Le cD-ROM et sa mise en réseau

par Fabienne Queyroux

Jean-Luc Fabron

Paris : A Jour, 1992. - 104 p. ; 24 cm. - (Collection nouvelles technologies de l'information).
ISBN 2-903685-43-6 : 150 F.

L'ouvrage de Jean-Luc Fabron, publié par les éditions A Jour, dont on connaît l'intérêt pour le CD-ROM, paraît à un moment où bien des bibliothèques, notamment universitaires, s'interrogent sur leurs possibilités d'offir à leurs usagers la consultation en réseau de CD-ROM. Le sujet est donc tout à fait d'actualité, d'autant plus que si le CD-ROM en bibliothèque, et particulièrement sa mise en réseau, ont récemment fait l'objet de plusieurs colloques ou journées d'information, tant en France qu'à l'étranger, pour l'instant aucune publication n'a rendu compte des expériences relatées et des informations échangées lors de ces rencontres 1.

Un ouvrage résolument technique

L'auteur annonce qu'il souhaite s'adresser aux différents partenaires susceptibles d'intervenir dans l'implantation d'un réseau de CD-ROM : décideurs, informaticiens, utilisateurs, au sein de ce qu'il appelle « entreprise » au sens large. Le premier chapitre s'intéresse au CD-ROM lui-même, depuis sa fabrication, ses performances diverses (capacité de stockage, temps d'accès, coût, etc.), son mode de lecture et de consultation, jusqu'à la description des normes les plus récentes. Le second chapitre, de volume sensiblement équivalent, examine comment on peut intégrer la fonction de consultation de CD-ROM dans les divers types de réseaux locaux présents sur le marché. Le troisième chapitre, beaucoup plus bref, est consacré au projet « BU-réseaux » établi en commun par l'UFR 2 de Médecine et Odontologie et la bibliothèque de l'université de Nice-Sophia Antipolis. Il est à noter d'ailleurs que l'ouvrage dans son ensemble se présente dès l'abord comme la synthèse des recherches préparatoires à l'étude de faisabilité du projet niçois. Enfin, sont données en annexe des listes de fournisseurs de serveurs, d'éditeurs et de diffuseurs de CD-ROM, ainsi qu'une bibliographie.

Malgré le vœu exprimé de s'adresser sans discrimination à tous ceux que la mise en réseau de CD-ROM peut intéresser, l'ouvrage est résolument technique. En dépit d'un effort d'introduction et d'explication au début des chapitres I et II, sa lecture requiert non seulement une familiarité certaine avec la micro-informatique courante et les modes numériques de stockage de l'information, mais encore une bonne connaissance du fonctionnement d'un réseau local. De fait, l'ouvrage oscille continuellement entre un exposé qui se veut accessible et des généralisations théoriques. Le lecteur ne peut donc s'empêcher d'éprouver un certain malaise : à qui s'adresse réellement cet ouvrage ? Si la faisabilité technique est bien entendu essentielle, elle ne doit pourtant s'inscrire qu'après une réflexion globale sur les avantages d'une solution réseau par rapport à une solution monoposte ou en ligne, non seulement en termes de moyens techniques et humains, mais encore en termes de satisfaction des utilisateurs. Or l'ouvrage de Jean-Luc Fabron n'étudie pas ces questions, se bornant à les mentionner en quelques phrases rapides et trop vagues.

Le sentiment de malaise augmente à l'issue de la lecture du chapitre III. Bien naturellement, le lecteur espère y obtenir des détails sur les solutions applicables à une situation concrète. Mais, là encore, il doit se contenter de recommandations générales, et les conclusions déçoivent 3.

Loin de l'attente

En fait, le principal reproche qu'on doit adresser à l'ouvrage de Jean-Luc Fabron est qu'il ne trouve jamais réellement son public. Le problème de la mise en réseau de CD-ROM se pose en premier lieu à des organisations qui ont déjà l'expérience du CD-ROM en monoposte, et qui savent quels sont les avantages du support, les problèmes liés à sa consultation et les améliorations qu'elles espèrent d'une solution réseau. L'on s'interroge alors sur l'utilité de certaines sections de l'ouvrage (notamment son premier chapitre), et surtout l'on déplore ses imprécisions. L'une d'entre elles est importante : la question, pourtant centrale, du coût reste toujours dans l'ombre, malgré l'annonce d'une étude des aspects financiers. Jamais l'auteur ne se hasarde à donner la moindre estimation chiffrée, ou le moindre ordre de prix. Quant aux organismes qui n'ont aucune expérience d'utilisation de CD-ROM, et auxquels, de fait, le chapitre I pourrait s'adresser, il paraît douteux qu'après avoir lu cet ouvrage leurs responsables soient séduits par ce support et sa mise en réseau, compte tenu du peu d'insistance sur des points essentiels, comme la richesse et la variété des informations à présent disponibles sur CD-ROM, la convivialité des logiciels de consultation, souvent bien supérieure à celle des logiciels d'interrogation en ligne, et enfin la sécurité (des données, mais aussi des matériels et des disques eux-mêmes) ainsi que la liberté et la souplesse (ne seraient-elles prouvées que par la disparition des files d'attente des usagers devant un poste unique) que peut et doit procurer un système de consultation en réseau. Enfin, deux critiques formelles : l'organisation de la bibliographie laisse perplexe, et l'on souhaiterait un usage plus discret des points de suspension dans le corps du texte. On peut également signaler que la liste des « acteurs » n'est pas parfaitement à jour.

Pour conclure : l'ouvrage de Jean-Luc Fabron apporte indéniablement d'utiles éléments de synthèse et pourra par exemple servir d'introduction à un informaticien d'entreprise jusque-là ignorant du monde du CD-ROM. Mais cantonner l'étude aux aspects techniques du sujet apparaît bien réducteur ; en ce sens, ce livre est encore loin de répondre pleinement à l'attente de l'un des publics les plus concemés par la mise en réseau de CD-ROM, celui des bibliothécaires et des spécialistes de la documentation.

  1. (retour)↑  Par exemple à Nice, en Juin dernier, et auparavant en février à Bielefeld (Allemagne). Un compte rendu de ces débats devrait être publié par les soins de la bibliothèque de l'université de Bielefeld. Cf. aussi Bull. Bibl. France, t. 37, n° 5, 1992, p. 81-84.
  2. (retour)↑  UFR : Unité de formation et de recherche.
  3. (retour)↑  Ou font sourire : par exemple, n'est-il pas bien tard, à ce stade de l'étude, pour évoquer la nécessité d'une comparaison qualitative entre une solution réseau et des solutions monoposte ou en ligne (page 86).