Conférence européenne des bibliothèques de santé

Jean-Philippe Accart

Berceau de la médecine en France, Montpellier possède la plus ancienne faculté de médecine du monde actuellement en exercice. Né au XIIe siècle, l'enseignement de la médecine a toujours fait partie des attributions les plus insignes de la ville. L'université se trouvait, en effet, au carrefour de la médecine gréco-latine et de la médecine judéo-arabe : des étudiants de toute l'Europe y affluèrent. Il s'y développa ainsi une médecine humaniste.

En cette fin de XXe siècle, Montpellier, technopole, accueille Euromédecine, le Centre de calcul, développe le projet de l'Antéserveur, et va accueillir le futur Catalogue de France.

L'AEIBS

C'est donc après Bruxelles en 1986 et Bologne en 1988, que la toute jeune et dynamique Association européenne pour l'information et les bibliothèques de santé (AEIBS) a tenu sa conférence, du 22 au 26 septembre, dans cette ville symbole pour la médecine que représente Montpellier. Quelques mots, tout d'abord, sur l'Association avant d'aborder la conférence elle-même.

Constituée officiellement à Brighton en 1987 - c'est-à-dire un an après la conférence de Bruxelles - sous l'égide de la Communauté européenne et de l'Organisation mondiale de la santé, l'AEIBS s'est défini plusieurs buts dont le principal est de mettre les services des bibliothèques de santé à la disposition des professionnels de santé par la coopération et le partage des expériences au-delà des frontières. Concrètement, cela se traduit, cette année, par la mise en place d'un réseau d'échanges de photocopies d'articles médicaux en faveur des pays de l'Est : un certain nombre de bibliothèques médicales européennes ont déjà donné leur accord pour l'envoi gratuit de ces photocopies.

Un autre but défini dans les statuts de l'Association est de tenir les bibliothécaires de santé informés professionnellement, et ce, de plusieurs manières :
- en publiant une Newsletter trimestrielle en anglais et en français, les deux langues officielles de l'Association ; des informations sont données, grâce à des correspondants européens : sur les différents systèmes de santé en Europe ; les bibliothèques de santé en Espagne, en Italie ou en Norvège ; le devenir des CD-ROM médicaux ; ou les dernières publications sur la santé ;

Cette Newsletter se veut être le lien entre les quelque 500 membres de l'Association ;
- en encourageant la mobilité professionnelle dans le cadre élargi que représente l'Europe de 1992 : des échanges professionnels sont proposés entre institutions ;
- en offrant des cours d'éducation continue : chaque conférence donne lieu, en effet, à une série de cours professionnels sur des sujets aussi divers que le management d'une bibliothèque médicale, l'utilisation de CD-ROM en réseaux, la pratique du télédéchargement ou la bibliométrie.

Un niveau européen

Le troisième but de l'Association est de représenter les bibliothécaires de santé à un niveau européen, en particulier auprès de la CEE et de l'Office mondial de la santé (OMS), afin, par exemple, que des recommandations soient faites à un niveau européen pour une plus grande diffusion de l'information de santé.

En outre, l'AEIBS organise des ateliers de travail et des séminaires ; elle est représentée au niveau de l'International Federation of Library Associations (IFLA) et de la Medical Library Association (MLA aux Etats-Unis).

Enfin, elle publie un Annuaire des bibliothèques médicales en Europe, et les actes des conférences.

L'année 1992 était l'occasion d'élections afin de renouveler le président, le bureau et le conseil de l'Association 1.

La 3e Conférence européenne des bibliothèques de santé avait pour thème : « Le transfert de l'information : temps nouveaux, méthodes nouvelles ».

Comment connaître et partager des expériences communes ? Se tenir au courant de l'évolution des recherches dans le domaine médical ? Quel sera le rôle du bibliothécaire médical ? Quelle est la nature des besoins à satisfaire ? Quelle information diffuser et sous quelle forme ? La bibliothèque du futur était donc au centre du débat.

Toutes ces interrogations des professionnels de santé ont trouvé des réponses grâce aux quelque 80 communications faites à Montpellier, à une exposition de posters et à la tenue de tables rondes : l'une sur l'industrie pharmaceutique et l'autre sur la documentation hospitalière. Parmi les thèmes présentés, trois ont retenu l'attention.

Le rôle du bibliothécaire médical

Mis à part les problèmes de statut et de reconnaissance du métier qui sont communs à l'ensemble de la profession, la question de l'éthique et de la déontologie du métier a été abordée. Les nouvelles technologies, très employées dans les bibliothèques médicales, ont, en effet, changé la manière dont l'information est délivrée. Un exemple frappant a été donné : des informations fournies à un médecin par des bibliothécaires médicaux se sont révélées néfastes pour la santé d'un malade ; celui-ci s'est retourné contre l'hôpital où il a été soigné. Un tel problème soulève bien des questions, et l'établissement d'un Code de déontologie professionnelle semble être une des préoccupations à l'ordre du jour.

Un profil type du bibliothécaire médical se dégage également mis en avant par l'Association des bibliothécaires néerlandais : celle-ci a formulé de manière précise un système d'évaluation du bibliothécaire médical ; celui-ci est basé sur le savoir professionnel, la formation et l'expérience. Il propose également un programme de remise à niveau professionnelle à raison de sessions de deux ou trois jours sur une période de trois années. Ceci afin de faire reconnaître officiellement la profession, d'établir une grille de salaires et un avancement possible.

D'autre part, de conservateur de livres, le bibliothécaire a vu son rôle évoluer en ceux de professeur, chercheur sur informatique, expert en information. Quel sera le futur ? De plus en plus probablement celui d'un intermédiaire, d'un consultant, ce qui signifierait, d'une certaine manière, la fin des bibliothèques telles que nous les connaissons.

Les nouvelles technologies

Le monde des bibliothèques médicales a été complètement bouleversé par l'arrivée des nouvelles technologies. Pour citer un exemple, 60 % des bibliothèques médicales américaines sont équipées de lecteurs de CD-ROM. L'Europe suit le même chemin. Nul doute que la possibilité d'interroger une banque de données à la fois en ligne et sur CD-ROM, ou que l'arrivée des banques de données en texte intégral (full-text) vont changer également l'approche de la documentation médicale, ainsi que le prêt interbibliothèques : ces banques de données peuvent fournir le texte complet d'ouvrages, de communications à des congrès, d'articles de périodiques (le New England Journal of Medicine est maintenant accessible en ligne en full-text sur son propre serveur). Un groupe d'éditeurs scientifiques proposent déjà toute une série de périodiques scientifiques sur CD-ROM (ADONIS du groupe Elzevier).

Le minitel (plus de 6 millions en France) ou le vidéotex en tant que nouveau mode de diffusion des informations en Médecine et Santé publique offre également de grandes possibilités aux utilisateurs : deux cents services sont proposés sous le thème « Santé ».

Enfin, le projet de l'Anté-serveur a été développé : c'est un système autonome qui met l'utilisateur, par l'intermédiaire direct de son micro-ordinateur (PC, Mac) ou de son minitel, en contact avec l'ensemble des banques de données disponibles. L'utilisateur pose sa question, celle-ci est traduite par l'Anté-serveur (interface intelligente qui décrypte et analyse la question, interroge les banques de données) : la réponse peut provenir de plusieurs banques de données interrogées simultanément, en ligne et sur mode vidéotex.

L'information médicale au sein de l'hôpital

La classique distinction entre l'information médicale et l'information administrative à l'hôpital est, en fait, relativement inconsistante. 60 % du budget de fonctionnement d'un hôpital est consacré à la gestion de l'information : en effet, l'information médicale est recueillie et gérée par les soignants, ce qui demande un certain nombre de connaissances et de faits constatés sur les patients (types de pathologies, décisions médicales, traitements employés). L'information est ensuite administrative, elle est recueillie par les gestionnaires, pour le dossier médical et les frais d'hospitalisation. En fait, les deux informations sont nécessaires aux soins : un gestionnaire doit avoir une culture médicale, et un médecin doit connaître les règles de gestion hospitalière, l'information médicale restant évidemment la plus complexe.

De fait, l'hôpital présente une complexité organisationnelle et sociologique : il y a deux mondes qui s'ignorent (le médical et l'administratif) séparés par la culture, le statut social. Le monde infirmier est coincé entre les deux.

Il faut donc trouver un moyen terme afin que ces deux mondes puissent coexister et échanger les informations, car une gestion sans finalité, par un système purement comptable serait une erreur ; et une médecine trop technique, éclatée en de multiples spécialités sans efficience.

La mise en place du PMSI (Programme de médicalisation des systèmes d'information) et la création des DIM (Département d'information médicale) sont les premières étapes d'une longue marche qui devrait conduire à une vision renouvelée et partenariale de la gestion et de l'évaluation hospitalières.

De nombreux autres thèmes furent traités à Montpellier parmi lesquels la communication scientifique, la coopération nationale et internationale, le lecteur, l'information dans l'industrie pharmaceutique, l'histoire de la médecine, les bibliothèques de santé et la documentation hospitalière. Les Actes de la conférence seront publiés prochainement 2.

Le prochain rendez-vous des bibliothécaires médicaux est fixé à Oslo, du 28 juin au 2 juillet 1994 sous le thème : « L'information de santé : nouvelles possibilités ». Rendez-vous est pris !

  1. (retour)↑  En 1993-1994, l'AEIBS aura un nouveau président : Tony MC SEAN, bibliothécaire de la British Medical Association Library à Londres, qui remplacera Monique CLELAND du Centre hospitalier universitaire Vaudois à Lausanne. Les deux membres délégués de la France auprès du Conseil sont Pierre-Marie BELBENOIT-AVICH, conservateur à la Bibliothèque universitaire de Lyon et Jean-Philippe ACCART, bibliothécaire-documentaliste au Centre hospitalier d'Argenteuil.
  2. (retour)↑  Inscription et commande des Actes de la conférence auprès du secrétariat AEIBS/EAHIL, à l'attention de Roselyne Hoet, 60 avenue de la Concorde, B 1050 Bruxelles, Belgique.