culturels en 1987, après le patrimoine architectural (19,7 %), les archives (15,7 %), la musique et les arts lyriques (13,2 %). Surtout, ce secteur a été multiplié par 8 en 15 ans, et plus particulièrement par 5 entre 1985 et 1987, représentant la plus forte progression des dépenses culturelles départementaies : il faut évidemment y voir la marque de la départementalisation des bibliothèques centrales de prêt, avec les transferts de gestion directe induits par les lois de décentralisation entrées en application en janvier 1986, mais aussi les politiques volontaristes que ces bibliothèques - maintenant « départementales de prêt » - ont souvent su initier auprès de leurs conseils généraux.
Malgré une très pertinente et très claire analyse méthodologique, on reste par ailleurs perplexe sur deux éléments de décompte... qui obligent à relativiser l'intérêt général des données publiées :
- l'auteur distingue à juste titre les dépenses départementales en gestion directe des transferts aux autres collectivités ou associations. Mais (emprise d'une politique nationale ?) les synthèses cumulent la gestion directe avec la gestion déléguée à des associations ou organismes paradépartementaux. S'il est vrai qu'on peut retrouver l'impulsion politique dans la gestion déléguée, cette pratique révèle par ailleurs un souci de faire échapper un pan de l'action culturelle à la comptabilité publique : si les dépenses en gestion directe ont été multipliées par 2,7 de 1978 à 1987, celles en gestion déléguée l'ont été par 3,2 dans la même période.
- une tentative de comptabilité analytique a tenté d'inclure dans les dépenses culturelles une partie des dépenses d'administration générale. Bien que conforme à certaines règles de comptabilité, cette pratique fausse largement les données présentées, dans la mesure notamment où l'Etat ne s'applique pas intégralement ces mêmes règles, et où ces dépenses induites représentent en définitive 9,5 % des 2,7 milliards de francs dépensés pour la culture par les conseils généraux. Il n'en reste pas moins que ce volume représente un véritable instrument de référence, même s'il aurait gagné à multiplier ses tableaux de synthèse (en francs constants !), et à proposer quelques éléments de comparaison avec les dépenses de l'Etat et des autres collectivités locales.