Documentation musicale
Anne-Marie Filiole
En ces temps multimédiatiques, la musique diffuse largement dans les bibliothèques comme ailleurs. Les discothèques et sections musicales qui fleurissent depuis un quart de siècle attirent aujourd'hui un public de plus en plus nombreux, de plus en plus savant et exigeant... Mais, selon les bibliothécaires réunis ce jour-là 1, s'il séduit, ce secteur très en vogue ne satisfait pas la demande. Seules quelques structures bénéficiant de conditions très favorables remplissent avec bonheur leur rôle.
Un rôle privilégié
Jouissant d'un emplacement de choc, la discothèque des Halles s'est astucieusement glissée entre une Phonothèque nationale conservatrice et garante du dépôt légal et les discothèques publiques de prêt uniquement diffuseurs, avec l'objectif original de constituer une collection sélective qui fournira progressivement un patrimoine sonore pour tous les publics.
Avec ses 14 000 documents (partitions, livres, périodiques, vidéos, logiciels...) et ses nombreux dossiers thématiques, le centre de documentation de l'Institut de pédagogie musicale et chorégraphique (IPMC) répond à toutes les questions des enseignants de musique, de la maternelle aux écoles spécialisées, indiquant aussi bien les stages réservés aux saxophonistes que les opéras pour enfants existant dans le monde.
Ces structures ont un rôle privilégié, des fonctions très spécifiques, une implantation favorable, des moyens importants. Ce n'est guère le cas des médiathèques de province qui ont toutes les difficultés à satisfaire la nouvelle demande, à la fois pointue et très diverse.
Le public a aujourd'hui beaucoup évolué. Amateurs et professionnels demandent à consulter plusieurs sources à la fois : ouvrages, enregistrements, partitions... L'écoute d'une œuvre classique entraîne immédiatement l'emprunt de la partition correspondante... et les amateurs de jazz et de rock commencent à avoir la même exigence... La partition est devenue « le moteur de la bibliothèque » et il est indispensable de développer ce fonds particulier.
Beaucoup à faire
Or, c'est là que le bât blesse. Si l'édition musicale française a bien progressé depuis une vingtaine d'années, les marchands de musique n'ont guère les moyens d'assurer la diffusion : l'ensemble des éditions musicales classiques, environ 25 maisons, ne dépasse pas le chiffre d'affaires d'une maison de littérature générale ! De l'avis de Francis van de Velde (catalogue pédagogique de 200 titres), tous les petits éditeurs devraient se regrouper. Lui-même a pris l'initiative d'envoyer des représentants pédagogiques dans les conservatoires de musique, et s'associe à la SEDIM 2 pour améliorer son service de promotion et de distribution en réalisant un travail important de mise à jour des partitions disponibles et en répondant point par point aux demandes. La numérotation de la musique, qui se mettra en place, en 1993, avec l'ISMN (International standard music numerotation), permettra par ailleurs de normaliser et d'informatiser l'ensemble des catalogues : la SEDIM se propose de numériser 20 à 30 catalogues, soit 50 à 60 000 références - sur celles-ci, seules 5 000 se vendront, à moins de trois exemplaires par an ! « C'est à peu près comme si l'on faisait en même temps l'œuvre gravé de Picasso et des cartes postales de la Tour Eiffel », souligne Van de Velde philosophe...
D'ores et déjà, quelles que soient les difficultés, un fait est acquis : musique et imprimé sont inséparables, et si le public souhaite un studio d'écoute, il réclame instamment du papier. Les établissements concernés l'ont bien compris. Pour parfaire son œuvre, la discothèque des Halles s'est adjoint un centre de documentation, réunissant, dans une même structure, disques compacts, cassettes audio, livres et partitions. Les conservatoires commencent également à financer en leur sein des centres de documentation. Conservatoires et bibliothèques coopèrent d'ailleurs de plus en plus étroitement. Quand ces dernières acquièrent la version compacte d'un enregistrement musical, elles font souvent don du phonogramme au conservatoire de la ville. Certains souhaiteraient qu'en contrepartie les conservatoires prêtent à tous les publics...
Devant leur inadaptation à une demande actuelle complexe, ces structures auparavant très fermées commencent peu à peu à s'ouvrir. Il reste toutefois beaucoup à faire pour orchestrer l'ensemble...