L'appel de la télé
Nicolas Blain
La Bibliothèque centrale de prêt de l'Ardèche, service du Conseil général, a organisé avec le concours de la DRAC 1 Rhônes-Alpes (dans le cadre d'une convention Etat/Département), le 27 juin 1992 à Guilherand-Granges, une journée d'étude intitulée « L'Appel de la Télé : l'enfant, le livre, l'écran ». L'objet de cette journée d'étude, sur le thème : enfant/télévision/lecture, était d'établir une réflexion pluridisciplinaire, sur la nature de la relation spécifique qu'entretiennent les enfants avec la télévision, mais également, au-delà de ce phénomène général, d'explorer les rapports particuliers de l'image télévisuelle et du livre, de cerner l'influence de la télévision sur la lecture des enfants.
La relation enfant/télévision
La table ronde du matin intitulée : « l'enfant-l'écran » eut pour objet, par une approche pluridisciplinaire, d'analyser la nature de la relation enfant/télévision, notamment dans sa composante sociologique, mais également professionnelle en intégrant l'offre des programmes, de façon à établir en préalable les bases de connaissances et les repères nécessaires à la réflexion de l'après-midi.
Sont intervenus lors de cette table ronde animée par Jean-Michel Paris, conservateur à la BCP de l'Ardèche, Mireille Chalvon directrice des programmes jeunesse d'A2 et de FR3 et auteur d'un livre de référence sur la problématique, intitulé L'enfant devant la télé des années 90. Elle a donc fait d'abord le point sur la relation enfant/télévision dans son ensemble, en insistant sur l'importance des conditions (notamment familiales) de réception et sur l'accompagnement nécessaire pour que la télévision puisse être une source d'enrichissement pour les enfants. Ensuite elle a évoqué son expérience professionnelle au travers d'exemples concrets de production et de diffusion, pour témoigner de la politique volontaire de programmations de qualité pour la jeunesse qu'elle conduit sur les chaînes publiques, particulièrement en produisant des séries de créations françaises.
Judith Lazar, qui enseigne la sociologie de la communication à Paris-X, a fait une remarquable intervention posant les bases théoriques de la socialisation de l'enfant dans un monde d'images. Elle est l'auteur de Ecole, communication, télévision 2 et de La télévision : mode d'emploi pour l'école 3. Mais également de Sociologie de la communication de masse 4 et de La science de la communication 5.
Anne-Marie Meissonnier, productrice-réalisatrice, a traité l'offre des programmes pour les jeunes, à la suite d'un travail sur ce thème qu'elle a réalisé avec Pierre Corset pour l'INA 6, dont une synthèse a été publiée sous le titre « Les Services jeunesse des sociétés de programmes télévisés » 7.
La télévision et la lecture
La table ronde de l'après-midi, animée par Ariane Chemin journaliste au journal Le Monde, a fait une sorte de « zoom-avant » pour analyser l'incidence de cette relation sur la lecture des jeunes.
La télévision les empêche-t-elle absolument de lire, ou peut-elle au contraire, par l'adaptation de livres de littérature de jeunesse, par la curiosité qu'elle éveille relayée par la presse écrite, les conduire, ou les reconduire à l'écrit ?
Principal véhicule de leurs loisirs, de leur imaginaire, - une source immense d'informations ? -, il est vrai que la télévision est sur l'autoroute de leurs activités, reléguant beaucoup d'autres activités sur le réseau secondaire ; néanmoins est-il absurde d'imaginer, à partir du spectacle télévisuel, entraîner les enfants sur les chemins vicinaux et buissonniers de la lecture ?
C'est ce qu'a développé Maguy Chailley dont les travaux de recherche sont au centre de cette problématique. Il y a de l'écrit, dans, avec, avant et après la télévision. Elle dit volontiers qu'il faut « aider les enfants à repérer ces structures narratives car cela contribue à leur donner des compétences qui leur sont utiles en tant que lecteurs ».
Pour elle le monde de la télévision et celui de l'écrit ne sont pas antinomiques, mais doivent être perçus par les parents et les éducateurs comme complémentaires, dans l'intérêt même des enfants.
Mireille Chalvon a un peu poursuivi sa communication du matin en l'orientant davantage sur son expérience de chaîne.
Cristina Lastrego et Francesco Testa ont fait une intervention à deux voix très remarquée. Madame Lastrego dessinant sur transparents au rétroprojecteur, pendant que Monsieur Testa expliquait leur travail d'écriture de livres pour enfants et leur sentiment sur la télévision qui ne doit pas être diabolisée, mais dont l'usage par les jeunes ne doit être non plus complètement déséquilibré par rapport à l'écrit.
Adaptation de livres à l'écran
Joël Poix a expliqué au public en quoi consiste chez Hatier son travail, qui est en fait un nouveau métier, puisqu'il s'agit de gérer les adaptations de livres de littérature jeunesse à l'écran, programmation, réalisation, droits, etc. Il a présenté en avant-première (programmation en 93 sur FR3, cf. Mireille Chalvon) le pilote de la série « Mine de rien » d'ailleurs réalisée par Folimage de Valence.
Paul Thiès, dont Joël Poix a adapté un livre pour la télévision, a donné son sentiment très personnel sur cette alchimie qui consiste à passer de la création écrite à l'image animée, avec tout ce que cela entraîne de modifications. A ses yeux, la télévision ou le cinéma et la littérature sont des arts séparés, qui ont peu de choses en commun, et le succès de l'adaptation d'une œuvre écrite à l'écran est très aléatoire et dépend plus du hasard que d'une affmité entre les deux médias.
L'ensemble de la journée a connu un vif succès qui a autant ravi le public que les intervenants et les organisateurs, puisqu'il y a eu environ 300 personnes aux tables rondes et plus de 200 à la projection du « Roi et l'oiseau » l'après-midi. Le public était composé de beaucoup de bibliothécaires venus d'un peu toute la France, mais également d'enseignants, d'éducateurs, de travailleurs sociaux et de parents d'élèves.
En marge des tables rondes, le public a pu apprécier des expositions de la BCP, utiliser des stands de libraires (librairies « Le Tiers temps » d'Aubenas et « La Fontaine » de Privas, d'ailleurs très satisfaits par les nombreux livres vendus) proposant à la fois des livres pour enfants ayant fait l'objet d'une adaptation à l'écran, et des ouvrages théoriques sur le sujet, des stands d'éditeurs, le vidéo magazine littéraire pour la jeunesse Bouquin-Taquin de Maxmédia animé par Patrice Wolf, etc.
La BCP publiera prochainement les actes de cette journée dans le cadre de sa collection « De la parole aux actes ».