La bibliothèque centre de documentation du Musée national Reina Sofia
La Bibliothèque Centre de documentation du Musée National Reina Sofia de Madrid est spécialisée dans l'art du XXe siècle. Ouverte à tout public, disposant de budgets assez conséquents pour le pays, elle a fait le choix d'être à la fois bibliothèque et centre de documentation, refusant cette distinction. La plus grande partie des tâches a dû être effectuée par du personnel vacataire temporaire. La bibliothèque a réalisé un vidéodisque et compte mettre ses catalogues sur CD-ROM et les diffuser sur le réseau espagnol en vidéotex.
The Centro de Arte Reina Sofia Library and Documentation Center is specialized in the XXth century art. Open to anybody, it has had high enough budgets and decided to be both a library and a documentation center, denying a too strong difference between these two services. Most of the job has had to be done by temporary staff. The library has realized a videodisc and is about to transfer its catalogues on a CD-ROM to serve them on the Spanish videotex network.
Das Bibliothek-Dokumentationszentrum des National-museums Reina Sofia in Madrid ist eine Fachbibliothek für die Kunst des zwanzigsten Jahrhunderts, die der Öffentlichkeit geöffnet wird und über einen für Spanien wichtigen Haushalt verfügt. Sie will in der gleichen Zeit eine Bibliothek und ein Dokumentationszentrum zusammenfassen und weigert sich, über diesen Unterschied Partei zu ergreifen. Die meisten Verwaltungsaufgaben wurden einstweiligen Beamten übertragen. Die Bibliothek hat eine Bildplatte ausgegeben, und hat die Absicht, ihr Katalog durch CD-ROM und Bildschirmtext ins spanische Datennetz zu verbreiten.
Ce n'est un secret pour personne que le système des bibliothèques en Espagne est encore très faible et souffre d'un retard considérable. Formulé ainsi, cela ne devrait pas nous préoccuper excessivement : ce n'est pas le seul domaine où nous avons un retard dû à des conditions historiques et économiques bien connues. Le problème est que notre modeste système de bibliothèques est en retard y compris par rapport à notre niveau de richesse et à la demande et au niveau de lecture des citoyens.
Cette situation n'est ni nouvelle, ni réservée à une orientation politique précise. Je dirais qu'il s'agit de l'un des traits qui définissent la vie culturelle espagnole de ce siècle, si on laisse de côté quelques initiatives fauchées par la guerre civile. Et il faut dire clairement que cette caractéristique est seulement le fait du XXe siècle et non des précédents.
Sur cette toile de fond il ne faut pas espérer à moyen terme des changements importants, structurels, qui placeraient les bibliothèques espagnoles à un niveau comparable à celui d'autres services publics de l'Etat.
Nous attendons des améliorations ponctuelles dans certains secteurs ou certaines zones (et de fait il y en a), mais, malgré la multitude de diagnostics et de plans élaborés par l'administration, nous ne devons pas espérer l'adoption de mesures de choc.
Des moyens importants
L'une de ces améliorations ponctuelles est, à mon avis, la Bibliothèque Centre de documentation du Musée national Reine Sophie. Je ne parle pas du travail que nous avons pu faire ni de sa qualité, discutable ; je parle seulement de la disposition administrative au moment de construire et de doter ce Centre, de la générosité des espaces, des installations et des budgets qui sont bien au-dessus de la moyenne espagnole.
Au moment de créer cette bibliothèque, trois décisions ont été prises, qui dessineront une bonne partie du développement futur : nous nous appelons Bibliothèque Centre de documentation, nous nous spécialisons dans l'art du XXe siècle et nous sommes ouverts à toute personne pénétrant dans le Musée.
La vieille polémique entre documentation et bibliothéconomie est à l'origine de notre nom. Personnellement, je crois que la distinction entre centre de documentation et bibliothèque spécialisée est plus scolastique que réelle et tient plus à une question d'image qu'à des différences techniques. De ce point de vue la Bibliothèque Centre de documentation (BCD pour aller plus vite) ne se dédouble pas en deux organismes pour chacun des aspects : simplement elle ne distingue pas ces tâches ni ne renonce à les réaliser.
La décision de l'ouvrir à tout public est due à l'absence à Madrid de bibliothèques spécialisées dans l'art du XXe siècle et, surtout, à l'énorme difficulté de préciser, aujourd'hui, qui est chercheur ou spécialiste. Il semble incongru de mettre à la disposition du plus large public les expériences d'avant-garde de l'art contemporain et, d'autre part, de fermer jalousement l'accès à l'unique centre public qui a comme fonction de rassembler la bibliographie. La crainte justifiée que la BCD se remplisse d'étudiants qui cherchent simplement un lieu silencieux avec table, chaise et chauffage pour préparer les examens dans n'importe quelle matière a été compensée par l'interdiction de l'entrée avec livres ou notes, seulement autorisés quand le lecteur déclare faire une recherche.
De cette façon, bien que ce Centre soit très spécialisé, on ne demande aucun papier d'identité pour pouvoir l'utiliser, sauf pour la communication des documents considérés fragiles ou précieux.
La troisième caractéristique de ce Centre, imposée par les circonstances économiques, est la proportion très élevée de personnel temporaire qui a participé de façon décisive à sa création.
De fait, plus de 90 % des heures de travail investies de 1986 à 1992 ont été effectuées par un personnel sur contrats à durée déterminée recruté grâce aux programmes du Ministère du Travail pour l'accès à un premier emploi.
Sans doute ces caractéristiques alliées à la générosité budgétaire ont créé une bibliothèque particulière, notable par ses installations, intéressante par le nombre de lecteurs qu'elle reçoit, généreusement dotée financièrement pour les acquisitions et fonctionnant avec une rotation de personnel très élevée.
Actuellement la bibliothèque met à la disposition du public, en libre accès, un peu plus de 40 000 volumes, plus de 500 vidéos, près de 140 abonnements à des revues, une modeste collection de 7 000 diapositives, 13 600 dossiers de documents éphémères et de coupures de journaux, un petit dépouillement de revues spécialisées et de périodiques (5 600 entrées) et une phonothèque comprenant 3 500 enregistrements sonores. Tous les documents sont inclus dans le catalogue automatisé.
Actuellement la moyenne est de 140 lecteurs par jour, qui disposent de 96 places, 12 postes de vidéo, 7 postes audio, 2 photocopieuses à pièces, 5 terminaux et quelques CD-ROM 1 offrant l'accès à différentes bases de données.
On peut affirmer à la fin de cette année 1992 que le premier problème que posait la BCD du Musée National Centro de Arte Reina Sofia - sa simple existence et utilité - est fondamentalement résolu, malgré toutes les défaillances habituelles.
Les services du XXIe siècle
Il nous reste, en revanche, à nous fixer des objectfs plus précis, plus ambitieux et sûrement plus difficiles à définir : où devrons-nous être au début du XXIe siècle ? Quels services voulons-nous offrir et lesquels va-t-on exiger de nous ? Quels moyens pouvons-nous dépenser et lesquels pouvons-nous économiser ?
Des réponses plus ou moins faciles à toutes ces questions existent sûrement si nous savons nous appuyer sur l'expérience accumulée.
D'une part, nous devons nous lier davantage à l'activité du Musée en facilitant les deux grandes tâches qui sont les siennes aujourd'hui : la documentation et l'information sur et pour les collections ; la documentation et l'information sur et pour le programme d'expositions.
D'autre part, nous devons accroître notre présence dans le monde de la recherche et notre utilité pour les professionnels du monde de l'art, en suivant deux voies absolument traditionnelles : l'accumulation de documents utiles et l'exploitation et la diffusion des fonds.
Mais ces réponses ne sont que des voeux pieux et en tant que tels ils ont peu de précision et peu d'utilité quand ils émanent des rapports annuels de l'organisme et que nous essayons de les convertir en budgets, techniques de travail, tâches par personne, etc. On peut supposer qu'ils seront aussi inaccessibles dans les années à venir qu'ils l'ont été, pour des raisons différentes, dans les années passées.
Quel peut être le cadre dans lequel agira cette Bibliothèque Centre de documentation dans les prochaines années ? Pouvons-nous espérer plus de personnel, une meilleure qualification, un budget plus important ?
Les précisions sur le futur sont toujours compliquées, mais en se basant sur l'expérience accumulée jusqu'à aujourd'hui, on peut s'attendre au tableau suivant :
- il n'y aura pas d'augmentation du personnel permanent, mais des diminutions sensibles du personnel temporaire ;
- il n'y aura pas d'augmentation budgétaire d'aucune sorte et il faut espérer le maintien des niveaux actuels, pour la simple raison qu'ils ne représentent qu'une petite fraction du budget général de fonctionnement du Musée ;
- il est possible, et souhaitable, que nous nous intégrions dans un réseau coopératif qui économise des efforts de catalogage ;
- l'utilisation de l'informatique -seul domaine où les prix baissent -sera obligatoirement plus grande qu'aujourd'hui et seuls les projets qui impliquent un usage massif et précis de l'informatique auront une chance d'obtenir un financement ;
- l'utilisateur « à distance », qui ne viendra pas physiquement à la bibliothèque, aura un poids relatif plus grand qu'aujourd'hui.
Si on examine attentivement les objectifs que nous poursuivons et le contexte dans lequel nous espérons vivre, on observe que dans les objectifs prédomine le mot « plus » et dans le contexte le mot « moins ».
En d'autre mots, notre programme pour l'an 2 000, c'est : comment améliorer les services et augmenter le nombre d'utilisateurs en diminuant les coûts de personnel, de traitement des documents, les coûts d'acquisition et de conservation des publications ?
Je ne crois pas que ce soit un programme excitant pour quiconque, mais je ne crois pas non plus que ce soit un programme inconnu de qui que ce soit ces derniers temps. En fait, l'idée de la constante réduction budgétaire a pesé sur la planification du Centre dès ses plus tendres débuts. Dans quels aspects techniques de notre travail peut-on voir clairement ce nouveau mythe de l'« éternelle réduction » ?
En premier lieu, dans nos critères de catalogage et de classification.
Depuis le début nous suivons des critères strictes de description bibliographique nous alignant sur le niveau de base des ISBD 2 : nos descriptions sont plus proches des catalogues ISBN 3 que de notre Bibliographie nationale. D'évidentes raisons d'économie nous y ont conduit - et nous y conduisent toujours -, devant l'impossibilité de former le personnel temporaire dans son premier emploi aussi parfaitement qu'un catalogueur du style de la Bibliographie nationale et surtout pour faire face aux simples données de rendement : plus la notice catalographique est brève, plus on catalogue d'œuvres. Une notice moyenne de notre catalogue a 200 caractères, une notice moyenne de la Bibliographie nationale 500. Et il reste à prouver que tant de prouesses techniques aient un sens quelconque hors de la gigantesque richesse de la Library of Congress.
Nos systèmes de classification sont seulement légèrement plus complets. Etant donné que 99 % de nos fonds sont en libre accès, nous avons limité sciemment les cotes thématiques à un nombre réduit, convaincus que les longues numérotations de la CDU 4 sur les dos des livres servent seulement à les cacher au lecteur.
Nos vedettes matières sont plus complètes et dans nombre de cas occupent autant d'espace que la description bibliographique. Elles sont par contre très rudimentaires encore. Les vedettes matières les mieux contrôlées sont les noms des artistes, pour deux raisons : c'est la plus fréquente des questions qu'on nous pose ; c'est la plus simple à résoudre ; la plupart des questions posées à un centre spécialisé dans l'art du XXe siècle se réduisent, à n'en pas douter, tôt ou tard à une série de noms d'artistes comme éléments minimum d'information.
Pour cette raison nous avons développé une modeste liste d'autorité de plus de 12 000 artistes avec dates de naissance et de mort, et nationalité quand on les connaît.
Le reste des v e d e t t e s matières, un peu moins de 15 % du total, attend une main soigneuse pour les nettoyer et les faire briller.
Je ne crois pas qu'on puisse améliorer substantiellementaucun de ces domaines dans les années prochaines, sauf si nous nous intégrons dans un réseau coopératif. Dans le cas où nous arriverions à faire partie d'un réseau ou d'une association semblable, de caractère national ou international, nous pensons que l'effort que nous consacrons aujourd'hui à ces deux tâches sera sensiblement moindre et nous permettra d'améliorer, sans augmenter ni les effectifs ni le budget, ces deux aspects. Dans aucun autre cas je ne vois d'amélioration possible.
Nouvelles technologies et éternelle réduction
Le deuxième aspect de notre travail où est parfaitement visible la crainte permanente de l'« éternelle réduction » est l'utilisation des nouvelles technologies, informatique inclue.
Non seulement, nous utilisons l'informatique depuis le début, convaincus que cela suppose des économies réelles en personnel, mais nous utilisons seulement l'informatique et les nouvelles technologies dans la mesure où nous supposons qu'elles peuvent faire économiser temps et personnel.
Il faudrait citer deux exemples : la production d'un vidéodisque d'après notre collection d'images fixes et le développement d'un modeste programme de numérisation d'images en noir et blanc (en cours). Dans les deux cas, assez éloigné dans le temps, nous nous fixâmes comme objectif de mettre à la disposition des utilisateurs des documents fragiles, difficilement susceptibles de survivre en libre accès et d'un coût élevé en personnel lors de leur consultation par le public.
Il s'agit, dans le cas du vidéodisque d'images fixes, surtout de diapositives et, dans le cas de la numérisation, d'un grand nombre de documents éphémères ( coupures de presse, invitations, petites plaquettes, etc.) hérités de l'ancien Musée espagnol d'art contemporain.
La technologie du vidéodisque, que nous avons choisie il y a quelques années après l'expérience de quelques musées et bibliothèques, a supporté avec succès et sans défaillances deux longues années de consultation libre par le public.
Les rares fois où nous nous sommes vus obligés d'accéder manuellement aux supports originaux nous ont confirmé qu'un tel service est impensable en ayant recours aux méthodes traditionnelles s'il existe une demande raisonnable.
Nous avons, par contre, plus d'espoir dans la numérisation des images. En premier lieu parce que les coûts ont baissé d'une façon spectaculaire ces derniers temps. En deuxième lieu parce qu'elle permet une souplesse qu'on ne peut pas obtenir avec le vidéodisque.
Le programme de travail prévoit que nous commençions par les documents qui peuvent être numérisés en noir et blanc sans gammes de gris ; nous continuerons par les documents qui exigent des gammes de gris ou une palette réduite de couleurs. L'objectif est de promouvoir la consultation d'une énorme quantité de documents de valeur très diverse, en réduisant l'espace de stockage et en diminuant le coût en personnel qu'implique sa consultation et sa conservation.
Mais nous espérons aussi vérifier dans la pratique la viabilité économique et technique de l'emploi de l'image numérisée comme moyen de stockage et de mise à disposition du public, compétitif avec les autres systèmes traditionnels, au moins pour les documents dont la lisibilité n'exige pas une haute définition.
Les autres pas que nous espérons faire avant 1993 sont d'accroître les usagers « à distance » et la qualité de nos services. Deux pas sont prévus : éditer un CD-ROM offrant les catalogues de notre bibliothèque et distribuer nos catalogues informatisés grâce à l'ordinateur du ministère de la Culture, permettant sa consultation télématique et sa distribution grâce au vidétext (selon une formule semblable au Minitel). Ces deux propositions n'impliquent aucune dépense budgétaire de notre part. Le CD-ROM sera édité par une entreprise spécialisée espagnole (Micronet), qui assume les coûts de fabrication et de commercialisation, laissant au Musée le rôle d'auteur qui perçoit des royalties pour chaque exemplaire vendu.
Septembre 1992