PARINFO
Martine Poulain
Le Programme d'aide à la recherche en information (PARINFO) a été lancé au début de 1991 par les ministères de la Recherche et de l'Education nationale. A l'origine, le constat d'un relatif décalage entre le développement fulgurant des techniques et recours à l'information et la progression insuffisante de la recherche en ce domaine : équipes dispersées et disposant de moyens insuffisants, coupures disciplinaires néfastes, contacts insuffisants avec l'étranger, valorisation industrielle difficile.
Plusieurs études sont en cours et un colloque tenu à Villeurbanne à l'ENSSIB 1 en octobre dernier a permis de faire le point sur diverses problématiques en ce domaine. Qu'en est-il des modes d'usage des OPAC 2 ? Quelles relations entre recherches et valorisation industrielle ? Quelles nouvelles approches développer dans le domaine de l'économie de l'information ? Où en est le document électronique ? Comment développer les recherches sur les usages ?
Les usages de l'OPAC
Une étude est en cours sur l'utilisation des catalogues en ligne à la médiathèque de la Cité des sciences et de l'industrie. Près de 600 questions des utilisateurs ont été relevées. Elles sont étudiées par une équipe pluri-disciplinaire. Les principales difficultés des utilisateurs identifiées concernent le maniement même du clavier, le langage utilisé, le mode de dialogue, la conception des écrans et des messages, l'indexation et son inadéquation au vocabulaire d'usage, le mode de formulation imposé, le repérage, le rapport même à un catalogue virtuel. Cette équipe, constituée de chercheurs et de professionnels émanant de la Villette, de l'ENSSIB, de la société GSI-ERLI, de la City University de Londres, après avoir réuni le matériau, tâche d'identifier avec précision les démarches des utilisateurs. Les procédures d'essai / erreur ou de balayage de l'écran regroupent 80 % des façons de faire. Une étude qui devrait être riche d'enseignements, car l'équipe disposera pour chacun des 600 utilisateurs d'un corpus important : pré-questionnaire, session d'interrogation, post-questionnaire, questionnaire oral complémentaire, fiche d'observation remplie par l'enquêteur.
C'est le système OLIVE 3, mis au point par la British Library, qui est utilisé pour la récupération des sessions d'interrogation sur cinq postes GEAC. Micheline Hancock-Beaulieu a rappelé les projets expérimentaux en cours à la City University, à Londres : outre le logiciel OLIVE, qui permet de relever les modes de questionnement effectifs des utilisateurs, le projet OKAPI, visant à développer une troisième génération d'OPAC, devrait permettre la mise au point d'une interface interactive qui, de manière invisible pour l'utilisateur, aide celui-ci dans ses stratégies de recherche : relevé des erreurs d'orthographe, affichage immédiat de références proches de celles demandées, techniques permettant de développer l'interrogation initiale ; enfin l'équipe de la City University met au point un autre logiciel d'interface, ICARUS, version commerciale d'OKAPI.
Pour Sandra Sinno, de la Bibliothèque publique d'information, il faut ajouter à ces améliorations des OPAC, d'autres propositions d'orientation pour les usagers rétifs à la recherche bibliographique. Ainsi, la BPI est-elle en train de peaufiner une borne interactive, un « OPAC de supermarché », riche des 500 termes « best-sellers », les plus utilisés par les lecteurs de la bibliothèque lors de leurs demandes de renseignement.
Industrie et économie
Plusieurs chercheurs en sciences de l'information entretiennent des relations suivies avec le monde industriel et commercial. Ainsi, l'université Lille 3 a-t-elle développé un partenariat avec la chambre de commerce et d'industrie, et un programme « Vigilance » pour sensibiliser les petites et moyennes entreprises à la veille technologique. S'y ajoutent formations communes et tutorat de l'étudiant en entreprise.
Tous les chercheurs sont d'accord : il y a beaucoup à faire pour mieux connaître le marché de l'information, ou à tout le moins son économie. Le secteur de l'information est-il réellement industrialisé ? Anne Mayère penche plutôt pour l'étape intermédiaire, qui serait celle de processus d'industrialisation. C'est le marché des bases de données qui a toujours été à la pointe de l'industrialisation du secteur. La production elle-même a évolué, vers des services de plus en plus personnalisés, avec flux tendus, comme dans les autres secteurs industriels. L'étude en cours à l'ENSSIB essaie d'analyser en profondeur les segments de marché où ce type de services est en train de se structurer. Dans le secteur des bases de données, l'information scientifique et technique représente à peine 10 % du marché, celui-ci se faisant en fait essentiellement dans le domaine de l'économie et des affaires.
Le document électronique
Plusieurs expériences en cours ont été présentées. A Bielefield, en Allemagne, la bibliothèque universitaire met au point un système permettant un accès parallèle à différentes bases de données, autorisant le transport des informations des unes aux autres : une seule station de travail permettrait l'accès à tous les services de la bibliothèque ou du réseau.
Bernard Stiegler a rappelé les objectifs du projet OPEN : réaliser un logiciel qui serait opérationnel sur station de travail et qui permettrait à un spécialiste de Proust, par exemple, d'éditer les textes complets, incluant les diverses étapes du manuscrit, mais aussi avant et para-texte, diverses éditions, etc. OPEN aidera aussi le chercheur à constituer et mettre au point sa grille de lecture, son système d'annotation, qu'il pourra faire ensuite partager à ses lecteurs. OPEN rapproche le temps de la lecture et celui de l'écriture, voire tend à les confondre. Les différentes étapes d'un travail critique sont mémorisées, clarifiées. Des outils d'annotation et de navigation communs à toutes les humanités pourraient ainsi être mis au point. De telles possibilités (incluant la réalisation de « méga-tables des matières ») pourraient être utiles à l'édition.
D'autres expériences touchent à la presse : ici on cherche à ce que l'édition électronique soit apte à rendre la « magie du journal », qui n'est pas fait seulement de textes, mais d'une mise en page, de stratégies d'accroche, de procédés de sélection ou d'emphase, etc ; là, on s'intéresse aux développements de l'« hypennédia ». De toute façon, la « navigation hypertextuelle » va profondément modifier les pratiques et connaîtra des développements importants, notamment dans le marché du multimédia. Mais les réalisations représentent encore des investissements considérables alors que les matériels évoluent très vite.
Toutes ces promesses techniques devront encore et toujours être guidées par une meilleure connaissance des usages et des besoins et ne sauront en aucun cas faire l'économie d'une « politique de l'information » dans chaque entreprise ou institution, qu'appelle de ses vœux Jean Michel. Le professionnel du futur sera alors celui qui sera capable d'absorber la complexité du système d'information, d'écouter finement les besoins, de jongler avec une série de composantes dans un espace / temps déterminé, de se prononcer sur la pertinence des outils, d'être expert sur le contenu de l'information qu'il transmet.
Une définition somme toute agréablement classique et qui ne pourra que ravir ceux qui pensent que les contenus des documents proposés resteront toujours plus importants que la manière dont ils sont offerts...